Félix Tshisekedi a ouvert la porte à des négociations avec le M23, un mouvement rebelle actif dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC). Les deux parties pourraient se rencontrer prochainement à Luanda, en Angola, sous médiation angolaise. Ce revirement marque un changement notable dans la posture du gouvernement congolais, qui avait jusqu'ici refusé tout dialogue avec ce groupe qualifié de "terroriste".
Un changement de ton significatif
Il y a quelques jours à peine, le ministère congolais de la Justice offrait une prime de 5 millions de dollars pour l'arrestation de Corneille Nangaa, Bertrand Bisimwa et Sultani Makenga, trois figures de proue du M23. Pourtant, quelques jours plus tard, un communiqué de la présidence angolaise annonçait que Félix Tshisekedi avait sollicité l'Angola pour faciliter des négociations directes avec le M23. Ce changement de cap soulève des questions sur la stratégie du président congolais.
Selon le communiqué, Tshisekedi a effectué une visite "brève" à Luanda pour demander aux autorités angolaises d'établir un contact avec le M23. L'objectif affiché est de parvenir à une paix durable dans l'est de la RDC, une région en proie à des conflits armés récurrents depuis des décennies.
Un aveu de faiblesse ?
Ce revirement est perçu par certains observateurs comme un aveu de faiblesse. En effet, Tshisekedi avait jusqu'ici fermement rejeté toute négociation avec le M23, qualifiant ses membres de "terroristes" ou de "fantoches". Cette volte-face intervient après une série de déclarations fermes et de mesures répressives, notamment la mise à prix des leaders du mouvement.
Du côté du M23, la réaction est prudente. Oscar Bahinda, porte-parole adjoint du mouvement, a déclaré : "Nous avons vu le communiqué comme vous. Maintenant, nous attendons l'invitation." Il rappelle également que cette initiative de dialogue émane cette fois de Tshisekedi, et non du M23. Bahinda souligne que son groupe a déjà participé à des négociations par le passé, notamment en 2009 et 2013, mais que ces accords n'ont jamais résolu les problèmes de fond.
Un contexte différent
Bob Kabamba, politologue à l'Université de Liège et spécialiste de la région, explique que le contexte actuel diffère des précédentes tentatives de négociation. "Aujourd'hui, le M23 contrôle une superficie considérable, avec plus de 50 000 km² et une population de plus de 10 millions d'habitants. Le rapport de force a changé", affirme-t-il.
Les observateurs soulignent également les difficultés militaires rencontrées par le gouvernement congolais. Malgré les efforts déployés, les troupes gouvernementales n'ont pas réussi à contenir l'avancée du M23, qui menace désormais des régions stratégiques comme Kisangani et le Katanga. Par ailleurs, le soutien militaire du Burundi, allié traditionnel de Kinshasa, s'est essoufflé, affaiblissant davantage la position du gouvernement.
Les enjeux des négociations
Pour Kabamba, la précipitation de Tshisekedi à engager des pourparlers s'explique par la crainte de voir le M23 renforcer encore son emprise territoriale. "Il veut éviter de se retrouver à la table des négociations face à un adversaire trop puissant", analyse-t-il.
Cependant, les négociations s'annoncent complexes. Le M23 pourrait exiger des concessions majeures, telles que la levée des condamnations à mort visant ses cadres, l'abandon des primes offertes pour leur capture, et l'annulation de la résolution parlementaire interdisant tout dialogue avec les rebelles. Ces demandes risquent de susciter des tensions au sein de la majorité présidentielle, traditionnellement hostile à toute forme de compromis avec les groupes armés.
Une paix fragile en perspective
Si les négociations aboutissent, elles pourraient marquer un tournant dans le conflit qui déchire l'est de la RDC. Toutefois, l'histoire récente montre que les accords signés avec le M23 n'ont jamais résolu les problèmes structurels à l'origine des conflits. La question reste donc ouverte : ce nouveau dialogue sera-t-il une simple trêve ou une réelle opportunité pour une paix durable ?
En attendant, Félix Tshisekedi se retrouve dans une position délicate, tiraillé entre la nécessité de négocier et la pression politique interne. Son approche, bien que perçue par certains comme un signe de faiblesse, pourrait aussi être interprétée comme une tentative pragmatique de stabiliser une région en proie à l'instabilité depuis trop longtemps.