A la prise officielle de ses fonctions de Ministre des Affaires foncières en mai 2017, Lumeya Dhu-Maleghi sonnait à la fois, l’heure de la rupture et de la rénovation. Rupture avec un passé marqué par le droit de la force et non la force du droit. Rupture avec le régime des financiers rendus plus forts, au détriment des plus faibles, lésés dans leurs droits. Bref, l’heure de retour et de recours à la légalité. L’homme savait ce qu’il disait. Preuve, s’il en est une, qu’il avait la parfaite maitrise des intrigues de son secteur.

En ce qui concerne les innovations qu’il entendait apporter dans le secteur foncier en RD Congo, Lumeya Dhu-Maleghi, avait annoncé ses ambitions de doter la RD Congo, d’un Document de politique foncière nationale (DPFN). L’y voilà parvenu. Ce qui fut alors un projet est devenu une réalité. Le "Document de politique foncière nationale " de la RDC est finalement né au terme d’un Forum interprovincial organisé jeudi le 8 novembre en cours à Bukavu, capitale provinciale du Sud-Kivu.
Devant plusieurs participants aux travaux de ce Forum, le patron des Affaires foncières n’a pas caché son satisfécit. Une joie légitime, dès lors que les interlocuteurs ont systématisé leurs discussions sur un contenu thématique d’intérêt national. A savoir le Document de politique foncière nationale. Aussi, ce député élu de la circonscription de Kikwit, s’est-il réjoui que le Document, dans sa version actuelle issue desdites discussions, ait bénéficié de l’adhésion de toutes les parties prenantes. "Je voudrais donc, en clôturant ce Forum, me convaincre de ce que la pertinence de ce Document est désormais mieux comprise de tous et que son contenu est suffisamment partagé entre les parties prenantes ", déclare-t-il.
En pratique, le Document de politique foncière nationale devra conduire inconditionnellement à la modification dela loi foncièreen vigueur. En toile de fond, la révision de la loi de 1973 ou loi Bakajika. Une révision qui tombe à point nommé, quand on sait que depuis la loi Bakajika de 1973, la RD Congo, alors République du Zaïre, a été le théâtre de conflits fonciers en séries, qui ont prouvé les limites de cette législation. 45 ans après, Lumeya Dhu-Maleghi a estimé opportun de tester de nouveaux paradigmes dans ce secteur. Il s’agit, selon lui, d’innover avec de nouveaux mécanismes de droit. A savoir, des dispositions légales adaptées aux réalités actuelles. En d’autres termes, de nouvelles lois à même de résoudre les problèmes spécifiques de certaines couches de la population. Notamment les femmes et les autochtones.

LES RAISONS DU CHOIX
Trois jours auront donc été suffisants pour que les participants au Forum interprovincial de Bukavu, atteignent leur objectif. Entendez la production du Document de la politique foncière nationale. Après un examen sans complaisance du cadre juridique et institutionnel découlant de la loi foncière du 20 juillet 1973, ils ont finalement levé les options fondamentales de la révision de ce texte de loi.
Selon les participantsaudit Forum, le texte révisé, une fois entré en vigueur, aura le mérite non seulement de respecter les engagements internationaux de la RDC en matière foncière, mais aussi les lois sectorielles ayant un impact réel sur le foncier. Les principales motivations de ce choix apparaissent sans équivoque dans le communiqué final sanctionnant la fin des travaux. Ainsi, les options adoptées concourrontà la restauration de l’équité dans l’appropriation du sol en RDC, la résorption des conflits identitaires par le biais de la réforme, la sécurisation des droits des usagers et innovations technologiques. Y compris l’articulation de la reconnaissance des diversités culturelles et historiques avec l’impératif d’un droit foncier national et la gestion républicaine des territoires ainsi que la mobilisation du foncier pour la croissance économique et la réduction de la pauvreté.
Il importe de rappeler que des options stratégiques identifiées et incluses dans le Document de Politique Foncière Nationale, on peut retenir l’implication des chefs coutumiers dans la gestion foncière rurale. Mais cette implication est soumise à quelques restrictions, en ce sens que ces derniers devront agir dans les limites de leur pouvoir. Ici, le souci majeur est de réduire les risques de dépossession des communautés de leurs terres, la réduction du coût d’obtention du titre foncier en vue de le rendre accessible et la mise en place d’un Guichet unique des Affaires foncières pour éviter les tracasseries liées au paiement des frais exorbitants.
Par ailleurs, les participants ont proposé l’institutionnalisation des commissions locales de résolution des conflits. Ces structures, une fois opérationnelles, auront pour mission de résorber les conflits identitaires par le biais de la réforme. Ils ont démontré la nécessité de décentraliser la gestion foncière. Pour sécuriser les droits des usagers, ils ont suggéré d’initier un processus de sécurisation formelle à partir d’un système d’informations Foncières (SIF).

