Le magazine « Toi et Moi » a reçu ce 11 juillet 2018 pour vous Maître Jean-Claude KATENDE, Président National de l’Association Africaine de Défense des Droits de l’Homme, ASADHO en sigle, pour échanger sur la campagne « Pas de vote pour les seigneurs de guerre». Me Jean- Claude KATENDE répond aux questions de Christelle YESALASO pour le compte du Magazine « Toi et Moi ». Ci-dessous, l’interview.
Vous avez annoncé sur votre compte Facebook, en date du 27 juin 2018, le lancement pour le 19 septembre 2018 de la campagne « Pas de vote pour les seigneurs » de quoi s’agit-il ?
Nous devons savoir que depuis 1997, notre pays est dirigé par les hommes qui avaient pris des armes contre le président MOBUTU, qui ont endeuillé plusieurs familles et qui ont le sang de congolais sur leurs mains. Les élections de 2006 et de 2011 n’ont été qu’une régularisation du pouvoir pris par l’Alliance des Forces Démocratiques pour la Libération du Congo(AFDL) en 1997.
Après 21 ans de gestion du pays par les seigneurs de guerre et leurs alliés, le constat est que le Congo n’est pas sorti de problèmes qui avaient conduit au départ du Président MOBUTU. Le Congo est en faillite sur tous les plans. La gestion du pays n’est pas meilleure. Il faut essayer autre chose.
Les élections prochaines qu’elles aient lieu en décembre 2018 ou à une autre date doivent constituer un point d’arrêt. Un point où le peuple doit sanctionner négativement et positivement les acteurs politiques de l’opposition comme de la majorité.
C’est ainsi que nous disons que pour ces élections, les congolaises et congolais ne doivent pas élire tous ceux qui ont pris les armes contre leur pays, qui ont tué leurs concitoyens depuis la guerre de 1997. D’où la campagne «Pas de vote pour les seigneurs de guerre ».
Cette campagne a l’avantage de servir à l’assainissement de la classe politique, de servir au renouvellement de la classe politique, d’une part, et à prévenir d’autres rebellions à travers le pays, d’autre part.
Pourquoi dites-vous que les seigneurs de guerre ne peuvent pas devenir de vrais démocrates ?
Les exemples des seigneurs de guerre qui ont pris le pouvoir par les armes et qui ont instauré la démocratie, ont respecté les droits de l’homme, sont très limités à travers l’histoire du monde, et surtout en Afrique Centrale. Ils ventent tous la démocratie dans leurs discours, mais ils en renient souvent les fondamentaux. Ils sont les premiers à violer les droits de leurs concitoyens, à s’accrocher au pouvoir, à organiser de fraude électorale et à confisquer la démocratie.
La conséquence de tout ceci est que les seigneurs de guerre compromettent même le développement économique et social de leurs concitoyens.
Ce tableau appuyé par les réalités de l’histoire du monde soutient notre thèse selon laquelle les seigneurs de guerre ne peuvent pas devenir de vrais démocrates.
Est-ce que cette campagne ne remet pas en cause toutes les lois d’amnistie qui ont blanchi les seigneurs de guerre de tous les crimes commis depuis 1996 ?
Il y a lieu de préciser que la campagne « Pas de vote pour les seigneurs de guerre » ne porte pas atteinte aux droits fondamentaux de personnes concernées. Notre campagne ne demande pas à la CENI d’invalider les candidatures des seigneurs de guerre. C’est un appel que nous adressons aux congolaises et congolais en leur présentant les risques qu’il y a à donner leur vote à un seigneur de guerre. Chaque électeur étant libre de voter qui il veut, notre rôle est d’attirer son attention sur certaines questions pour qu’il ne commette plus les erreurs du passé. Nous avons confié le Congo aux anciens seigneurs de guerre et les résultats sont là. Le peuple souffre énormément du fait de la gestion non transparente et non démocratique du pays. Allons-nous répéter les mêmes erreurs ? La réponse est NON. Tirons de leçon du passé et confions, par notre vote, le Congo aux femmes et hommes qui n’ont pas été impliqués dans les différentes rebellions qui ont endeuillé les congolais. Ces femmes et hommes, nous en avons dans la majorité présidentielle, dans l’opposition et dans la société civile. Nous pouvons leur confier notre destin et l’avenir de notre pays. Reconduire les seigneurs dans nos institutions, c’est ignorer la souffrance de 21 dernières années.
