Sultani Makenga, un nom qui incarne les horreurs du conflit en République Démocratique du Congo (RDC), est le chef des rebelles du M23, un groupe qui a ravagé l’est du pays, en particulier la province du Nord-Kivu. Son parcours, marqué par des violences incessantes et des allégations de crimes de guerre, remonte à plusieurs décennies de conflits ethniques et géopolitiques.

Des origines modestes à la guerre

Né en 1973 dans la région de Masisi (Nord-Kivu), Sultani Makenga provient d'une famille tutsie. À 17 ans, il quitte ses études pour rejoindre le Front Patriotique Rwandais (FPR), un groupe rebelle tutsie luttant contre le régime hutu du Rwanda. L’objectif du FPR était d’obtenir une meilleure représentation pour les Tutsis et de permettre le retour des réfugiés tutsis.

La guerre du FPR s’intensifie pendant le génocide rwandais de 1994, où des centaines de milliers de Tutsis et de Hutus modérés sont tués. Makenga combat dans ce contexte tragique, jusqu'à la victoire du FPR qui renverse le gouvernement hutu. Après la chute du régime, Makenga intègre l'armée rwandaise, où il gravira les échelons malgré des difficultés dues à son éducation limitée et à sa difficulté à s’exprimer en public.

Les premières fractures avec la RDC

En 1997, Makenga fait partie des forces soutenues par le Rwanda qui renversent le dictateur Mobutu Sese Seko en RDC. Le Rwanda installe Laurent Kabila à la tête du pays, mais la relation entre le Rwanda et Kabila se dégrade rapidement. Kabila cherche à expulser les troupes rwandaises et, en retour, le Rwanda soutient des groupes rebelles tutsis, accusés d'influencer les événements internes en RDC.

Les tensions débouchent sur la Seconde Guerre du Congo en 1998, qui implique de nombreux pays africains. Makenga, après avoir été emprisonné sur l'île d'Iwawa, reprend du service dans les rangs des rebelles soutenus par le Rwanda.

Le M23 et l’escalade des violences

Makenga rejoint ensuite le M23, un groupe rebelle formé en 2012 par d'anciens membres du groupe armé du CNDP (Congrès National pour la Défense du Peuple), également soutenu par le Rwanda. Le M23 revendique la défense des droits des Tutsis en RDC et accuse le gouvernement congolais de ne pas avoir respecté l’accord de paix signé en 2009.

En novembre 2012, Makenga mène une offensive audacieuse qui aboutit à la prise de Goma, une grande ville stratégique de l’Est de la RDC. Ce soulèvement attire l’attention internationale, notamment l'accusation du Rwanda de soutenir activement le M23, ce que Kigali nie.

Crimes de guerre et sanctions internationales

L’ONU et plusieurs pays, dont les États-Unis, imputent à Makenga de graves accusations de crimes de guerre, notamment le recrutement d'enfants soldats, le meurtre, les viols et les mutilations de civils. En 2012, les États-Unis imposent des sanctions contre lui, gelant ses avoirs et interdisant tout contact avec lui.

En 2013, une scission interne du M23 entre Makenga et son rival Bosco Ntaganda, surnommé "Terminator", mène à une guerre de leadership. Ntaganda, accusé lui aussi de crimes de guerre, fuit vers le Rwanda, puis se livre à la Cour Pénale Internationale (CPI), où il est condamné à 30 ans de prison.

Exil et retour aux armes

Après la défaite du M23 en 2013, Makenga fuit en Ouganda où il vit en exil, malgré une demande d’extradition par la RDC. L'Ouganda refuse cette demande, mais, après huit années de relative tranquillité, Makenga refait surface en 2021, lorsqu'il reprend les armes et lance une nouvelle offensive dans le Nord-Kivu, toujours soutenu, selon des accusations, par le Rwanda.

Les violences du M23 entraînent de nouveau des massacres et des déplacements massifs de populations. La RDC et les Nations unies accusent encore une fois le Rwanda de soutenir ces rébellions, mais la situation reste floue.

Un homme de guerre, mais aussi père de famille

Malgré son parcours sanglant, Makenga insiste sur le fait qu’il se bat pour l’avenir de ses enfants. Lors d'une interview, il déclare : "Je suis prêt à tout sacrifier", soulignant qu’il ne se perçoit pas comme un ennemi de la paix, bien que ses actions aient prouvé le contraire. Il précise qu'il veut un avenir meilleur pour ses enfants et refuse de se laisser considérer comme un "homme qui ne veut pas la paix".

Cependant, les millions de victimes civiles de ce conflit payé en sang et en souffrance n'ont d'autre choix que de payer le prix de ses ambitions militaires.

Une fin incertaine

Makenga, malgré ses actions militaires et ses tentatives de maintenir une image de "combattant pour la paix", est un homme pour lequel la peine de mort pourrait l’attendre s’il est capturé par les autorités congolaises. Mais pour l'instant, il reste dans l'ombre, tandis que des milliers de soldats rwandais et des rebelles continuent d’opérer à ses côtés dans l'est du pays.

Sultani Makenga, l’homme dont la vie incarne à la fois la souffrance d’un peuple et les atrocités de la guerre, demeure une figure centrale et controversée du conflit en RDC, un conflit dont la fin semble aussi lointaine que jamais.

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