Le Gouvernement congolais a-t-il autorisé les troupes ougandaises à entrer dans le territoire national pour traquer les forces terroristes ADF-NALU opérant dans l’Est et le Nord-est du pays? Rien encore d’officiel. Toutefois, des sources généralement bien informées, l’ont affirmé le week-end.
Notre confrère le Monde, citant une source à la Présidence de la république qu’il a contactée hier dimanche, affirme que le président de la République démocratique du Congo, Félix Tshisekedi, a autorisé l’armée ougandaise à traverser la frontière pour combattre les rebelles du groupe Forces démocratiques alliées (ADF), responsables de massacres dans l’Est du pays.
» Le président Tshisekedi a déjà levé l’option d’autoriser aux troupes ougandaises l’entrée sur le territoire congolais pour traquer les terroristes ADF, ensemble avec l’armée et les casques bleus. Mais les troupes ougandaises ne vont pas traverser la frontière dès ce soir ou demain. Il faut que toutes les procédures soient respectées notamment au niveau du Parlement et du commandement des Forces armées de la RDC », a déclaré à l’Agence France-Presse (AFP), un conseiller du président Félix Tshisekedi qui a requis l’anonymat.
Par ailleurs, une source diplomatique européenne contactée par l’AFP a confirmé la même information hier. » Nous avions été informés par nos canaux habituels que le président Tshisekedi a autorisé » les troupes ougandaises à combattre les ADF côté congolais ». » Les forces ougandaises se préparent déjà à se déployer dans l’est de la RDC« , poursuit l’AFP qui cite deux sources diplomatiques contactées hier par l’un de ses correspondants à Kampala.
A peine annoncé, ce come-back de l’armée ougandaise en RD Congo alimente une virulente polémique. Dans les différentes plateformes d’interaction sur les réseaux sociaux, le ton monte et les passions se déchaînent.
Nouvel Elan d’Adolphe Muzito se demande si les dirigeants actuels de la RD Congo n’ont pas les yeux en face des trous. Dans une déclaration faite hier dimanche 28 novembre, la direction politique de cette plateforme de l’Opposition est formelle. « L’autorisation accordée par le Gouvernement aux troupes ougandaises d’entrer dans le territoire national, soi-disant pour traquer les rebelles de l’Ouganda, traduit le déficit de souveraineté de notre pays, en ce qui concerne sa capacité de défense et sécurité du territoire », juge Nouvel Elan.
Pou sa part, le député national Delly Sesanga publie sur son compte Tweeter : « Dans les circonstances actuelles de mon pays, il vient à moi cette pensée de Paul Valéry : « Tous les politiques ont lu l’histoire. Mais, on dirait qu’ils ne l’ont lue que pour y puiser l’art de reconstituer les catastrophes« . C’est tout dire et tout comprendre à la fois.
NON AUX « PYROMANES-POMPIERS »
Une autre réaction est celle de Noël Tshiani Muadiamvita, l’un des candidats malheureux à la présidentielle de 2018. « Je dis NON à l’autorisation d’entrer en RD Congo donnée par le Président Fatshi 13 et son Gouvernement à l’armée ougandaise qui s’est illustrée par le pillage de nos ressources, les viols de nos femmes et des crimes horribles sur nos populations depuis 1996. Respectons nos morts« , réplique-t-il sur compte Tweeter.
Dans la même foulée, la Société civile donne également de la voix. Cas du docteur Denis Mukwege. Ce Prix Nobel de la paix en 2018, en récompense de son combat pour les femmes victimes de violences sexuelles en RD Congo, tire la sonnette d’alarme. « Après 25 ans de crimes de masse et pillages de nos ressources par nos voisins, l’autorisation du Président à l’UPDF et les accords de coopération militaire avec RDF sont inacceptables. Non aux pyromanes-pompiers ! Les mêmes erreurs produiront les mêmes effets tragiques. Debout Congolais, la Nation est en danger« , réagit-il.
LE PROLONGEMENT DE LA COLLABORATION ENTRE LES DEUX ARMEES
A l’hypothèse que l’autorisation donnée aux troupes ougandaises d’entrer dans le territoire congolais s’avère fondée, la question devra nécessairement être soumise à l’appréciation du Parlement. Autrement dit, il revient à l’Assemblée nationale de donner au Chef de l’Etat l’autorisation de prendre une telle décision.
Question : face à la sensibilité de la matière, les députés nationaux majoritairement USN, et donc acquis à la cause de l’actuel chef de l’Etat, vont-ils céder à la requête de l’autorité morale de leur nouvelle Majorité parlementaire?
D’ores et déjà, Jean-Claude Katende anticipe pour dire que les députés nationaux ne devront pas accepter la venue des troupes ougandaises en RD Congo. « Nous connaissons nos voisins. Depuis 1994, ils n’ont pas changé de stratégies. Ils changent la forme mais le fond reste le même : contrôler le Congo pour bien l’exploiter. Inviter l’armée d’un pays [l’Ouganda] qui a déjà fait la guerre en RDC pour s’approprier les minerais du pays, est une erreur et un aveu de l’échec de l’état de siège « , regrette le président de l’Association africaine des droits de l’homme (Asadho).
Cependant, une source qualifiée du Gouvernement verrait dans ce retour de l’UPDF, le prolongement de la collaboration avec l’armée congolaise dans la traque des ADF-NALU. » Des officiers congolais et ougandais travaillent déjà chaque jour » ensemble dans le cadre d' » échanges de renseignements « .
Le chef de l’Etat » nous avait promis d’autoriser formellement ces opérations de traque des ADF par l’UPDF (Uganda People’s Defence Force) sur le sol congolais « , a réagi Antipas Mbusa Nyamuisi, l’un des notables Nande dans le Nord-Kivu, cité par le journal le monde. Tout bien considéré, plusieurs observateurs, membres de la société civile mais aussi internationaux, considèrent la probable arrivée d’une autre puissance militaire en Ituri et au Nord-Kivu comme une menace de plus pour les civils. Ils estiment, notamment, que les ADF sont mêlés aux habitants ce qui rend difficile leur indentification. » Les Ougandais y arriveront-ils mieux que les FARDC ou que la Monusco ? » Toute la question semble être là.
Grevisse Kabrel
Forum des As