Les jours qui vont suivre seront très torrides sous les tropiques, particulièrement en République Démocratique du Congo, après les graves révélations de Congo Hold up, une enquête collaborative menée par 19 médias partenaires associés au Consortium Européen des Journalistes d’investigation et 5 Ongs dédiées à la lutte contre les crimes financiers.

Ces derniers ont opté pour une stratégie de diffusion inédite en déclinant le fruit de leurs recherches en une série de publications sous forme d’une campagne étalée sur trois semaines. Fort d’une montagne de 3,5 millions de documents, les différents acteurs rendront public leurs conclusions de manière feuilletonnée, de quoi tenir en haleine l’opinion et désarçonner la capacité de riposte des incriminés. C’est ainsi que certains n’ont pas compris comment un si gros volume de documents ne puisse retracer qu’une centaine de millions de dollars américains. Et pourtant, l’égrenage n’est encore qu’au premier chapitre.

Sans surprise, l’ex Président Joseph Kabila, présenté comme le « capo di capi » d’un système de prédation sans pareil, n’a pas dérogé à sa nature légendaire d’un homme impénétrable et silencieux. Toutes les sollicitations des enquêteurs pour le confronter ont sèchement essuyé une fin de non-recevoir. Tous ses proches incriminés l’ont emboîté en s’enfermant dans un mutisme total, excepté une poignée des communicants surzélés mais largement déconnectés de la profondeur de cette invraisemblable affaire.

Dans un autre contexte, la publication du Congo Hold Up aurait été chaleureusement accueilli par le pouvoir de Kinshasa comme un déclic pour mettre fin à l’impunité et requinquer la lutte contre les détournements de deniers publics, curieusement la jubilation mesurée des premières heures a vite fait place à la méfiance et à l’embarras.

Certes, c’est le nom de Kabila qui accapare toute l’attention de cette enquête au point que ses soutiens évoquent une fixation haineuse, mais le camp présidentiel n’a pas tardé à comprendre qu’il est soumis à un double dilemme. D’une part, il s’agit d’un test grandeur nature de la volonté tant clamée d’instaurer l’Etat de droit. D’autre part, c’est un aperçu de ce qui va résulter de leur propre gestion chaotique caractérisée par une flambée d’oligarchie kleptocratique similaire à celle décriée.

Il n’est un secret pour personne que plusieurs groupes travaillent déjà à la compilation de documents qui retracent les actes de malversation financière et pratiques douteuses qui impliquent les dirigeants actuels du pays. S’approprier les conclusions de l’enquête Congo Hold up pour s’en prendre à Kabila ferait sauter la digue qui va leur servir de bouclier demain.

Par contre, passer outre l’ouverture d’une instruction judiciaire face à la gravité des faits révélés consacrerait un endossement et une complicité passive inacceptables pour la refondation d’un Etat moderne.

Eu regard aux récentes déboires du gouvernement congolais avec notamment la très controversée taxe RAM, les dépassements budgétaires chroniques, l’aggravation des tensions sécuritaires à l’est du pays en dépit de l’état de siège, il est fort à parier qu’en dépit de l’énorme battage médiatique de Congo Hold up, il ne va pas neiger en enfer. les lignes ne vont pas bouger à Kinshasa.

Tant que la loi 018/21 du 26 juillet 2018 portant statut des anciens Présidents ne sera pas modifiée, Joseph Kabila ne pourrait uniquement être poursuivi que pour les crimes contre la paix et la sécurité de l’humanité devant la cour constitutionnelle. Par cynisme, le législateur congolais a volontairement omis d’indiquer devant quelle juridiction un ex-Président ou Premier Ministre devrait répondre des infractions commises durant ses fonctions (cfr Jurisprudence Matata Ponyo avec la Cour Constitutionnelle).

Tant que la Cour des Comptes restera inopérante et qu’il n’y aura pas un parquet financier, l’ Inspection Générale des Finances, qui n’a pas de compétence répressive, verra la plupart de ses dossiers finir dans les corbeilles des magistrats véreux,

Tant qu’aucune loi ne garantira la protection des lanceurs d’alerte, et que ces derniers seront jetés en pâture à une justice inique et une opinion hostile qui les considère comme des vulgaires traîtres, plusieurs secrets de corruption et de détournements des deniers publics resteront enfouis par crainte de représailles. Tout le monde n’a pas la bravoure d’un Jean-Jacques Lumumba.

Tant que la cellule nationale des renseignements financiers (CENAREF) sera dépourvue des moyens d’actions pour bien mener ses missions, le secteur bancaire congolais restera un champ ouvert à toute forme de malversation financière.

Tant que la Banque Centrale du Congo restera ce gendarme édenté qui se contente des réprimandes superficielles, les saigneurs de la République resteront des seigneurs. Malheureusement, il y aura toujours leurs valets pour faire le sale boulot. C’est la République qui est victime. C’est le peuple qui est volé, mais c’est dans une partie de ce même peuple que les prédateurs puisent leurs soutiens, dénichent leurs complices, recrutent les supporters qui crient à leur gloire. Chaque peuple a les dirigeants qu’ils méritent. Que n’avons-nous pas fait ? Nini tosali te ?

Par Stéphane L Manzanza, banquier et militant anti corruption.

afrique.lalibre.be
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