SESSION ORDINAIRE DE MARS 2018 SÉNAT : LA LOI CONTRE LE TERRORISME AUX SOINS INTENSIFS
* Face au ministre de la Justice, les sénateurs ont dénoncé la vacuité de ce texte qui devrait être renvoyé au Gouvernement
Présidée par le premier des sages, l’inusable Léon Kengo Wa Dondo, la plénière d’hier dans la salle des conférences internationales, siège du Sénat, avait aligné six points à l’ordre du jour entre autres l’adoption du calendrier de la session ordinaire de mars 2018 et le débat général sur le projet de loi portant lutte contre le terrorisme. C’est le ministre d’Etat chargé de la Justice, Alexis Thambwe Mwamba, qui a présenté ce projet de loi, venant de l’Assemblée nationale, donc en deuxième lecture. Mais, tous les sénateurs qui sont intervenus ont démontré, arguments en mains, les limites de ce projet de loi irréaliste qu’ils ont, à l’unanimité, qualifié de vide avec deux options.
La première renvoie ce projet de loi au gouvernement, son initiateur toutes affaires cessantes. La deuxième qui exige sa refonte totale, c’est-à-dire de fond en comble par un travail en profondeur de déstructuration pour en faire, en réalité, une autre loi radicalement différente de celle qu’est venue défendre le ministre de la Justice Alexis Thambwe Mwamba.
Le projet de loi en l’état sera admis aux soins intensifs de la Chambre haute pour lui pratiquer un traitement de choc en termes de chimiothérapie. Lorsqu’il a donné l’économie de ce projet de loi, Alexis Thambwe Mwamba a fait savoir que cette loi est conforme aux Accords et Conventions internationales, signés par la RDC pour l’éradication du terrorisme, un phénomène qui n’épargne plus personne dans le monde.
La RDC a ratifié toutes les Conventions relatives à la lutte contre cette criminalité. Mais, le ministre de la Justice juge insuffisante la loi de 2004 portant lutte contre le blanchiment des capitaux liés au terrorisme. Cette loi de 2004 n’intègre pas tous les aspects de cette criminalité de terrorisme. Les nouvelles incriminations viennent donc compléter l’arsenal pénal existant.
La loi porte six titres et plusieurs chapitres. Elle réprime les infractions relatives aux actes de terrorisme. Elle prévoit aussi les procédures d’entraide judiciaire et d’extradition. Alexis Thambwe Mwamba estime qu’il faut examiner ce projet de loi en toute objectivité. Le terrorisme intègre aussi les viols massifs commis à l’Est de la RDC. Raison pour laquelle il sied de légiférer avec hauteur, sans esprit de vengeance.
RESSUSCITER LA PEINE DE MORT ?
Quant au fondement juridique, le projet est conforme à l’article 122 de la Constitution. En ce qui concerne les pénalités, le ministre de la Justice propose de réactiver la peine de mort pour cette infraction de terrorisme.
Le ministre de la Justice l’a dit et redit : le projet de loi portant lutte contre le terrorisme ne s’inscrivant pas dans la prévention de cette criminalité, mais plutôt pour sa répression. S’en est suivi le débat où les intervenants ont renvoyé aux études le ministre de la Justice Alexis Thambwe avec le projet de loi porté.
On peut avoir la substance de toutes ces interventions des élus des élus par celles de trois sénateurs, notamment Jacques Djoli et Flore Flungu Musendu. Jacques Djoli a fait part de ses préoccupations, tout comme de ses inquiétudes sur ce projet de loi. Son architecture est difforme. La définition, qui est donnée du concept terrorisme, est flou, si bien qu’il se demande ce qu’on va réprimer réellement.
NON A LA STIGMATISATION
Il ne s’agit ni plus ni moins que d’un dédoublement du Code pénal qui ne dit pas son nom. Jacques Djoli enfonce le clou en soutenant que le projet de loi constitue un mimétisme, un copisme des Convections internationales dans un texte fourre-tout. Le texte ne dit rien que les procédures particulières concernant le respect des droits de l’homme. Il ne parle pas des actes de terrorisme posés par les ADF à Beni avec des tueries par machette et haches.
Quant à l’instance qui sera chargée de la lutte contre le terrorisme, Jacques Djoli doute qu’elle ne se transforme en un puisant ilot qui commet des abus contre les paisibles citoyens chaque jour, mais que personne ne contrôle.
Pour sa part, Flore Musendu Flungu, qui est aussi Rapporteur du Sénat, a commencé son intervention par la définition exacte du concept terrorisme, entendu comme une forme d’extrémisme violent, motivé par un fondement idéologique pour créer la peur et la terreur, comme moyen pour atteindre son but politique.
Ce qui renvoie à des comportements hors-normes. Flungu dit être en difficulté avec ce projet de loi qui comporte un grand risque pour la société congolaise. Il est d’autant plus révolté par l’exposé des motifs qui stigmatise une partie de la population. Musendu Flore refuse la stigmatisation d’une catégorie particulière de la société dans la loi. Ce qui porte les germes de division.
Il stigmatise aussi le fait que quatre chapitres du projet de loi ne traitent que de sanctions. C’est anormal ! L’est tout aussi un projet de loi qui ne vise pas la prévention, mais seulement la répression. Ce qu’il juge d’énorme handicape. Dans le fond, le projet de loi n’est que des copies-colles des Conventions internationales. L’approche doit être différente de ces copies-collées des Conventions internationales.
HALTE A LA CONFUSION
Flungu conseille de ne pas faire de confusion entre extrémisme et radicalisation. Le gouvernement doit aller au fond des problèmes avec des mesures adaptées à la société congolaise. Or justement il n’y a rien sur les aspects de résilience de la société. Pour Flungu, le projet de loi est contre la jeunesse qu’il a ignorée du début à la fin.
Or, l’éradication du terrorisme passe par la jeunesse. La solution passe par la résilience de la jeunesse. Flungu n’est pas d’accord avec le gouvernement qui a péché en ignorant l’aspect prévention dans le projet de loi. Celui-ci est incomplet.
Il ne s’est pas attaqué à la sécurité sociale de la société congolaise. Pour Flore Musendu Flungu, ce projet de loi portant lutte contre le terrorisme doit être retiré et renvoyé au Gouvernement.
Le ministre de la Justice, Alexis Thambwe Mwamba, a sollicité 10 jours pour venir répondre à ces préoccupations des élus des élus.
A son départ, la plénière a adopté le rapport de la Commission "Economico-financière et bonne gouvernance" (ECOFIN), présidée par Evariste Mabi Mulumba, sur le projet de loi sur la liberté des prix et la libre concurrence.