La rencontre, la semaine dernière au village Kashobwe, dans le Katanga, entre l’ambassadeur américain Mike Hammer et le président d’Ensemble pour la République, Moïse Katumbi, continue de défrayer la chronique rdcongolaise. De nombreux observateurs se sont interrogés sur les tenants et aboutissants de ce rendez-vous dans la jungle en raison de l’actualité mouvementée de ces derniers jours dans notre pays.

    Alors que plusieurs d’entre eux ont mis l’accent sur les sujets qui fâchent aujourd’hui entre le chairman ainsi que ses partisans et l’Union Sacrée de la Nation, créée par Félix Tshisekedi, d’autres se sont appesantis sur la question des élections générales de 2023, s’inquiétant de la tendance, selon eux, à exclure Moïse Katumbi de la course, sur base de la proposition de loi Tshiani sur le verrouillage des fonctions de souveraineté, des positions en flèche prises par les partisans d’Ensemble et des menaces implicites sur la stabilité des institutions du pays.

Des compte-rendus de la presse ont souligné le souhait du gouvernement américain, à travers son représentant Mike Hammer, pour la tenue dans les délais constitutionnels des élections générales de 2023. Mais aussi de leur organisation dans la paix et la transparence pour préserver la stabilité en République Démocratique du Congo et dans les Grands Lacs.

Des non-dits et des signaux

La plupart des commentaires ont ainsi mis en exergue le fait que le rendez-vous de la ferme Kashobwe constituait un message clair à l’attention et à l’intention de Moïse Katumbi Chapwe.

En l’occurrence, Mike Hammer a dit exactement qu’il s’était rendu à Kashobwe afin de palper du doigt les investissements mis en place par Moïse Katumbi, notamment dans le domaine agricole. Mais le venin étant toujours dans la queue, l’on retient surtout que l’ambassadeur américain déclare avoir insisté auprès de Moïse Katumbi sur le fait que son pays souhaite que les élections en 2023 soient mieux organisées que celles de 2018.

Question : pourquoi un tel message au président d’Ensemble qui n’est ni le gouvernement, ni le pouvoir organisateur des élections ?


La réponse pourrait être à rechercher dans les dernières déclarations en date du chairman, au cours desquelles il a semblé menacer, d’une manière ou d’une autre, la bonne tenue des élections.

On peut du coup penser tout ce que l’on veut, sauf que le patron d’Ensemble et le diplomate américain se seraient rencontrés dans la jungle uniquement pour échanger des banalités et des amabilités, se donner des tapes dans le dos ou parler du bon temps.

Se donnant en revanche la peine de traduire en langage politique ce qui a été déclaré en langage diplomatique, plusieurs autres commentateurs ont ainsi tenté de décrypter les échanges entre les deux interlocuteurs :

            Un Washington est clairement inquiet des annonces en flèche faites par Ensemble de Moïse Katumbi – quitter à terme l’Union Sacrée puis le gouvernement – et qui pourraient avoir pour effet de déstabiliser les institutions.

            Deux : le Partenariat Privilégié pour la Paix et la Prospérité (PPPP) auquel tient Washington pour son retour historique en RDC ainsi que dans les Grands Lacs, ne s’accommoderait pas d’un détricotage brutal, piloté par Moïse Katumbi à partir du Grand Katanga, d’un processus très déterminant sur le plan stratégique.

            Trois : aux yeux des Américains, Félix Antoine Tshisekedi Tshilombo, avec ses qualités et ses défauts, est à l’heure actuelle la pierre d’angle de cette stratégie qu’entend poursuivre et développer Washington en Afrique et dans les Grands Lacs africains.

            Quatre : le dilemme pour Moïse Katumbi se situerait entre deux risques au prix fort. D’une part, bousculer la vision américaine telle qu’elle se dégage à court, moyen et long terme à travers le partenariat stratégique Kinshasa-Washington et en supporter les conséquences. Ou, d’autre part, subir Félix Antoine Tshisekedi durant un deuxième mandat à la tête du pays, moyennant des ajustements institutionnels et décaler peu ou prou son ambition pour 2028.

Un geste de bonne volonté ?

C’est en ce moment et de cette manière que tout se joue en effet de manière feutrée dans des cercles politiques et diplomatiques de Kinshasa, quand la presse se perd souvent dans les effets d’annonce, les conjectures et les apparences. De sorte qu’en lieu et place du clash institutionnel récemment brandi par Moïse Katumbi, on devrait plutôt s’orienter vers des compromis historiques, dont le sacrifice serait par exemple la proposition de loi Tshiani. Celle-ci ne serait pas bloquée de manière anti-démocratique comme l’ont suggéré certains, mais devrait, par contre, passer par les fourches caudines des mécanismes parlementaires afin de subir des métamorphoses, ou encore d’être postposée en attendant les jours meilleurs.

         
Il restera à savoir si, moyennant ces ajustements, avec à la clé plus de responsabilités pour Ensemble, Moïse Katumbi, qui sera encore dans la fleur de l’âge, se sera formé à plusieurs métiers d’Etat et aura acquis plus de sagesse et d’expérience entre-temps, bénéficiera du soutien automatique de Washington pour 2028. Rien, évidemment, n’est moins sûr quand l’Udps tend désormais à s’organiser, quand le PPRD entreprend de se battre pour sa survie, et que l’ombrageux Chairman du MLC est décidé à défendre ses positions au cœur du dispositif politique congolais…

Retour d’ascenseur ou pas, force est de constater que sur le vaste échiquier politique congolais, Moïse Katumbi est déterminé à ne pas céder le moindre pouce de terrain sans en tirer, d’une manière ou d’une autre, des dividendes politiques. Déjà, en signe de bonne volonté, il s’est clairement et publiquement désolidarisé de la marche programmée par le tandem Fayulu-Muzito pour le compte de la plateforme Lamuka, expliquant que le pays doit avancer et que ce n’est pas le moment de le bloquer avec des manifestations. Qu’en termes politiques tout cela est dit !                                                  

KENGE MUKENGESHAYI

 

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