UNE REFORME AGRAIRE
Qui plus est, le Forum interprovincial de Bukavu a opté pour une réforme agraire et l’institutionnalisation des droits d’accès de la femme à la terre dans la gestion nationale que locale du foncier. Pour ce qui est de l’arbitrage équitable des intérêts fonciers concurrents et conflits qui en découlent, les participants à ces assises ont rappelé l’importance de l’institution de la médiation foncière dans la législation de la réforme foncière, l’intégration de la cartographie des terres et des limites des entités comme outil à utiliser dans la transformation des conflits, la mise en place des dispositions légales permettant une adéquation et une harmonisation entre les codes minier, foncier et forestier.
Pour protéger les écosystèmes, la " messe " sur le foncier officiée dans le chef-lieu de la province du Sud-Kivu, a insisté sur la mise en place des mécanismes de restauration des terres dégradées. Objectif : promouvoir l’agriculture durable, la sécurité alimentaire et la conservation des écosystèmes, tout comme la mise en place de la délimitation des eaux transfrontalières et le respect de la servitude de 100 mètres de la zone tampon entre le milieu terrestre et le milieu aquatique.
Sur ce point précis, Ils ont insisté sur le fait que les conflits portant sur les terres agricoles des communautés locales ne soient recevables devant les juridictions que s’ils ont été préalablement soumis à la procédure de conciliation.En termes de plaidoyer, les délégués du gouvernement national et provincial, les autorités traditionnelles, les acteurs de la société civile, les représentants des peuples autochtones, les conservateurs des titres immobiliers et chefs de cadastre ont souhaité que la réforme intègre la reconnaissance spécifique des droits fonciers des peuples autochtones en tenant compte des droits collectifs et individuels conformément à leur culture.
Ils ont surtout rappelé que dans la réforme en cours, on prévoit la cartographie des terres des peuples autochtones et des communautés locales pour les sécuriser et récupérer les terres spoliées dans chaque province. "Il faut une réforme qui prend en compte la résilience de l’État congolais pour éviter de mettre en place des lois et les appliquer selon les souhaits et les principes des bailleurs". Pour les participants, la réforme doit éviter la superposition des concepts en clarifiant les termes communautés locales, les peuples autochtones, les ayants-droits pour éviter les confusions.

LA FORME FINALE DANS DIX JOURS
Dans les 10 jours qui suivent la clôture, le comité scientifique de ce Forum, élargi à quelques experts, travaillera sur la forme finale de ce Document, de manière à lui donner la meilleure formulation possible. Après son toilettage, le document sera soumis au comité de Pilotage pour sa validation. Le Ministre Lumeya a assuré que le Document ainsi validé sera officiellement remis par une forte délégation des participants au chef de l’État, Joseph Kabila.
A la clôture des travaux, il a promis que cela se fera sans sacrifier les fondamentaux qui ont fait l’objet du consensus au cours des débats.Il n’a pas manqué d’annoncer une bonne nouvelle pour les géomètres congolais. Dans le cadre de la politique de la modernité prônée par le président Joseph Kabila, l’Université de Pennsylvanie, aux USA, a accepté de former avant la fin de cette année, 15 cadres formateurs des agents des Affaires Foncières dans la nouvelle technique de fabrication et utilisation des drones dans l’élaboration de la cartographie et numérisation foncières aux fins d’éradiquer les conflits fonciers tant décriés. Ainsi, il a salué le travail des partenaires internationaux tels que l’ONU Habitat, la Coopération Suisse, le gouvernement Norvégien et les autres.
De mains de maître, Lumeya a amené les participants à répondre aux 11 questionnements identifiés et décrits dans les termes du Forum. Les débats et recommandations ont permis l’élaboration des fiches de résolutions qui ont été capitalisées dans la formulation du Projet de Document de Politique Foncière. Par ailleurs, 12 sessions ont été organisées sur des problématiques spécifiques. Il s’agit clairement de résoudre les problèmes qui minent le secteur.
Tout bien considéré, les assises de Bukavu auront donc été un pari réussi pour Lumeya Dhu-Maleghi qui a accompli l’une des missions que lui avait assignées le chef de l’État Joseph Kabila. Pour Lui, un grand jour se lève désormais au Ministère des Affaires Foncières où les conflits vont bientôt disparaître. Grevisse KABREL
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