* Dans la perspective du Dialogue, le Premier ministre honoraire analyse trois crises (politique, économique et sociale) pour lesquelles il préconise un règlement concomitant.

Revoici Adolphe Muzito ! Le premier ministre honoraire vient de pondre sa douzième tribune. Dans cette rĂ©flexion, l’Ă©lu de Kikwit attire l’attention sur la crise sur laquelle la classe politique fait souvent l’impasse. Il s’agit de la crise sociale. Or, on ne saurait rĂ©soudre la crise politique via le Dialogue sans s’attaquer Ă  l’hypothèque sociale. D’oĂą le plaidoyer de l’Ă©conomiste Muzito pour un plan d’aide internationale pour faire face Ă  la rĂ©cession.

12EME TRIBUNE D’ADOLPHE MUZITO :
Rdc : les trois crises
LA PROBLEMATIQUE
La RDC traverse une triple crise :
- La crise politique et sécuritaire ;
- La crise économique et financière ;
- La crise sociale.
Les 3 crises s’alimentent mutuellement.
D’aucuns pensent que le règlement de ces trois crises devrait s’organiser progressivement et s’Ă©taler dans le temps, en commençant par la crise politique qui, une fois rĂ©glĂ©e, permettra de passer Ă  la suite.
Nous sommes d’un avis contraire, car le temps que risque de prendre la gestion de la crise politique jusqu’Ă  son règlement verra s’aggraver les deux autres et les voir prendre une plus grande ampleur.
C’est pourquoi, nous pensons plutĂ´t Ă  une approche globale pour le traitement de ces trois crises.
Pour nous, la solution à la triple crise sera globale ou ne le sera pas. Celle-ci devra impliquer tous les acteurs : les institutions, la classe politique, la société civile ainsi que la communauté internationale.

I. LA CRISE POLITIQUE
La crise politique qui divise la majoritĂ© au pouvoir en RDC et son opposition, a pour objet, le rejet par cette dernière du dialogue politique proposĂ© par la première en vue de trouver un consensus sur la rĂ©vision du fichier Ă©lectoral, l’enrĂ´lement des nouveaux majeurs, le calendrier des Ă©lections, leur sĂ©curisation et financement.
L’Opposition accuse depuis lors la MajoritĂ© :
- d’avoir dĂ©libĂ©rĂ©ment et astucieusement retardĂ© l’organisation des Ă©lections dans le dĂ©lai constitutionnel ;
- de vouloir prolonger le mandat du Président de la République au-delà du délai constitutionnel ;
- d’avoir un plan de rĂ©vision de la constitution pour permettre au Chef de l’Etat, Joseph Kabila, de briguer un troisième mandat.

Elle essaie ainsi de faire pression sur le PrĂ©sident Joseph Kabila et sur la MajoritĂ© prĂ©sidentielle, afin que ces derniers " organisent " les Ă©lections dans le dĂ©lai constitutionnel au-delĂ  duquel, le Chef de l’Etat devrait quitter le pouvoir, conformĂ©ment Ă  l’article 70 de la Constitution.
Par rapport Ă  cette interprĂ©tation de l’article 70 de la Constitution par l’Opposition, la MajoritĂ© avait saisi la Cour Constitutionnelle pour avoir son interprĂ©tation.
Celle-ci a pris son ArrĂŞt le 11 mai 2016 selon lequel le PrĂ©sident de la RĂ©publique Joseph Kabila " continue Ă  exercer ses prĂ©rogatives jusqu’Ă  l’installation effective du nouveau PrĂ©sident Ă©lu ", ce pour Ă©viter un vide institutionnel et prĂ©server la continuitĂ© de l’Etat.
L’Opposition dans son ensemble conteste l’ArrĂŞt de la Cour Constitutionnelle qu’elle qualifie d’acte politique.
Quelle pourrait ĂŞtre dans ce cas, après le 19 dĂ©cembre 2016, l’issue de la crise ?
" Issues possibles de la crise politique

