Le chef de la police de Kinshasa, Célestin Kanyama, a été débarqué alors que le gouverneur de la province stratégique du Haut-Katanga, Jean-Claude Kazembe, a été destitué. Deux personnalités controversées qui risquaient de gêner le président Joseph Kabila pour se maintenir au pouvoir. Explications.Joseph Kabila cherche-t-il à redorer son image en pleine crise politique ? C’est la lecture principale que nous pouvons faire du limogeage sans explication du très redouté patron de la police de Kinshasa et de la destitution du gouverneur de la riche province du Haut-Katanga. Arrivé fin mandat depuis le 20 décembre 2016, le président congolais tente de se maintenir au pouvoir par tous les moyens, notamment en retardant le processus électoral. Mais en pleine impasse politique avec l’opposition, Joseph Kabila tente une opération séduction, essentiellement tournée vers la communauté internationale. Deux personnages clés du système Kabila viennent d’en faire les frais.

Artisan de la répression policière


Surnommé « Esprit de mort », le général Célestin Kanyama a été démis de ses fonctions lundi 17 avril, sans que la police congolaise n’en fournisse les raisons. « C’est le colonel Elvis Palanga Nawej qui a été désigné commissaire provincial intérim de la ville-province de Kinshasa » a indiqué le porte-parole de la police nationale, sans plus de détails. Le général Kanyama est pourtant dans le viseur des ONG des droits de l’homme et des Nations unies depuis plusieurs années en étant le principal artisan de la féroce répression policière qui s’abat régulièrement sur les manifestations de l’opposition dans la capitale. Lors des dernières mobilisations populaires de septembre 2016, une cinquantaine de personnes avaient été tuées dans les violences. Idem pendant les manifestations contre la modification de loi électorale en janvier 2015 et lors des opérations anti-criminalités Likofi de 2013 et 2014, où une quarantaine de personnes avait trouvé la mort.

Un sécurocrate un peu trop voyant

En décembre 2016, le général Kanyama est frappé par un gel de ses avoirs en Europe et une interdiction de voyager dans l’Union européenne. Célestin Kanyama est alors jugé responsable de la « répression violente » lors des manifestations anti-Kabila de septembre 2016. En le limogeant, le président Kabila se débarrasse (ou fait mine de se débarrasser) d’un sécurocrate un peu trop voyant, à l’image de John Numbi, également chef de la police, et mis au vert par le chef de l’Etat après l’assassinat du célèbre militant des droits de l’homme Floribert Chebeya en 2010. Si certaines rumeurs avancent à Kinshasa des luttes internes et « ethniques » au sein de la police congolaise, la décision d’écarter le chef de la police ne peut revenir qu’à Joseph Kabila en personne. Mais attention, comme John Numbi, Célestin Kanyama ne restera pas sans doute inactif. Si « Esprit de mort » disparaît des radars médiatiques, c’est vraisemblablement pour mieux servir le camp présidentiel… mais dans l’ombre. John Numbi est d’ailleurs toujours très actif au Katanga où il sert de go-between entre les groupes armés locaux et le pouvoir.

Le Katanga, tiroir-caisse du pays

La destitution surprise du gouverneur du Haut-Katanga, Jean-Claude Kazembe par ses propres pairs relève de la même stratégie. Mais nous ne sommes plus dans un volet sécuritaire, comme pour Kanyama, mais plutôt financier et électoral. Le gouverneur Kazembe a été désavoué pour « mauvaise gestion ». Un comble pour la riche province minière et véritable tiroir-caisse du pays. Une commission d’enquête parlementaire a récemment dénoncé de possibles détournements d’argent public et des « relations tendues » les ministres provinciaux (décryptage : problèmes politiques entre Lubumbashi et Kinshasa). Plusieurs autres « anomalies » ont également été pointées par le rapport de la commission : notamment concernant des passations « douteuses » de marchés publics. Visiblement, « l’argent ne va pas dans les bonnes poches » comme nous le confesse un proche de l’Assemblée provinciale katangaise. Mais ce qui doit rester en travers de la gorge du président Congolais, c’est la mauvaise gestion de la « crise de la farine de maïs » dont les prix se sont envolés et qui a donné une bonne occasion à l’ancien gouverneur du Katanga, l’opposant Moïse Katumbi, d’annoncer vouloir passer commande de 100.000 tonnes de farine de maïs en Afrique du Sud pour venir en aide à la population. Un épisode dont se serait bien passé le président Kabila et qui ne fait que faire regretter à la population la gestion de la province par le riche homme d’affaires, désormais candidat à l’élection présidentielle.

Katanga, réservoir de voix

La province du Haut-Katanga est doublement stratégique pour le pouvoir en place à Kinshasa. Financièrement, grâce au cuivre, mais également électoralement. La province est en effet devenu le fief des Kabila, père et fils. Joseph Kabila y a réalisé des scores « soviétiques » aux deux dernières élections et le « clan des Katangais » est toujours très présent dans l’entourage proche du chef de l’Etat. Coffre-fort de la République et réservoir de voix aux élections, voilà pourquoi le Katanga ne doit pas échapper au camp présidentiel, s’il souhaite se maintenir au pouvoir. La mise à l’écart de Jean-Claude Kazembe permet enfin au président Kabila d’afficher une opération « mains-propres » (certes homéopathique) aux yeux de la communauté internationale. Plusieurs ONG et grands médias ont récemment révélé plusieurs scandales financiers qui pourraient toucher le chef de l’Etat : Panama papers, scandale BGFI, passeports biométriques… la fortune de la famille Kabila a récemment été estimée par Bloomberg à « des centaines de millions de dollars ». En exfiltrant Kazembe, le camp présidentiel reprend la main sur la gestion du Katanga et peut faire croire qu’il fait le ménage parmi les brebis galeuses. Un ménage à moindre frais.

Christophe RIGAUD – Afrikarabia
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