Il est indéniable que, ce 11 novembre 2018, la surprise a été totale, pour tout le monde, à la proclamation de Martin FAYULU comme candidat commun de l’opposition à la prochaine élection présidentielle devant se tenir le 23 décembre 2018 en RD Congo.





S’il y a eu surprise, c’est tout simplement que Fayulu n’est pas le candidat que l’on attendait, abstraction faite de toutes ses qualités et de son parcours. Exactement comme dans le camp toutes ses qualités et de son parcours. Exactement comme dans le camp adverse, le FCC, lorsque, il y a quelques semaines, Joseph Kabila, déjouant tous les pronostics, avait désigné Emmanuel Shadary comme son dauphin.


déjouant tous les pronostics, avait désigné Emmanuel Shadary comme son

dauphin.

Vingt-quatre heures après cet accord de l’opposition signé à Genève sous la

facilitation de M. Alan Doss de la Fondation Koffi Annan, Félix Tshisekedi

et Vital Kamerhe, signataires de cette convention, s’en sont désolidarisés

et récusent désormais la désignation de Martin Fayulu. Pour des raisons qui

leur sont propres. Et ils décident de poursuivre leur campagne électorale

séparément. A l’heure actuelle, l’opposition n’a donc plus de candidat

commun.

Les commentaires sont allés dans tous les sens, approuvant ou fustigeant la

volte-face de Félix Tshisekedi et de Vital Kamerhe.

En prenant suffisamment de recul et en analysant de façon agrégée toutes

les données de cet événement, on s’aperçoit que le jeu pratiqué lors de ces

négociations de Genève comportait, dès le départ, les relents et les

ingrédients de l’échec. Ce qui a fatalement entrainé la « mort » du

candidat commun de l’opposition.

La conduite des négociations a été assurée par Alan Doss dans le cadre de

la fondation Koffi Annan dont il est le directeur. Celui-ci a donc réuni

sept candidats de l’opposition avec un seul but : la désignation d’un

candidat commun de l’opposition. C’était d’ailleurs le seul point connu

d’avance des sept candidats. Car les modalités des discussions,

c’est-à-dire le format des négociations, les textes devant régir la

coalition et, surtout le mode de désignation du candidat commun, ne seront

connues des candidats qu’une fois entrés dans la salle. Cela donnait déjà

un mauvais présage pour la suite. Et les inquiétudes se sont confirmées

lorsqu’Alan Doss a demandé aux candidats de se départir de leurs

conseillers respectifs et d’éteindre leurs téléphones et ordinateurs

portables, achevant ainsi de les isoler de toute influence extérieure.

Si le texte de l’Accord de Coalition remis aux candidats prévoit dans son

article deux les critères que doit remplir le candidat commun, aucune

disposition, en revanche, n’y précise les modalités de sa désignation. On

avait sans doute estimé, à juste raison d’ailleurs, que les huit critères

énumérés dans l’article deux suffisaient pour dégager, sans trop de

difficultés, le candidat commun.

Cependant, au lieu d’examiner ces huit conditions par rapport à chacun des

sept candidats, Alan Doss a délaissé, à la surprise générale, le texte de

l’article deux pour proposer un vote universel où tous les candidats

partaient sur un même pied d’égalité.

Martin Fayulu dispose-t-il, à lui seul, d’une force d’organisation dans le

pays pour conduire une campagne présidentielle ? Quelle est la densité de

son réseau de candidats aux élections législatives, nationales et

provinciales ? Avant Genève, la tendance générale au sein de la population

congolaise était-elle de voter pour Fayulu à l’élection présidentielle du

23 décembre ? Alan Doss, dans la méthode de vote qu’il a appliquée, ne

s’est pas posé toutes ces questions. Ni à l’égard de Fayulu, ni envers

Félix Tshisekedi, ni vis-à-vis de Kamerhe, ni à l’endroit de Matungulu.

Alors qu’il s’agit là des conditions essentielles posées par l’article deux.