1er Scénario
ContinuitĂ© des institutions actuelles au-delĂ  de leurs mandats conformĂ©ment Ă  l’interprĂ©tation de la Cour Constitutionnelle de l’article70
Puisque d’ici la fin du mandat du PrĂ©sident de la RĂ©publique, le 19 dĂ©cembre 2016, aucune Ă©volution politique, de notre point de vue, n’aura lieu et que l’Ă©lection prĂ©sidentielle n’aura pas Ă©tĂ© organisĂ©e, l’AssemblĂ©e nationale, sur base du rapport de la CENI, comprenant un projet de calendrier Ă©lectoral, devrait saisir avant le 19 dĂ©cembre 2016 (et mĂŞme avant le 21 septembre 2016), la Cour Constitutionnelle pour obtenir d’elle, la prorogation du dĂ©lai pour son organisation.
Les donnĂ©es actuelles de la CENI indiquent un dĂ©lai minimum de 16 mois pour terminer la rĂ©vision du fichier Ă©lectoral. A ce dĂ©lai, s’ajouteront probablement ;
- 3 mois nécessaires à la préparation, aux débats et à la promulgation de la loi sur la répartition des sièges ;
- 3 mois pour l’appel aux candidatures ;
- 2 mois pour l’impression des bulletins de vote.
Soit un total gĂ©nĂ©ral de 24 mois comme minimum pour l’organisation des Ă©lections.
Les 24 mois constitueraient le dĂ©lai minimal, si le pays devrait commencer par l’Ă©lection prĂ©sidentielle couplĂ©e des Ă©lections lĂ©gislatives nationales et provinciales, que la Cour Constitutionnelle pourrait accorder comme prorogation pour leur organisation.
Quels seraient alors les préalables qui conditionneraient un consensus de la classe politique pour une suite heureuse du processus ?

" 1ère Hypothèse : le refus de l’Opposition de participer au dialogue
En cas du maintien par les opposants de leur refus de participer Ă  un dialogue proposĂ© par les institutions actuelles, contestant davantage la lĂ©gitimitĂ© de leur initiative au-delĂ  du dĂ©lai constitutionnel, il serait difficile d’organiser les Ă©lections avec la seule volontĂ© de la MajoritĂ© et d’y faire participer l’Opposition.
Ce refus de l’Opposition politique aurait pour consĂ©quence que le pays aurait Ă  sa tĂŞte un Chef de l’Etat dont le mandat politique serait d’une Ă©lasticitĂ© infinie. La seule limite dudit mandat serait de l’accord de l’Opposition de participer Ă  l’Ă©lection prĂ©sidentielle qui conduirait Ă  l’installation du nouveau prĂ©sident Ă©lu.

" 2ème hypothèse : la mise en accusation du Président pour haute trahison, Articles 164 à 167 de la Constitution
Selon cette hypothèse, l’Opposition ne se contenterait plus de contester la lĂ©gitimitĂ© des actuelles institutions dont celle du PrĂ©sident de la RĂ©publique, mais mettrait ce dernier en accusation pour haute trahison pour n’avoir pas organisĂ© les Ă©lections dans le dĂ©lai.
Une telle dĂ©marche de l’Opposition aurait peu de chances de rĂ©unir la majoritĂ© qualifiĂ©e requise et donc d’aboutir pour des raisons Ă©videntes.
En outre, le PrĂ©sident de la RĂ©publique pourrait ĂŞtre considĂ©rĂ© comme politiquement irresponsable dans la gestion du pays, mĂŞme si du fait de sa qualitĂ© de Garant du bon fonctionnement des institutions, sa responsabilitĂ© serait engagĂ©e pour n’avoir pas sanctionnĂ© son Gouvernement qui, lui, a la charge d’organiser lesdites Ă©lections.
Sur ce cas prĂ©cis, quoique la poursuite du Chef de l’Etat pour haute trahison soit une vue de l’esprit dans l’environnement actuel, il pourrait cependant s’en prĂ©munir d’ici la fin de son mandat, en se dĂ©solidarisant de son Gouvernement et en le dĂ©savouant. Le Gouvernement jouerait ainsi le rĂ´le de fusible.

" 3ème Hypothèse : l’inconstitutionnalitĂ© d’un Gouvernement d’union nationale
En cas d’accord de l’Opposition de participer au dialogue et au Gouvernement d’union nationale qui en sortirait, comme le propose la MajoritĂ©, ils pourront se poser les problèmes ci-après :
a) Le premier problème est celui de l’inconstitutionnalitĂ© d’un Gouvernement d’union nationale : la Constitution actuelle ne prĂ©voit pas le cas d’un Gouvernement d’union nationale, seule la rĂ©vision de la Constitution pourrait autoriser telle hypothèse ;
b) Le problème de la stabilitĂ© dudit gouvernement : l’Opposition pourrait exiger non seulement la direction dudit Gouvernement, mais aussi la mise en sourdine des dispositions relatives Ă  toute motion de censure contre celui-ci ;
c) Le problème de la configuration de la CENI et de la Cour Constitutionnelle : l’Opposition pourrait exiger la reconfiguration de ces deux institutions.
De telles exigences probables de l’Opposition pourraient ne pas rencontrer l’accord de la MajoritĂ© et retarder, voire bloquer toute possibilitĂ© d’un accord politique.

