Ce n’est pas un poisson d’avril. Au cours d’un point de presse qu’il a animé, vendredi 1er avril, le porte-parole du secrétariat général de la "majorité présidentielle" (MP), André Atundu Liongo, a déclaré qu’après le 19 décembre 2016 - date de l’expiration de son second et dernier mandat -, "Joseph Kabila" restera à la tête de l’Etat "jusqu’à l’installation effective du nouveau Président élu". Traduction : le chef de l’Etat sortant reste à son poste jusqu’à l’élection de son successeur. Atundu a, par ailleurs, accusé les représentants des forces politiques et sociales qui soutiennent la thèse du vide du pouvoir après le 19 décembre 2016 de "préparer la violence à travers le pays".
«A la fin de son mandat, le Président de la République reste en fonction jusqu’à l’installation effective du nouveau Président élu », a rappelé André Atundu Liongo. Il citait le deuxième alinéa de l’article 70 de la Constitution congolaise.
Ce paragraphe est au centre d’une vive controverse entre le pouvoir et les forces politiques et sociales déterminées à défendre le respect de la Constitution. Chaque camp y va de son interprétation. Qui a raison? Qui a tort?
Quel est le problème?
A moins de cinq mois du délai constitutionnel pour la convocation de l’élection présidentielle par la CENI (Commission électorale nationale indépendante), cette institution d’appui à la démocratie ne fait plus mystère de son "impossibilité" - organisée? - de convoquer ce scrutin "90 jours avant l’expiration du mandat du Président en exercice". Une attitude perçue par les défenseurs de l’alternance démocratique comme une volonté sournoise de faire "glisser" le calendrier électoral. "Les sénateurs, les députés provinciaux et les gouverneurs ont ’glissé’ depuis 2012 sans pour autant que le ciel nous tombe sur la tête", déclarait, l’année dernière, avec l’outrecuidance qui le caractérise, le porte-parole du gouvernement Lambert Mende Omalanga.
Pour la "MP", à l’instar des sénateurs, députés provinciaux et gouverneurs, "Joseph Kabila" pourrait rester à la tête de l’Etat jusqu’à l’élection de son successeur. Jusqu’à quand? Mystère!
Les tenants du "respect de la Constitution et des délais constitutionnels" opposent à la majorité l’adage cher au latiniste : "Nul n’est entendu invoquant ses propres turpitudes". Au motif que c’est au gouvernement qu’incombait d’organiser l’élection des sénateurs, des députés provinciaux et des gouverneurs. Les gouvernants en place ont commis une faute politique. Laisser faire le "glissement" du calendrier équivaudrait, selon eux, à accorder une "prime à la mauvaise foi".
Les forces politiques et sociales de considérer que si l’élection présidentielle n’était pas organisée avant l’expiration du mandat du Président sortant (Ndlr : 19 décembre 2016), celui ne jouira plus de la "compétence temporelle", autrement dit de la légitimité pour commander. Après cette date, il y aura ainsi un "vide du pouvoir" au sommet de l’Etat. Leur interprétation du deuxième alinéa de l’article 70 est la suivante : Le Président sortant reste en fonction jusqu’à "l’installation effective" du Président qui est déjà "élu" et non du Président qui sera élu.
Cette polémique hérisse les cheveux des caciques de la MP pendant "Joseph Kabila" continue à entretenir l’incertitude sur son sort. Pour Atundu, l’interprétation donnée par les opposants a pour but d’empêcher "Joseph Kabila", qui se trouve à quelque huit mois de la fin de mandat, "de parachever son œuvre de délivrance du peuple congolais de la pauvreté". Quelle langue de bois! Et ajouter : "Une démocratie vraiment authentique doit tenir compte, pour chaque pays, de l’histoire de sa géographie et de la géographie de son histoire". Comprenne qui pourra.
Le précédent haïtien
Il importe d’ouvrir la parenthèse pour évoquer le précédent haïtien. Le président haïtien Michel Martelly dont le mandat expirait le 7 février 2016, a remis l’écharpe présidentielle non pas au Président élu mais aux présidents du Sénat et de l’Assemblée nationale. Et pour cause, l’élection présidentielle prévue initialement le 27 décembre 2015 n’avait pas eu lieu à l’expiration du mandat du Président sortant. La Constitution de la République haïtienne a inscrit le 7 février comme étant la date de la passation de pouvoir entre le Président sortant et le Président entrant. Pour décrisper l’atmosphère politique, Martelly eut la sagesse de conclure un «accord de sortie de crise» avec les présidents des deux chambres du Parlement. Un « Président de transition » a été désigné. Il a pour mission d’organiser l’élection présidentielle. Fermons la parenthèse.
Le porte-parole de la mouvance kabiliste a fini par accuser les tenants de la théorie du vide de pouvoir après le 19 décembre 2016 de "préparer la violence à travers le pays". Soufflant le chaud et le froid, il a appelé le personnel politique à se préparer à participer au "dialogue politique et inclusif" initié par "Joseph Kabila".
Hormis l’UDPS d’Etienne Tshisekedi wa Mulumba qui semble favorable à ce forum moyennant un "arbitrage international", les autres représentants des forces politiques et sociales y voient un "piège". Une occasion rêvée par "Joseph Kabila" d’écrire sur un tableau noir, suivant l’exemple de l’ancien commandant en chef de la Force publique Emile Janssens : Avant 19 décembre 2016 = Après 19 décembre 2016. Rares sont les Congolais qui "meurent d’envie" de voir le très impopulaire "Joseph Kabila" prolonger, même un jour de plus, son "bail" à la tête pays...
B.A.W
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