Cette campagne ne vous fera pas accuser de travailler pour tel candidat contre tel autre, surtout qu’elle donne l’avantage aux candidats qui n’ont jamais pris les armes pour prendre le pouvoir ?
Je ne suis qu’au service de mes propres convictions. Je ne suis pas au service d’un congolais contre un autre. S’engager dans une telle voie, c’est travailler à perte à long terme. Notre campagne ne vise personne. Les seigneurs de guerre ont fait tellement de mal à ce pays au point que j’estime qu’il est temps de dire que trop, c’est trop.
Notre campagne est basée sur la logique selon laquelle vous ne pouvez pas confier la gestion du pays aux congolais dont vous êtes surs, compte tenu de leur passé, qu’ils ne peuvent faire avancer ni la démocratie, ni la justice. C’est le cas des seigneurs de guerre. Ils sont eux-mêmes redevables aux victimes et à la justice, comment voulez-vous qu’ils fassent avancer la nation. Aucune nation ne peut avancer sans justice.
C’est par choix qu’ils sont allés en rébellion, c’est par choix qu’ils ont endeuillé plusieurs familles pour accéder aux ressources ou au pouvoir. Ils doivent savoir qu’un tel choix à des conséquences tôt ou tard.
On peut nous accuser de tout, mais nous pensons que la campagne « Pas de vote pour les seigneurs de guerre »vaut la peine.
Pensez-vous que les congolais vont suivre la devise de votre campagne qui est « Pas de vote pour les seigneurs de guerre ?
Depuis que nous avons lancé la campagne, l’intérêt est de plus en plus grand à Kinshasa comme en provinces. Les gens m’écrivent pour me dire qu’ils soutiennent la campagne et qu’ils entendent y participer pour l’intérêt du pays. A l’Est où les seigneurs de guerre ont fait beaucoup de victimes, ont pillé sérieusement le pays, la campagne est très attendue.
Comme nous l’avons déjà dit, elle sera lancée le 19 septembre 2018. C’est le jour de la publication des listes définitives de candidats-présidents et candidats députés nationaux, selon le calendrier de la CENI. Ainsi, nous saurons quels sont les seigneurs de guerre qui sont retenus par la CENI pour participer aux élections.
Ne pensez-vous pas que cette campagne risque de faire de vous la cible de tous les seigneurs de guerre ?
C’est possible. Dans le contexte de la RD Congo, si vous avez peur pour tout et même pour exercer vos propres droits, vous ne pouvez rien faire. C’est notre peur qui permet aux seigneurs de guerre de continuer à faire de choses qui ne sont pas permises ni par les lois, ni par le bon sens. La peur a toujours été l’ennemi du changement.
Du moment où la campagne n’est pas contraire aux lois de la République et ne porte pas atteintes aux droits d’autrui, je ne pense pas que les gens vont se décider de nous faire du mal.
Les êtres humains sont capables de faire des surprises, mais pour la cause du Congo, on peut prendre les risques de lancer cette campagne.
De toutes les façons, Dieu reste le maitre de la vie de chacun de nous. C’est lui qui décide de ce qui doit arriver à chacun de nous.
Avez-vous des moyens suffisants pour atteindre tous les congolais dans un pays aussi grand et où les moyens de communication sont très limités ?
Nous n’avons pas de moyens et nous n’avons reçu rien de personne. Nous allons utiliser nos moyens de bord, l’enthousiasme des congolais pour mener cette campagne. Le manque de moyens financiers et matériels ne peut être pris comme raison pour ne pas oser de faire quelque chose. Nous allons oser et nous pensons que même un seul électeur refusera de voter un seigneur de guerre grâce à notre campagne.
Pour finir, Me Jean-Claude KATENDE, n’êtes-vous pas vous-même candidat à un poste quelconque et qu’en définitive, vous faites la campagne pour votre intérêt personnel ?
En lançant cette campagne, nous ne soutenons personne. Nous-mêmes, nous ne sommes candidat à aucun poste électif. C’est une campagne dont les bénéfices vont au-delà d’un individu ou d’une famille. C’est la nation tout entière qui va bénéficier des impacts de cette campagne à court et à long terme.
Le magazine Toi et Moi vous remercie pour avoir répondu à ses questions.
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