" 2ème Scénario
Cas d’un soulèvement populaire ou d’un putsch
En cas d’absence de toute solution consensuelle dans le cadre des hypothèses du premier scĂ©nario ci-haut dĂ©crit, le pays pourrait-il se retrouver devant le second scĂ©nario, celui d’un soulèvement populaire ou d’un putsch, comme d’aucuns le craignent ?
En tout cas, dans le cadre de ce scénario non souhaitable, trois hypothèses seraient possibles.

" 1ère hypothèse : le constat de la vacance Ă  la tĂŞte de l’Etat
En cas de putsch, les putschistes pourraient dĂ©cider d’ĂŞtre lĂ©galistes et d’obtenir de la Cour Constitutionnelle, la constatation de la vacance Ă  la tĂŞte de l’Etat et l’installation du PrĂ©sident du SĂ©nat Ă  la tĂŞte du pays pour l’organisation des Ă©lections endĂ©ans 90 ou 120 jours.
Dans le cadre de ce scĂ©nario, au-delĂ  de la question de savoir avec quel gouvernement et quelle administration Ă©lectorale, le Chef de l’Etat intĂ©rimaire devrait remplir sa mission dans le dĂ©lai susvisĂ©, il y a celle de savoir s’il saurait la remplir dans le dĂ©lai prescrit par la Constitution, au regard des contraintes logistiques annoncĂ©es par la CENI.
Dans le cas où le Président de la République intérimaire ne remplirait pas sa mission dans le délai lui prescrit, la crise persisterait.

" 2ème hypothèse : le dialogue politique
ConsĂ©cutivement Ă  l’hypothèse prĂ©cĂ©dente oĂą le PrĂ©sident de la RĂ©publique intĂ©rimaire ne parviendrait pas Ă  organiser les Ă©lections dans le dĂ©lai constitutionnel, le pays serait obligĂ© de sortir de l’ordre constitutionnel actuel pour une pĂ©riode de transition, en passant par un dialogue politique qui mettrait en place un acte constitutionnel, une transition politique, des institutions de transition et leurs animateurs de fait. La durĂ©e de cette transition dĂ©pendrait entre autres, des contraintes logistiques de la CENI.
Le pays serait devant la possibilité historique de passer par une unique ou une double transition dont nous avons parlé dans la neuvième tribune, avant de retrouver la légalité républicaine.
En attendant tout cela, l’instabilitĂ© institutionnelle et la faible lĂ©gitimitĂ© des dirigeants conduiraient au pourrissement de la situation Ă©conomique, financière, sociale et sĂ©curitaire du pays.
Bien que cette éventualité ne fait pas partie de leur agenda, de leur préoccupation, elle constituerait une menace contre les différents camps en présence et pourront amplifier la crise.

" 3ème hypothèse : les putschistes puisque putschistes renoncent à la légalité constitutionnelle
Contrairement aux deux hypothèses prĂ©cĂ©dentes, les putschistes, puisque putschistes, renonceraient Ă  la lĂ©galitĂ© constitutionnelle devant conduire Ă  la constatation de la vacance de la prĂ©sidence de la RĂ©publique par consĂ©quent Ă  la gestion du pays, par un prĂ©sident intĂ©rimaire conformĂ©ment Ă  l’article 76 de la Constitution. Le pays se retrouverait dans l’hypothèse relatĂ©e ci-avant, du dialogue politique.

II. LA CRISE ECONOMIQUE ET FINANCIERE
L’Ă©conomie congolaise est caractĂ©risĂ©e par un degrĂ© Ă©levĂ© d’extraversion. Cette extraversion rend d’autant plus vulnĂ©rable l’Ă©conomie qu’elle repose essentiellement sur un secteur, le secteur minier, dominĂ© par :
- une production à faible valeur ajoutée ;
- une monoproduction et une mono-exportation portant sur le minerai le cuivre. L’exploitation de celui-ci est axĂ©e sur des investissements essentiellement Ă©trangers et Ă  capital intensif, lesquels s’accaparent quasi-exclusivement du surplus gĂ©nĂ©rĂ© par l’ensemble de la branche d’activitĂ©.

