Leçons de la Conférence de l’IDGPA sur le 13e anniversaire de la Constitution .

Profs André Mbata et Jean-Louis Esambo formels: Félix Tshisekedi et Joseph Kabila à la Cour Constitutionnelle le samedi 23 février 2018 à 16h au plus tard avant la nomination imminente d’un informateur du Gouvernement




Le lundi 18 février 2019 a marqué le 13e anniversaire de la Constitution de la République Démocratique du Congo (RDC) qui avait été adoptée par référendum du 18 au 19 décembre 2005 et promulguée par le Président de la République le 18 février 2006.  A cette occasion, fidèle à une tradition instituée depuis le 10e anniversaire, l’Institut pour la Démocratie, la Gouvernance, la Paix et le Développement en Afrique (IDGPA) avait organisé une conférence sur le thème « Le Peuple et la Constitution ».

Intervenants lors de cette conférence qui s’est tenue dans la Salle de Promotion de l’Université de Kinshasa, le constitutionnaliste Jean-Louis Esambo, ancien juge à la Cour constitutionnelle, et son collègue Prof André  Mbata Mangu sont revenus sur l’obligation constitutionnelle de déclaration écrite de patrimoine du nouveau Président  de la République, Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, et son prédécesseur, Joseph Kabila Kabange.






A ce sujet, la Constitution du 18 février 2006 telle que révisée prévoit ce qui suit:

Avant leur entrée en fonction et à l’expiration de celle-ci, le Président de la République et les Membres de Gouvernement sont tenus de déposer devant la Cour constitutionnelle, la déclaration écrite de leur patrimoine familial, énumérant leurs biens meubles, y compris actions, parts sociales, obligations, autres valeurs, comptes en banque, leurs biens immeubles, y compris terrains non bâtis, plantations et terres agricoles, mines et tous autres immeubles avec indication des titres pertinents. Le patrimoine familial inclut les biens du conjoint selon le régime matrimonial, des enfants mineurs et des enfants même majeurs, à charge du couple. Faute de cette déclaration, endéans les trente jours, la personne concernée est réputée démissionnaire. Dans les trente jours suivant la fin des fonctions, faute de cette déclaration, en cas de déclaration frauduleuse ou de soupçon d’enrichissement sans cause, la Cour constitutionnelle ou la Cour de cassation est saisie selon le cas. (Article 99)

Prof Esambo a insisté sur le fait que les comptes en banques devraient être accompagnés des relevés des soldes avec cachets des banques au jour du dépôt de la déclaration à la Cour constitutionnelle.

A la suite de son collègue, Prof Mbata a souligné que l’obligation de déclaration écrite de patrimoine qui vise à promouvoir la bonne gouvernance et la lutte contre l’impunité devrait s’étendre aux parlementaires, aux juges et magistrats, aux Gouverneurs et aux membres des gouvernements provinciaux, ainsi qu’à tous les responsables des établissements et des services publics, avant leur entrée en fonction et à  l’expiration de celle-ci.  La déclaration de patrimoine du Président de la République et des membres du Gouvernement, nouveaux et anciens, devrait être accessible au peuple congolais à travers sa publication au Journal Officiel et non pas seulement aux magistrats de la Cour constitutionnelle et à l’Administration fiscale !

Aux dires de nos deux constitutionnalistes, le Président  Félix Tshisekedi ayant prêté serment et étant entré en fonction après la passation des pouvoirs avec Joseph Kabila le 24 janvier 2019 vers 15h, il devrait impérativement déposer une déclaration écrite de son patrimoine, de ceux de son conjoint, de leurs enfants mineurs et même majeurs à la charge du couple le samedi 23 février 2019 à 16h au plus tard. Il en est de même de l’ancien Président Joseph Kabila.

L’occasion est ainsi offerte à Joseph Kabila de justifier tout le bien que ses partisans disent de lui et de prouver au peuple congolais qu’il est un homme qui respecte son serment, qu’il se sera conformé à la Constitution jusqu’au bout et que les milliards et les innombrables biens meubles et immeubles au pays et à l’étranger qu’on attribue à son épouse, à  lui-même et à leurs enfants relèvent de la pure imagination de ses adversaires ou de ses ennemis.

Fini donc le suspens. Le peuple congolais devrait connaître dans la soirée de samedi 23 février 2019 non seulement la hauteur du patrimoine du nouveau Président de la République qui devrait être modeste, mais aussi la fortune acquise par l’ancien Président en comparant son patrimoine actuel à celui qu’il avait déclaré lors de sa réélection en 2011.

