Le tribunal militaire de garnison de Butembo-Lubero, dans la province du Nord-Kivu, a ouvert ce lundi 24 février 2025 les audiences foraines de flagrance contre une centaine de militaires des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC). Ces soldats, accusés de multiples infractions, dont assassinat, extorsion, viol, vol, pillage, fuite devant l'ennemi, perte d'armes et espionnage, sont jugés pour des actes qui ont semé la panique et la désolation dans plusieurs localités du territoire de Lubero.
Un procès à valeur pédagogique
Le lieutenant-colonel Mak Hazukay, porte-parole des opérations Sukola 1 Grand Nord, a expliqué que ce procès vise à servir d’exemple pour les autres militaires engagés dans les opérations de défense du territoire national. « Ces militaires qui ont fui le front ont commis des actes qui ont déshonoré l'armée congolaise. Ils sont une centaine, mais nous en avons présenté ici 67, car nous n'avons pas encore récupéré ceux qui se trouvent à Beni. Nous avons présenté ceux qui ont commis des exactions à Lubero, Musienene, Kimbulu et aux environs de Butembo », a-t-il déclaré.
Il a ajouté que ces soldats ont cherché à discréditer l’armée congolaise et à donner des arguments à l’ennemi, en l’occurrence les rebelles du M23, soutenus par le Rwanda. « C'est la raison des audiences foraines de flagrance : traiter les cas de ces militaires indisciplinés qui déshonorent la République. »
Des exactions qui ont semé la panique
Les faits reprochés à ces militaires se sont déroulés entre le 19 et le 21 février 2025. Un groupe de soldats, fuyant l’avancée des rebelles du M23 dans le sud du territoire de Lubero, a provoqué une panique générale en tirant des coups de feu dans plusieurs villages situés le long de la route Butembo-Goma. Ils se sont livrés à un pillage systématique, au vandalisme et à d’autres actes criminels, semant la terreur parmi les populations locales.
Des impacts de balles, des portes enfoncées à coups de feu, des villages vidés de leurs habitants… Les villageois, paniqués, ont cru à une prise de contrôle de leurs localités par les rebelles du M23. L’atmosphère reste tendue dans la région, les activités économiques sont paralysées, et les habitants, encore cachés, hésitent à regagner leurs foyers.
Les victimes réclament justice
Les victimes de ces exactions étaient nombreuses au bureau de la chefferie des Baswagha à Musienene, où se déroule le procès. Elles réclament justice et la restitution de leurs biens pillés par ces militaires. « Ce n’est pas honorable que des militaires censés nous protéger nous fassent subir de telles souffrances. Ils doivent être condamnés pour servir d’exemple à d’autres soldats indisciplinés », a déclaré Katembo Kahiri Augustin, l’une des victimes.
Muhindo Mahitania Jackson, chef de bureau de la Fédération des entreprises du Congo (FEC) à Lubero, a également témoigné des dégâts causés par ces militaires. « Les activités n’ont pas encore repris parce que les gens sont encore terrés chez eux. Les commerçants n’ont plus les moyens de rouvrir leurs boutiques, car elles ont été pillées. Plus de 36 commerces et plusieurs ménages ont été saccagés ici, au centre de Musienene. C’est pourquoi nous demandons aux autorités de traduire ces militaires en justice pour éviter que de tels actes ne se répètent. »
Contexte sécuritaire tendu
Ce procès intervient dans un contexte d’insécurité grandissante dans la région. Les affrontements entre les FARDC, les groupes d’autodéfense Wazalendo et les rebelles du M23 se poursuivent dans le sud du territoire de Lubero, se rapprochant dangereusement des villes de Butembo et de Beni. Bien que le M23 contrôle déjà la localité de Kipese, les forces congolaises et leurs alliés tentent de stopper leur avancée.
Conclusion
Le procès des militaires en fuite à Lubero est un pas important vers la restauration de la discipline au sein des FARDC et la reddition de comptes pour les exactions commises contre les populations civiles. Cependant, il souligne également les défis auxquels fait face l’armée congolaise dans un contexte de conflit complexe et de pression croissante des groupes armés. Pour les habitants de Lubero et des environs, ce procès représente un espoir de justice et de réparation, mais aussi un rappel des souffrances endurées dans une région en proie à l’instabilité et à la violence.