" Contribution du secteur minier Ă  la croissance de l’Ă©conomie, Exercice 2014
Comme on le voit dans le tableau n°1 ci-après, la croissance de l’Ă©conomie congolaise est tributaire pour l’essentiel du secteur minier dont la production et les ventes dĂ©pendent exclusivement de l’Ă©conomie internationale.
En effet, dans la configuration de la croissance du PIB de la RDC, pour la pĂ©riode 2014-2015, comme cela apparait dans le tableau n°1 ci-après, sur un taux de croissance de 9,6%, le secteur primaire de l’Ă©conomie congolaise contribue pour 4%.
(Tableau 1)

Dans cette contribution du secteur primaire, la part de la branche extractive est de 3,4% sur un total de 4%, soit 85% du total du secteur, tandis que la branche agricole ne représente que 0,6%, soit 15% du total du secteur primaire.
La contribution du secteur industriel congolais dans la croissance du PIB s’Ă©lève pour la pĂ©riode Ă  1,4%. Cela signifie tout simplement que la RDC n’a pas de tissu industriel, celui-ci n’ayant contribuĂ© que faiblement Ă  la croissance du PIB dans la pĂ©riode.
Bien que le tertiaire a contribuĂ© pour 3,8%, ce secteur reste extraverti en amont, car ses transactions portent essentiellement sur une production industrielle et agricole d’origine extĂ©rieure.
Le pays produit ce qu’il ne consomme pas et consomme ce qu’il ne produit pas.

" Contribution du secteur minier aux recettes d’exploitation dans la pĂ©riode 2014-2015
Comme on le voit dans le tableau n°2 ci-après, sur un total de 10.000 milliards de FC d’exportations congolaises en 2013, les secteurs miniers et des hydrocarbures contribuent Ă  lui seul avec 9.800 milliards de FC, soit 97,7%.
Quant aux secteurs agricole et industriel, ils contribuent respectivement pour 1,9% et 0,4% aux recettes d’exportation rĂ©alisĂ©es par le pays en 2013.
Cela signifie que la RDC n’a ni secteur industriel, ni secteur agricole, capables de lui rapporter des avoirs extĂ©rieurs pour financer ses importations.
Il se pose donc un problème de compĂ©titivitĂ© de l’Ă©conomie congolaise sur le plan international.
(Tableau 2)

Une moindre diminution des prix des matières premières dont le cuivre et le cobalt sur le marchĂ© international, constitue un choc dont l’impact est direct sur :
- Les avoirs extérieurs du pays ;
- Les réserves de change ;
- Les recettes fiscales ;
- Les valeurs interne ou externe de la monnaie nationale.
C’est cette situation de faible intĂ©gration de l’Ă©conomie qui est, entre autres, Ă  la base du problème de la rĂ©cession que connait actuellement le pays.
En effet, dès le second semestre 2015, le choc dit exogène s’est traduit par la baisse de rĂ©serves de change qui sont passĂ© de 1,403 milliards $US au 31 dĂ©cembre 2015 Ă  1,208 milliards $US au 22 avril 2016 contre 1,702 milliards $US au 01 avril 2015, comme on peut le lire dans le tableau n°3 et 3’ ci-après.