En ce qui concerne les anciens membres du gouvernement, Prof Mbata a indiqué qu’ils n’étaient nullement à l’abri étant donné qu’il n’y a pas prescription. Le temps écoulé ne couvre pas le crime. Ainsi, la Cour constitutionnelle ou la Cour de Cassation est compétente pour être saisie ou se saisir sans délais des cas des Premiers ministres Antoine Gizenga, Adolphe Muzito, Matata Ponyo, Samy Badibanga, Bruno Tshibala  et des membres de leurs gouvernements respectifs qui n’auraient pas fait de déclaration écrite de patrimoine, auraient fait des déclarations frauduleuses ou qui seraient soupçonnés d’enrichissement sans cause à l’expiration de leurs fonctions !

Pour le Président Tshisekedi  qui vient d’entrer en fonction et pour Joseph Kabila que l’on dit avoir finalement respecté la Constitution en renonçant à un troisième mandat, la déclaration écrite du patrimoine constitue un important test du respect de la Constitution et de loyauté envers le peuple congolais.

Prof André Mbata s’est en outre penché sur la question du gouvernement qui n’a pas encore été nommé plusieurs jours après l’entrée en fonction du Président Tshisekedi. Il a noté que s’agissant de la nomination tant  attendue du Premier Ministre qui devrait être issu de la majorité parlementaire (Article 78), une telle majorité n’existe pas. Du reste, la majorité parlementaire ne se décrète pas dans un restaurant, un bar ou une ferme, mais elle se constate au Parlement au regard du nombre des sièges obtenus.

Le FCC, LAMUKA ou CACH n’ont été que des plateformes électorales, sans personnalité juridique et inconnues du Parlement où les Députés et Sénateurs ne sont identifiés que selon leurs partis et regroupements politiques. Un communiqué ou un acte d’engagement que l’on ferait signer aux dirigeants de ces plateformes en dehors du Parlement ne suffirait pas à les transformer en majorité parlementaire surtout lorsque plusieurs signataires ne sont pas eux-mêmes des Députés nationaux ou des Sénateurs et que la Constitution stipule que « tout mandat impératif est nul ». (Articles 101 & 104)

Le plus grand parti, le Parti du Peuple pour la Reconstruction et la Démocratie (PPRD) ne compte que 42 sur 500 Députés nationaux. Comme c’était le cas avec le MNC/Lumumba en 1960 qui avait le plus grand nombre d’élus sans pourtant détenir la majorité au Parlement, le Président Tshisekedi n’a pas d’autre choix que de désigner urgemment comme informateur une personnalité à qui il confiera une mission d’information en vue d’identifier une coalition.

Loin de contredire les deux constitutionnalistes, le communiqué et l’Acte d’engagement signés par les ténors du FCC qui se réfèrent à une « coalition » de gouvernement visée par l’article 78 de la Constitution constitue un aveu de l’inexistence de la majorité parlementaire dans le chef même des membres du FCC réunis autour de leur « Autorité morale » !

Aussi, selon la logique du régime parlementaire qui sous-tend l’architecture institutionnelle, le Premier Ministre devrait provenir de la majorité parlementaire, plus spécialement de la majorité à l’Assemblée nationale qui approuve son programme et investit le Gouvernement (Article 90) car il n’est pas possible qu’une personne qui n’est pas membre du Parlement puisse se réclamer de la majorité parlementaire. La nomination des Premiers Ministres Gizenga, Muzito, et Matata s’était ainsi faite en violation de la Constitution.

En l’absence d’une majorité parlementaire à l’Assemblée nationale, la nomination d’un Premier Ministre sans passer par la désignation d’un informateur comme l’exigent les partisans de l’ancien Président Kabila serait un mauvais signal de la part du Président Tshisekedi quelques semaines seulement sa prestation de serment.

Pour Prof André Mbata, même si ses membres constituaient une majorité parlementaire, le FCC n’imposerait pas un Premier Ministre au Président de la République qui garde un pouvoir discrétionnaire. L’article 78 l’oblige à consulter et à nommer le Premier Ministre au sein de la majorité parlementaire.  Cependant, il s’agit d’un avis obligatoire, mais non conforme. Il peut ainsi exiger une liste des personnalités parmi lesquelles une seule sera nommée Premier Ministre.

Aussi, dans la nomination des membres du Gouvernement, le Président Tshisekedi qui a promis le changement à son peuple ne pourra réussir son mandat qu’en s’entourant des personnes mues par le même idéal et non des caciques de l’ancien régime à la base du bilan désastreux de son prédécesseur Joseph Kabila qui avait toujours regretté de n’avoir pas eu ne fut-ce qu’une dizaine d’hommes et de femmes qui auraient pu l’aider à changer le Congo.

« Le Peuple d’abord », slogan de campagne d’Etienne Tshisekedi qui va l’accompagner tout au long de son mandat, est un appel à la vigilance citoyenne et au contrôle citoyen permanent ainsi qu’une interpellation du Président Félix Tshisekedi afin qu’il puisse en toutes circonstances de lieu et de temps, se comporter en loyal et « fidèle serviteur du peuple » suivant la formule forte du serment prêté solennellement « devant Dieu et la Nation » !
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