D’autre part, par cette modalité de vote, Alan Doss a infligé,

inconsciemment sans doute, une humiliation supplémentaire à Jean-Pierre

Bemba, à Moïse Katumbi et à Adolphe Muzito. En effet, ces trois candidats,

déjà invalidés par la CENI, ont été priés pour cette raison de quitter la

salle pour laisser le vote du second tour se dérouler uniquement entre les

quatre candidats retenus par la CENI ! En dépit de leur poids politique et

de ce qu’ils représentent dans l’opinion nationale.

Et pour bien ficeler l’accord, Alan Doss avait bien pris soin, avant le

vote, de faire signer aux sept candidats, outre le texte de l’Accord de

Coalition, une déclaration sur l’honneur aux termes de laquelle les

candidats s’engageaient, notamment, à mettre définitivement « fin à leur

carrière politique » s’ils ne respectaient pas l’Accord de Coalition. Par

cet engagement sur l’honneur, qui relève d’un noble sentiment, Alan Doss

espérait « tenir » la conscience politique des candidats. Seulement, en

croyant bien faire, il en a fait trop !

D’une part, cet engagement sur l’honneur était tout à fait superfétatoire,

car l’article cinq de l’Accord de Coalition fait déjà obligation aux

candidats, et dans des termes stricts, de se conformer à ses dispositions.

A partir du moment où les candidats avaient signé l’Accord, cet engagement

sur l’honneur était tout simplement inutile. Sauf à considérer, par avance,

que les candidats congolais n’étaient pas de bonne foi. Ce qui serait peu

diplomatique de la part de Monsieur Doss.

D’autre part, un engagement sur l’honneur demeure un acte aléatoire en

matière d’accord politique, où les paramètres sont sans cesse soumis aux

contingences et fluctuations diverses. D’ailleurs, Alan Doss lui-même a été

le premier à ne pas respecter le texte de l’Accord, puisque, pour désigner

le candidat commun, il a préféré le scrutin universel égalitaire au

détriment des dispositions de l’article deux.

Enfin, et surtout, cet engagement sur l’honneur est proprement vexatoire.

Demander à un leader politique, qui jouit d’un mandat social de son parti

et de ses militants, de mettre définitivement fin à sa carrière politique

parce qu’il n’aurait pas respecté un texte proposé par une tierce personne,

ressemble à une expérimentation funeste qu’a tentée Alan Doss.

S’il était judicieusement conseillé, Alan Doss aurait tout de suite compris

que les engagements définitifs ou perpétuels sont proscrits par la plupart

des grands systèmes juridiques. Ainsi, par exemple, selon le droit belge, «

On ne peut engager ses services qu'à temps, ou pour une entreprise

déterminée. » (Art. 1780 Code civil). En France, le Code civil stipule que

« Les engagements perpétuels sont prohibés. » (Art. 1210). En Suisse, où se

sont tenues les négociations, le Code civil helvétique va encore plus

loin : « Art. 27 Contre des engagements excessifs : Nul ne peut, même

partiellement, renoncer à la jouissance ou à l'exercice des droits civils.

».

Juridiquement, les engagements excessifs, perpétuels et définitifs contenus

dans cette déclaration sur l’honneur sont réputés non écrits et donc sans

effets.

Quoiqu’il en soit, les sept candidats ont paraphé et signé. Et l’Accord de

coalition, et l’engagement sur l’honneur. Ont-ils signé par naïveté ? par

inexpérience ? Non, ni l’une, ni l’autre. Tous ces sept candidats sont, à

des degrés divers, des personnalités d’envergure ayant exercé des fonctions

où la naïveté ou l’inexpérience n’ont pas leur place. Ils ont signé parce

qu’ils avaient, en âme et conscience, intégré l’enjeu hautement historique

de l’acte qu’ils allaient poser : désigner, enfin, un candidat commun pour

l’opposition. La dernière et seule fois où les Congolais avaient été

capables de faire front commun devant le pouvoir en place remonte à…58 ans,

lors de la Table ronde de Bruxelles de janvier 1960 !