(Tableaux 3, 3’ & 4, 4’)
S’il est Ă©vident que la cause de la crise est d’origine internationale, il ne reste pas moins vrai que la gravitĂ© de son impact sur la situation financière du pays est due Ă  l’absence de garde-fous nĂ©cessaires.
Le Gouvernement ayant rompu sa coopĂ©ration formelle avec ses partenaires stratĂ©giques, s’est privĂ© de leur appui technique et financier qui l’aurait aidĂ©, comme en 2009, Ă  amortir le choc exogène.
A cause de l’absence d’un appui technique, la gestion financière du Gouvernement s’est caractĂ©risĂ©e par une grande indiscipline.
En effet, au premier trimestre 2015, le plan de trĂ©sorerie s’est soldĂ© positivement avec 5.895 millions de FC contre un solde nĂ©gatif de 72.847 millions de FC pour le premier semestre 2016.
Cette situation dĂ©montre l’indiscipline du Gouvernement, car, alors que les recettes du premier trimestre 2016 ont connu une baisse en passant de 882.170 millions de FC au premier trimestre 2015 Ă  859.153 millions de FC au premier trimestre 2016, les dĂ©penses ont connu une hausse en passant de 876.275 millions de FC au premier trimestre 2015 Ă  932.001 millions de FC pour le premier trimestre 2016.
Le dĂ©ficit du premier trimestre 2016, soit 72.847 millions de FC et le nĂ©cessaire recours Ă  la planche Ă  billet au cours du premier trimestre 2016 ont Ă©tĂ© causĂ©s par, non seulement la baisse de recettes dans la pĂ©riode, mais aussi, par la hausse incontrĂ´lĂ©e des dĂ©penses du Gouvernement pour ladite pĂ©riode ; comparĂ©e Ă  la mĂŞme pĂ©riode de l’annĂ©e prĂ©cĂ©dente (2015).
Par ailleurs, rappelons que le Gouvernement a renoncĂ© au programme des rĂ©formes Ă©conomiques (diversification de l’Ă©conomie par le programme de transformation des entreprises publiques et construction des infrastructures), monĂ©taires et financières (recapitalisation de la BCC) et l’amĂ©lioration de l’effort des administrations fiscales par une meilleure optimalisation du potentiel fiscal.
Il n’a donc pas pu trouver les 2 milliards $US dont il a besoin aujourd’hui pour boucler son budget 2016 et s’est vu ainsi obligĂ© de recourir Ă  un budget rectificatif rĂ©duisant de plus ou moins 2 milliards $US ses recettes et dĂ©penses publiques.

" La contraction du budget de l’Etat et le cercle vicieux de la rĂ©cession
La rĂ©duction d’environ 8 Ă  6 milliards $US, soit d’environ 6 milliards Ă  4 milliards de recettes propres du budget rectificatif de l’Etat 2016, va entrainer la contraction de la consommation de l’Etat et de la demande globale et aura une incidence nĂ©gative sur la production globale ainsi que sur l’assiette fiscale. D’oĂą le cercle vicieux de la contraction fiscale, contraction de la demande globale et contraction de la production et de l’assiette fiscale.
Le Gouvernement aurait pu maintenir son budget à 8 milliards $US, en introduisant des réformes pour compenser le manque à percevoir de certains actes générateurs par la maximisation sur ceux à fort potentiel fiscal et en recourant pour la différence aux partenaires extérieurs.
Il aurait restructurĂ© le budget en ressources propres, en remplaçant les actes gĂ©nĂ©rateurs concernĂ©s par la baisse, par ceux qui disposent d’un grand potentiel fiscal jusque lĂ  non mobilisĂ©es par les administrations fiscales.
Car on ne peut comprendre qu’avec un PIB d’environs 35 milliards $US, le pays ne puisse mobiliser que 4,5 milliards $US des ressources propres soit plus ou moins 10% du PIB. D’oĂą un manque Ă  percevoir d’au moins 1 milliard $US, pour une pression fiscale de 15 ou 17%.

III. LA CRISE SOCIALE
3.1. Situation historique
La sociĂ©tĂ© congolaise est marquĂ©e par un fort niveau de paupĂ©risation des populations et par un chĂ´mage des masses qui frappe 80% de la jeunesse. A ce chĂ´mage, s’ajoute la prĂ©caritĂ© des emplois.
Le PIB par habitant en RDC est de 500 $US contre une moyenne de l’Afrique subsaharienne de plus ou moins 2.000 $US. Le Congolais vit avec 1,40 $US par jour contre une moyenne subsaharienne de 3,50 $US par jour.
L’IDH en RDC s’Ă©lève Ă  0,450 en sous de la moyenne de pays pauvre qui se situe Ă  0,600.
Les taux de desserte en électricité et en eau potable sont respectivement de 9% et 28% contre une moyenne africaine approximative de 40% et 50%.

