L’opposition participant au dialogue politique en cours en RD Congo a pu obtenir mercredi que la séquence électorale à venir débute par la présidentielle. Vital Kamerhe, le chef de la délégation, se sent ainsi conforté dans son choix de participer à ces pourparlers et espère obtenir un départ pacifique du président Joseph Kabila du pouvoir. Interview.

C’est un Vital Kamerhe confiant mais fatigué par d’âpres tractations (il n’a même pas pu suivre le premier match du Real de Madrid, son club préféré, contre le Sporting en Ligue des champions) qui s’est confié, tard dans la soirée du 14 septembre, à Jeune Afrique. Quelques heures plus tôt, le chef de la composante opposition au dialogue national en cours à Kinshasa venait de faire plier (ou presque) la Majorité présidentielle (MP), après deux jours de négociations directes et indirectes, sur la question de l’ordre des élections à venir.

Jeune Afrique : La séquence des élections commence finalement avec la présidentielle, comme vous l’avez souhaité. Est-ce une victoire ?

Vital Kamerhe : Nous devons éviter le triomphalisme si nous voulons construire une nouvelle RDC. J’ai simplement énoncé un principe simple : si nous avons aujourd’hui la crise, ce n’est nullement parce qu’on n’a pas pu organiser les élections locales ni les provinciales. La crise est due au fait que nous avons mis à mal l’article 73 de la Constitution qui exige la convocation de l’élection présidentielle le 19 septembre, soit 90 jours avant l’expiration du mandat du président sortant. Et ce par la faute de nos dirigeants qui n’ont pas fait ce qu’ils devaient faire. En commençant par le président de la République, garant du fonctionnement régulier des institutions, le gouvernement et la Commission électorale nationale indépendante (Ceni).

Mais il ne suffisait plus de se contenter d’établir des responsabilités, il fallait se mettre ensemble pour voir quelle pourrait être la priorité à accorder aux différents scrutins.

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Comment un président de transition serait-il désigné sans violer la Constitution ?
Au cours du dialogue, la composante opposition a accepté la refonte du fichier électoral qui pourrait s’étendre sur 16 mois et un jour à compter de février selon la Ceni. Cela signifie-t-il que vous acceptez de « glisser » avec le président Joseph Kabila ?

Faut-il recourir à un soulèvement populaire pour chasser le président en place et le remplacer par le président du Sénat ? C’est constitutionnel. Seulement, on va nous dire que ce dernier a déjà « glissé » [prolongé son mandat] pendant cinq ans. Nous nous trouverions alors dans une situation où il faudrait un président de la transition. Comment serait-il désigné sans violer la Constitution ? Puisque la transition elle-même n’est pas constitutionnelle. Nous avons déjà tous péché. Même des amis qui se sont retrouvés à Genval où ils avaient déjà prévu, en marge de leur feuille de route, un candidat président de la transition. C’est anticonstitutionnel ! Ils doivent apprendre à dire la vérité au peuple congolais.

Nous nous disions tous certes qu’il était encore possible d’organiser la présidentielle couplée aux législatives dans les délais constitutionnels, soit d’ici le 27 novembre. C’était d’ailleurs notre credo et nous en étions fermement convaincus. Mais le fichier électoral de 2011, qualifié de « infecté de virus » par l’opposition, de « corrompu » par la majorité au pouvoir et d’ « inapproprié » par la société civile, était le seul à pouvoir nous permettre d’organiser des élections dans les délais.

La deuxième possibilité proposée par la Ceni, l’OIF, voire les États-unis, c’est de recourir à un fichier partiellement révisé et fiabilisé. Une opération qui devait s’étendre sur neuf mois et demi. Cela ne permettrait que de résoudre le problème des nouveaux majeurs, pas celui des omis ou de ceux qui ont perdu leur carte d’électeur, voire celui de la diaspora. Fallait-il laisser tout ce monde sur le carreau avec un tel fichier aux résultats contestables ?

Nous voulons savoir quel est le délai exact pour organiser les élections
La troisième option, c’est la refonte totale qui pourrait durer 10 mois et demi, selon l’OIF. Mais la Ceni estime qu’il faudrait 16 mois et un jour. Nous allons entamer des discussions pour que les choses soient claires. Quoi qu’il en soit, nous voulons savoir quel est le délai exact pour organiser les élections.

Jusqu’à quand l’opposition pourrait-elle concéder ce « glissement » annoncé du calendrier électoral ?

