C'est un débat sans précédent sur le processus électoral en République démocratique du Congo (RDC) devant le Conseil de sécurité de l'ONU. A dix mois de la présidentielle, législatives et provinciales – élections reportées par deux fois et aujourd'hui promises par la commission électorale et le gouvernement congolais pour le 23 décembre 2018 – les Etats-Unis, la France, les Pays-Bas, la Grande-Bretagne, la Suède, la Côte d'Ivoire et la Guinée équatoriale ont invité la Céni et les partenaires de la RDC ce lundi 12 février à faire le point sur l'avancée du processus.

Lors de cette réunion étaient invités notamment le président de la commission électorale, Corneille Nangaa, et la directrice Afrique centrale de Human Rights Watch, Ida Sawyer. Un rendez-vous au cours duquel les Etats comme les organisations partenaires du Congo ont surtout laissé entrevoir leurs points de convergence plus que de divergences.

C'est l'Américaine Nikki Haley qui présidait la séance. L'ambassadrice américaine aux Nations unies a demandé à tous les partenaires du Congo de réfléchir « à ce qu'ils pouvaient faire de plus pour s'assurer que toutes les parties respectent leurs engagements ». Si Washington a en ligne de mire le gouvernement congolais, d'autres Etats comme la Guinée équatoriale, co-organisatrice de la réunion, ont au contraire souligné l'engagement de la RDC à organiser ce scrutin. Le représentant de l'Ethiopie est même allé jusqu'à mettre en garde contre « toute diabolisation ».

Mais au-delà de ces divergences d'approche, le but recherché par les organisateurs de cette rencontre était de prouver, à six semaines du renouvellement du mandat de la mission de l'ONU au Congo, qu'un consensus international pouvait se dégager autour de deux axes : le respect du calendrier électoral et de la date des élections, mais aussi de l'accord politique de la Saint-Sylvestre et de la mise en oeuvre des mesures de décrispation.

Objectifs remplis : même des pays réputés hostiles à toute ingérence, comme la Chine ou le Kazakhstan et comme d'ailleurs tous les pays voisins de la RDC ont rappelé le caractère crucial de cette transition pacifique cette année pour l'avenir du pays, comme pour la paix dans la région, mais également l'importance du soutien apporté par la Monusco, tant décriée ces dernières semaines par les autorités de la RDC.

Seule la Russie s'est quelque peu démarquée en insistant surtout sur le respect de la souveraineté de la RDC. A l'instar des autorités congolaises, Moscou a appelé la Monusco à éviter toute ingérence, mais a toutefois appelé Kinshasa à enquêter sur les usages abusifs de la force pour restaurer la confiance.

L'Union africaine insiste sur la création d'un groupe d'experts électoraux

Le représentant spécial du président de la Commission de l'Union africaine (UA) en RDC, Abdou Abarry, était invité à prendre part à cette réunion. Lui a insisté, comme beaucoup d'autres, sur l'importance de renouer la confiance entre la communauté internationale et la RDC sur le processus électoral et cela passe par la mise en place du groupe international d'experts électoraux promis depuis septembre, mais sur lequel la commission électorale tarde à faire avancer le dossier.

« Nous attendons le retour du président de la Céni pour qu'on puisse parachever les termes de référence qui concernent le groupe indépendant d'experts internationaux pour les élections. Nous plaidons pour dire ici que le groupe international indépendant est quelque chose d'indispensable dans le cadre de l'accompagnement de la Céni. »

Abdou Abarry a également souligné la nécessité de s'assurer que « la question des financements des élections a été résolue, que le soutien logistique nécessaire pour organiser les élections dans ce pays ait été rassemblé ». Et de conclure que « pour l'Union africaine ainsi que pour la plupart des partenaires, la seule voie de sortie de crise en RDC, c'est la voie de l'organisation des élections, et aucune autre voie ».

Les Etats-Unis interpellent le gouvernement congolais

Pour autant, Kinshasa n'a pas dit son dernier mot. Le vice-Premier ministre en charge des Affaires étrangères, Léonard She Okitundu, était présent lors de cette réunion. Pour lui, pas besoin d'appel à la mise en oeuvre de l'accord de la Saint-Sylvestre ou des mesures de décrispation, car ce serait déjà fait. Du moins du côté du gouvernement. Mais surtout pas besoin d'un soutien de la communauté internationale au processus électoral s'il est sorti de certaines conditions.

« La République démocratique du Congo considère que les élections relevant du domaine de souveraineté nationale, [leur] financement est totalement pris en charge par le gouvernement de la République, a-t-il affirmé. Toutefois, si contribution il y aura, aucune conditionnalité ne sera acceptée. Sur le plan des mesures dites de décrispation de l'environnement politique, que plusieurs partenaires ressassent tel un réflexe pavlovien, la République démocratique du Congo n'est pas l'enfer des droits de l'homme que l'on veut bien présenter à tort ! »

Avant de clôturer les débats, l'ambassadrice américaine, Nikki Haley a répondu tout aussi franchement au ministre congolais : « Vous avez une communauté internationale qui veut vous aider, qui vient de passer des heures à parler de la manière dont on pourrait aller de l'avant, qui tient à des élections libres et justes. Ce qu'on apprécierait, ce serait des actions positives de la RDC, pas que vous hurliez sur les évêques ou blâmiez tous les autres, mais que vous compreniez que votre administration est aujourd'hui responsable de la souffrance de votre peuple.»

Pour l'ambassadrice américaine, si le gouvernement congolais est le seul à pouvoir résoudre la crise, la communauté internationale est en tout cas prête à aider la RDC.

La Cenco et l'opposition pas invitées

De leur côté, la conférence épiscopale – garante de l'accord – et l'opposition congolaise n'étaient pas invitées à cette réunion. Ce que déplore Martin Fayulu, l'un des leaders du rassemblement de l'opposition, qui était pourtant à New York. Pour lui, l'engagement et l'intérêt de la communauté internationale est une avancée, mais il aurait souhaité les mettre en garde.


RFI
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