3.2. Impact de la crise Ă©conomique en cours
sur le social
La rĂ©cession que connait le pays depuis le second semestre 2015 frappe d’un plein fouet les populations dĂ©jĂ  dĂ©shĂ©ritĂ©es qui connaissent depuis le dĂ©but de l’annĂ©e en cours l’Ă©rosion de leur pouvoir d’achat dont le taux de dĂ©prĂ©ciation dĂ©passe le 7%.
La hausse gĂ©nĂ©ralisĂ©e de prix des denrĂ©es alimentaires et des services sociaux de base mettent en difficultĂ©s les mĂ©nages dont le niveau de vie connait une baisse constante. Il s’agit principalement des biens alimentaires, des logements et des transports.
Un fonctionnaire dont le salaire de base est de 93.000 FC soit 100 $US, en fin 2015, a vu ledit salaire ne reprĂ©senter plus que 93 $US, soit une perte de 7 $US sur son pouvoir d’achat en 2016.
Cette ponction sournoise sur le pouvoir d’achat d’un mĂ©nage par le Gouvernement constitue un impĂ´t forcĂ© de la part de l’Etat par le mĂ©canisme de la planche Ă  billet.

3.3. Impact de la crise Ă©conomique sur les projets
sociaux
La rĂ©vision Ă  la baisse du budget des investissements dans le cadre du budget rectificatif en discussion au Parlement, dĂ©but Mai 2016, frappe beaucoup des projets sociaux, qui connaĂ®tront une suspension d’exĂ©cution.
Il s’agit des budgets des secteurs ci-après :
- Santé publique ;
- Eau et électricité dont la desserte déjà faible, va connaître une plus forte dégradation.
- Enseignement primaire et secondaire ;
- Non mĂ©canisation des non payĂ©s des secteurs de la santĂ© et de l’EPSP comme prĂ©vue dans la politique salariale 2016 ;
- RĂ©duction de frais de fonctionnement des ministères de la santĂ© et de l’EPSP ;
- Non libĂ©ration de crĂ©dits au titre d’intervention Ă©conomique en faveur de la Caisse de retraites de fonctionnaires ;
Etant donnĂ© le faible niveau des rĂ©munĂ©rations dans l’administration publique, une bonne partie des salaires est complĂ©tĂ©e par les primes logĂ©es dans le fonctionnement. Cette mesure va impĂ©rativement affecter les conditions de vie et de travail dans l’administration publique.
- Non financement de certains investissements comme la construction des Ă©coles, la rĂ©habilitation et l’Ă©quipement d’hĂ´pitaux et centres de santĂ©, l’entretien de routes de desserte agricole ;
- Sacrifice de certains investissements de nature à améliorer le social de la population comme Inga et la contrepartie projets dans le secteur de la santé dont notamment la vaccination (GAVI).
Cette baisse va certainement affecter les infrastructures de base dont la construction et la rĂ©habilitation des Ă©coles, hĂ´pitaux, routes, ports, …, avec un impact sur l’activitĂ© Ă©conomique et le social (risque de la dĂ©tĂ©rioration des conditions d’accès Ă  l’eau, la santĂ© et l’Ă©ducation en particulier en milieu rural).

3.4. Impact de la crise Ă©conomique sur l’emploi
et le chĂ´mage
Si avec des taux de croissance qui varient autour de 9%, les 3 annĂ©es antĂ©rieures, l’Ă©conomie a crĂ©Ă© en moyenne 50.000 emplois par an, la rĂ©cession avec une baisse du taux de croissance estimĂ© Ă  6,6% par le Gouvernement, va dĂ©truire des emplois, particulièrement dans le secteur minier, en gĂ©nĂ©ral et dans la branche d’exploitation artisanale en particulier.
Le taux de chômage va en fait augmenter davantage les 5 années.
L’amplification de la crise sociale et l’aggravation des conditions de vie des populations pourraient avoir des effets multiplicateurs sur la crise politique qui pourrait passer au stade populaire.

