
Kabila s’accroche
Par manque de moyens financiers, mais surtout de volonté politique, l’élection présidentielle, prévue en novembre 2016, ne pourra pas avoir lieu. L’opposition accuse le président de vouloir retarder sciemment le scrutin pour se maintenir au pouvoir au-delà des délais légaux. Un dialogue national, dont la majeure partie de l’opposition a boycotté le forum, a débouché sur un fragile compromis : le président Kabila reste au pouvoir jusqu’à l’organisation du nouveau scrutin fin avril 2018. Un report inacceptable et trop long pour les opposants Etienne Tshisekedi et Moïse Katumbi, qui souhaitent voir l’actuel chef de l’Etat quitter son poste fin décembre, alors que Vital Kamerhe, seul opposant à avoir signer l’accord politique, estime que le dialogue a au moins permis de fixer une échéance.
Kabila réprime
Dans l’impasse, la stabilité de la RDC se trouve menacée. Des violentes manifestations en janvier 2015 et septembre 2016 ont fait au moins une centaine de morts dans une répression policière toujours plus violente. De nombreux opposants politiques et militants pro-démocratie croupissent en prison et des médias proches de l’opposition sont régulièrement fermés par les autorités. Dans ce contexte de crise, qu’en pensent les Congolais ? Un sondage représentatif réalisé à l’échelle nationale entre mai et septembre 2016 sur un panel de 7.545 personnes dans toutes les provinces de RDC nous apporte des enseignements intéressants sur les Congolais et la classe politique congolaise.
Kabila décroche
Le sondage est peu flatteur sur la popularité du président Joseph Kabila et de sa coalition (Majorité présidentielle), qui est en chute libre depuis les élections contestées de 2011. Selon le sondage, si les élections se tenaient cette année, les Congolais voteraient majoritairement pour Moïse Katumbi (33%), suivi par Etienne Tshisekedi (18%), du président Joseph Kabila (7,8%), et de Vital Kamerhe (7,5%). Le chef de l’Etat souffre particulièrement dans son propre fief, le Katanga, où il a réalisé d’excellents scores en 2011 (90%) mais où il n’obtiendrait seulement que 7% aujourd’hui. Concernant le sort de Joseph Kabila, là encore les Congolais sont sévères. 81,4% des sondés se prononcent contre une révision constitutionnelle pour permettre à l’actuel président de briguer un troisième mandat et 74,3% souhaitent que Joseph Kabila quitte le pouvoir le 19 décembre 2016, la date initialement prévue par la constitution.
Ne pas dépasser 2017
Concernant la crise politique. Les personnes interrogées soulignent la nécessité d’une solution négociée à l’impasse politique. Pour 58,6% des sondés, l’opposition et la société civile devraient participer au dialogue (ce qui n’a pas été le cas, ndlr). Néanmoins, 55% se prononcent clairement en faveur des candidats issus des partis politiques n’ayant pas participé à l’accord politique du 18 octobre 2016. Une forte majorité des Congolais ne fait pas confiance à la commission électorale. 46,5% seulement déclarent faire confiance à la CENI pour l’organisation des élections libres et équitables. Toutefois, 72,7% ont fait part de leur intention d’aller aux urnes. La plupart (41%) des sondés estiment que si les élections devaient être retardées, le cap de 2017 ne devrait pas être dépassé, contre 13,7% pour lesquels le délai peut courir jusqu’en 2018.
Les 5 leçons du sondage
Ce sondage met en lumière cinq faits politiques majeurs concernant la crise congolaise : l’impopularité de plus en plus forte de Joseph Kabila et de sa majorité, l’acceptation par la population du boycott du dialogue par le Rassemblement de l’opposition, le recul des intentions de vote pour Etienne Tshisekedi (seulement en deuxième place) vraisemblablement dû à son âge et la popularité croissante de l’ancien gouverneur du Katanga, Moïse Katumbi, qui fait figure de réelle alternative politique à la tête du Congo. Dernier élément : le sondage démontre une certaine stabilité de Vital Kamerhe dans les intentions de vote (7,7% en 2011 et 7,5% dans le sondage). Mais attention, l’étude a été réalisée avant la signature de l’accord politique et les accusations de « trahison ». Néanmoins, le patron de l’UNC marque ici tout de même son encrage dans le paysage politique congolais. Enfin, certaines mauvaises langues pourraient s’étonner du score élevé de Moïse Katumbi par un institut de sondage dans lequel à travailler Olivier Kamitatu, un des plus fidèles soutiens de l’homme d’affaires. Sur son compte Twitter, Olivier Kamitatu, avant même la publication du sondage a tenu à préciser qu’il n’exerçait plus de responsabilité dans cette entreprise depuis 1999. Dont acte.
Christophe RIGAUD – Afrikarabia