Mais la conscience historique et la bonne volonté des candidats ont été

altérées. Par les méthodes pratiquées par la facilitation. Méthodes qui

recelaient en elles des germes de rancœurs, de frustrations et de

contestations. Et l’échec s’en est fatalement suivi : Félix Tshisekedi

s’est retiré du front commun, suivi de Vital Kamerhe.

Pour justifier son revirement, Félix Tshisekedi affirme s’être aligné sur

la position de sa base qui n’a pas compris la non-élection de son chef et

qui a violemment contesté la désignation de Fayulu comme candidat commun de

l’opposition.

Certes les militants de l’UDPS se sont révoltés, allant jusqu’à menacer

d’incendier le siège du parti et de révoquer Félix Tshisekedi si celui-ci

ne retirait pas sa signature. Mais les véritables mobiles du retrait de

Félix Tshisekedi sont à chercher au-delà de la gesticulation des militants.

Il est admis de tous que l’UDPS est le premier parti de l’opposition. Cette

primauté, au-delà de son âge, se vérifie par certains éléments objectifs.

L’UDPS est en effet le parti qui a une assise véritablement nationale. Son

appareil organisationnel lui permet de faire élire des députés dans tous

les coins du pays. Elle compte actuellement 41 députés au sein de

l’Assemblée nationale. Ce qui fait d’elle le parti de l’opposition le mieux

représenté au Parlement. Fort de tous ces éléments prédominants, le parti

UDPS ne nourrissait aucun doute sur la probable désignation de son chef

comme candidat commun de l’opposition à l’élection présidentielle. Mais,

cela aurait été possible si Alan Doss avait, d’une part, appliqué

simplement l’article deux de l’Accord, et, d’autre part, s’il avait

raisonné en termes de partis politiques. Non seulement dans son mode de

vote, Alan Doss a écarté l’article deux, mais en plus il a fonctionné, non

en termes de partis politiques, mais en termes de personnes.

Dans cette configuration, où Alan Doss a fait abstraction de l’UDPS, de son

appareil politique, de ses cadres, de ses députés, de ses militants, de son

histoire et de ses sacrifices, pour ne considérer que la personne des

candidats, Félix Tshisekedi s’est retrouvé en égalité stricte avec tous les

autres candidats. Si Alain-Daniel Shekomba ou Madame Marie-Josée Ifoku,

autres candidats à l’élection présidentielle, étaient présents à Genève,

Alan Doss, par sa méthode, les aurait faits confronter à égalité avec Félix

Tshisekedi de l’UDPS. Et les cadres et les militants de l’UDPS n’ont pas

accepté cette méthode. Vital Kamerhe, non plus. Lui qui bénéficie, qu’on le

veuille ou pas, d’une assise populaire réelle à l’Est, avec son parti l’UNC

qui affiche tout de même17 députés au compteur de l’Assemblée nationale !

En emboitant le pas à Félix Tshisekedi, Vital Kamerhe a aussi exprimé son

amertume à l’encontre des méthodes employées par la Facilitation.

En voulant ménager les susceptibilités personnelles des candidats, sans

prendre en compte ce qu’ils représentaient réellement, la Facilitation a

malheureusement biaisé la désignation du candidat commun de l’opposition.

Si le but de l’opposition à Genève était la désignation d’un candidat

commun, c’était dans l’objectif de battre le candidat du FCC par

l’agrégation et le rassemblement des voix de toute l’opposition enfin

réunie. Cet objectif parait désormais compliqué à atteindre. Le candidat

commun étant « mort », la dispersion et l’éparpillement des voix de

l’opposition risquent inévitablement de profiter au candidat du FCC.

Le retrait de Félix Tshisekedi et de Vital Kamerhe de l’Accord de la

coalition montre tout simplement que la Facilitation n’a pas mis en place

le jeu adéquat. En privant les candidats de leurs conseillers dans des

négociations aussi sensibles, et en les isolant complètement dans le but

d’aboutir nécessairement à un accord, Alan Doss vient de révéler les

limites de la méthode Coué. Les Etats-majors des partis, non consultés, ne

se sont pas sentis concernés par cet Accord. D’où la révolte. Echec et mat.

Clément MAMBUDI, Juriste (clemambudi@gmail.com)
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