CONCLUSION
Le Parti Lumumbiste UnifiĂ© " PALU " a organisĂ© pendant son JubilĂ© d’Or de 2014 des ateliers qui avaient pour thème " la prĂ©servation des acquis, pour la conquĂŞte de l’avenir de la RDC ".
La dĂ©marche du Palu visait Ă  Ă©valuer ce que le peuple congolais avait fait de ses 55 ans d’indĂ©pendance du point de vue politique, Ă©conomique et social.
Dans leur conclusion, les ateliers du Palu ont Ă©tabli que la RDC a connu deux phases dans son histoire :
- la phase du déclin qui part de 1960 à 2000, soit 40 ans de crise politique caractérisée par la dictature, la récession économique et ses conséquences sociales.
- la phase de l’ascension qui part de 2001 Ă  2015, marquĂ©e par la reprise sur le plan politique avec le programme de dĂ©mocratisation, la relance Ă©conomique avec ses consĂ©quences en termes d’amĂ©lioration progressive de la situation sociale des populations.
Le dĂ©clin qui pointe Ă  l’horizon aujourd’hui, annonce-t-il pour le pays la descente aux enfers et donc le retour Ă  un nouveau dĂ©clin sur le plan politique, Ă©conomique et social au cours des 15 ou 20 annĂ©es Ă  venir ou une crise conjoncturelle due Ă  un simple incident de parcours ?
C’est par la manière dont nous sortirons de la situation actuelle que les acteurs politiques montreront et dĂ©montreront que les rĂ©sultats atteints par le pays, les 10 premières annĂ©es, sont le fruit d’une vision et d’une action endogène des dirigeants congolais avec l’accompagnement et l’appui de la CommunautĂ© internationale et non pas celui d’un diktat de cette dernière simplement mise en application par les Congolais avec possibilitĂ© pour eux d’y renoncer Ă  tout moment.

De la crise politique et sécuritaire
1) Le dialogue aura lieu et devra avoir lieu. La seule question qui se pose est celle du moment, avant ou après le délai constitutionnel ?
2) Il nous semble qu’Ă  ce jour, l’Opposition comme la MajoritĂ©, ne sont pas pressĂ©es d’y aller. Chaque camp politique est dans des calculs de positionnement. Chaque groupe souhaite voir ce dialogue ĂŞtre convoquĂ© Ă  un moment critique parce que chacun espère mieux se positionner, par effet de surprise, dans un rapport des forces plus bĂ©nĂ©fique.
Plus nous traĂ®nons les pieds, plus nous perdons l’initiative d’un dialogue qui devrait ĂŞtre national pour un dialogue qui va nous ĂŞtre imposĂ©, de bonne foi, par nos voisins et nos partenaires extĂ©rieurs, selon leurs intĂ©rĂŞts.

De la crise économique, financière et sociale
Pour sortir le pays de la crise Ă©conomique, financière et sociale, la solution doit s’asseoir sur les considĂ©rations ci-après :
- L’instabilitĂ© politique et l’illĂ©gitimitĂ© relative des institutions pour les 2 ou 3 prochaines annĂ©es ;
- Le caractère plus ou moins durable et pluridimensionnel (politique, sécuritaire, économique, financière et social) de la crise ;
- Les limites de moyens politiques, diplomatiques et sécuritaires du pays
- La nĂ©cessitĂ© d’un plan d’aide internationale Ă  nĂ©gocier avec la CommunautĂ© internationale.
L’instabilitĂ© et la lĂ©gitimitĂ© relative des institutions de 3 prochaines annĂ©es exigeraient un accord politique minimum entre MajoritĂ©, Opposition et SociĂ©tĂ© civile pour un plan d’aide internationale Ă  moyen terme.
Aucun gouvernement actuel comme Ă  venir, au courant des prochaines annĂ©es, n’aurait par lui-mĂŞme la lĂ©gitimitĂ© et la force politique nĂ©cessaire pour sortir le pays de l’impasse Ă©conomique, financière et sociale actuelle. Un consensus national s’impose et le dialogue en sera le lieu commun pour adopter ce plan d’aide. Celui-ci devrait reposer sur un paquet des reformes pour lesquelles et sur base desquelles les ressources seraient sollicitĂ©es Ă  la CommunautĂ© internationale.
Au lieu d’une approche restrictive de la dĂ©pense publique comme prĂ©conisĂ©e par le Gouvernement Ă  travers son budget rectificatif, le plan d’aide internationale devrait pour faire face Ă  la rĂ©cession, ĂŞtre expansif, pluriannuel et s’intĂ©grer dans un cadrage budgĂ©taire tout aussi pluriannuel.
Les rĂ©formes qu’il doit engager devront porter sur :
- Les questions d’Ă©lections Ă  tous les niveaux ;
- Les questions institutionnelles, économiques, financières, monétaires, fiscales, sociales et sécuritaires ;
- La transformation des entreprises publiques ;
- La diversification de l’Ă©conomie, etc.
Fait Ă  Kinshasa, le 23 mai 2016.

Adolphe MUZITO
Premier Ministre honoraire et Député national
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