Je voudrais que ce soit une période définie de façon objective. Tous les envoyés spéciaux sont présents en RDC et suivent l’évolution des pourparlers. Celui de l’Union européenne (UE), Koen Vervaheke, m’a même confié que l’UE acceptait qu’on organise les élections dans un délai raisonnable.

Que signifie un « délai raisonnable » ?

C’est le temps techniquement nécessaire pour organiser les élections après le 19 décembre 2016 [date de la fin du second mandat du président Kabila, ndrl]. Est-ce 6 mois ? Est-ce 12 mois ? Nous souhaitons que la Ceni, les experts internationaux et la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco), démonstration à l’appui, nous disent ce temps nécessaire. Mais c’est le peuple qui reste souverain : s’il rejette l’accord et veut en découdre avec le pouvoir, nous allons nous plier.

Le gouvernement doit être sanctionné
Allez-vous mettre sur la table des pourparlers en cours la gestion de l’après 19 décembre 2016 ?

Absolument. Si les élections n’ont pas eu lieu dans les délais, ce n’est pas de notre faute. Les responsabilités doivent être établies et nous devons en tirer toutes les conséquences. La composante majorité est désormais d’accord avec nous pour que le gouvernement soit sanctionné. Nous avons également convenu que tous ceux qui ont gaspillé l’argent au sein de la Ceni lors de prétendues opérations de fiabilisation du fichier électoral doivent être sanctionnés, à l’exception du président et de son vice-président qui sont arrivés aux affaires plus tard.

Le président de la République, lui, restera-t-il en fonction jusqu’à l’installation d’un nouveau président élu ?

Cette question sera débattue au dialogue à partir du jeudi 15 septembre. Nous finirons bien par trouver un consensus.

Le dialogue se voulait inclusif mais l’opposant historique Étienne Tshisekedi et Moïse Katumbi n’y prennent pas part. Vous aviez promis de défendre leurs exigences (libération des prisonniers politique et cessation des poursuites contre l’ancien gouverneur, entre autres) au cours des pourparlers. Où en est-on ?

Nous avons effectivement défendu la position de tout le monde. Nous rappelons chaque jour aux représentants du gouvernement la question des prisonniers politiques et d’opinion, des poursuites contre les politiques congolais ainsi que celle d’ouverture des médias de l’opposition dans l’ex-Katanga.

Vous expliquiez il y a une année à Jeune Afrique qu’en proposant un dialogue, « Joseph Kabila veut tendre un piège à l’opposition ». Que s’est-il passé pour que vous acceptiez finalement d’y participer ?

Ce n’est pas du tout le même dialogue. À l’époque, il s’agissait du dialogue convoqué par le président Kabila le 28 novembre 2015. Mais six mois plus tard, le Conseil de sécurité a adopté la résolution 2277 qui a entériné nos desiderata.

Alors que l’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) de Tshisekedi avait déjà accepté ce dialogue de Kabila, le G7 et nous, la Dynamique de l’opposition, nous exigions en effet que les pourparlers ne puissent concerner que l’organisation des élections et que le climat politique soit décrispé en amont avec la libération des prisonniers politiques et d’opinion et l’ouverture des médias de l’opposition. Et ce avec l’accompagnement d’un panel, groupe de contact ou de soutien au facilitateur.

Le poste de Premier ministre, ce n’est point un appât pour moi
Aujourd’hui, à l’instar de Nelson Mandela, taxé de traître pour avoir préféré, une fois sorti de la prison, négocier au lieu de mener des actions punitives contre les Afrikaners, j’ai choisi de dialoguer. Je caresse le rêve d’arriver à donner au président Kabila l’occasion de partir sans tirer un seul coup de feu. Pour que dans 15 ou 20 ans, la RD Congo aussi puisse avoir trois ou quatre ex-présidents en vie.

En attendant, d’aucuns soutiennent que vous serez nommé Premier ministre à l’issue de ce dialogue. Êtes-vous intéressé par le poste ?

Je ne peux pas en rougir, mais ce n’est pas mon premier objectif. Je suis un serviteur au service du peuple congolais. Tout le monde sait où se situent mes ambitions. Faut-il rappeler que je suis un ancien candidat à la présidence de la République et ancien président de l’Assemblée nationale. Le poste de Premier ministre, ce n’est point un appât pour moi. JEUNE AFRIQUE
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