La décision du président rwandais, Paul Kagame, d’interdire toute aide belge au Rwanda a fait grand bruit. Pourtant, loin d’ébranler Bruxelles, cette mesure semble surtout pénaliser les Rwandais eux-mêmes, des plus modestes aux élites. Derrière cette colère se cachent des tensions plus profondes : l’échec du M23 en RDC, les sanctions internationales contre Kigali, et le refroidissement des relations avec les alliés occidentaux.
1. Une décision qui frappe d’abord les Rwandais
Fin des projets de développement : La coopération belge soutenait des initiatives sociales (aide aux veuves du génocide, enfants vulnérables, zones rurales), souvent portées par des organisations catholiques.
Fermeture de l’école belge de Kigali : Un coup dur pour les familles aisées qui y scolarisaient leurs enfants (minerval : 2.500-3.000 $/trimestre), avec l’espoir d’accéder aux universités francophones.
Bénéfice indirect pour Green Hills : L’école anglophone, soutenue par la Première dame Jaynet Kagame et l’élite proche du pouvoir, pourrait profiter de cette fermeture.
2. Kagame, un président isolé et en colère
Lors des commémorations du génocide, Kagame a apparu plus seul que jamais, ses alliés occidentaux (États-Unis, UE, Royaume-Uni) ayant pris leurs distances. Sa réaction ? Une violente diatribe contre la Belgique, qu’il accuse de tous ses déboires :
Sanctions européennes : Bruxelles a soutenu les rapports de l’ONU prouvant le soutien rwandais au M23.
Tensions avec le Royaume-Uni : Londres a suspendu son accord migratoire (60 millions $ non versés).
Diplomatie tendue : Refus belge d’accréditer l’ambassadeur rwandais Vincent Karega.
3. La guerre en RDC, source majeure de tensions
Kagame reproche à la Belgique son soutien à Kinshasa :
Experts belges accusés : Leurs rapports ont documenté l’implication rwandaise aux côtés du M23.
Instructeurs militaires belges en RDC : Présents à Kindu, ils formeraient les FARDC et utiliseraient des drones contre le M23, contribuant à ses revers militaires.
Soutien à Tshisekedi : La diaspora congolaise en Belgique (notamment kasaïenne) influence les décisions politiques, et Bruxelles entretient des liens étroits avec le président congolais.
4. Le M23 dans l’impasse
Malgré le soutien rwandais, le M23 peine à s’imposer politiquement :
Mauvaise image : Exactions contre les civils, enlèvements, brutalité… même les Tutsis congolais historiques (comme Azarias Ruberwa) prennent leurs distances.
Échec stratégique : Les avancées militaires ne se traduisent pas par un soutien populaire.
Kagame cherche un bouc émissaire : En accusant la Belgique, il tente de masquer les échecs de sa propre stratégie régionale.
Conclusion : Une colère qui cache des faiblesses
Si Kagame croit punir la Belgique, ses sanctions touchent avant tout son propre peuple. Derrière cette crise se profile un isolement croissant du Rwanda, fragilisé par ses échecs en RDC et le retrait de ses alliés traditionnels. La Belgique, elle, semble peu affectée… et continue de regarder Kagame "d’en bas", comme l’écrit Colette Braeckman.