L’on est bien en droit de se le demander, après les propos très durs tenus par le chef de l’Etat congolais, Joseph Kabila, à l’endroit des membres du corps diplomatique accrédités dans notre pays, dans leurs relations avec l’Opposition ainsi que les sensibilités de la Société civile qui lui sont proches. Les observateurs pensent qu’au-delà d’observations qui paraissaient avoir un caractère général, la personne directement visée n’était autre que Martin Köbler, Représentant Spécial du Secrétaire Général de l’On et patron de la Monusco (Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la Stabilisation du Congo).






C’est ce responsable onusien, croit-on, qui a initié, depuis plusieurs semaines, une série de concertations entre son institution, la CENI (Commission Electorale Nationale Indépendante), la Majorité Présidentielle, l’Opposition (toutes tendances confondues) et la Société Civile (toutes sensibilités confondues). Ces échanges, dont le dernier rendez-vous a eu pour la cadre, la résidence de Martin Köbler, le vendredi 30 mai 2014, a-t-on appris, s’inscrivaient dans le cadre de la Résolution 2098 de l’Accord-Cadre d’Addis-Abeba prônent le dialogue politique entre tous les segments de la société congolaise.

L’objectif visé, laisse-t-on entendre, était de dégager un large consensus autour des questions politiques, sécuritaires, sociales et autres qui divisent les Congolais, de manière à créer un environnement de paix et de confiance mutuelle à travers le pays. Jusque-là, aucun incident n’était signalé. En effet, en dépit de leurs divergences politiques et idéologiques, des délégués des partis tels que le PPRD, l’UDPS, l’UNC, le MLC et autres étaient engagés dans des débats d’idées apaisés, qui semblaient balayer plusieurs préjugés sur leur chemin.

Mais, la sortie médiatique du Chef de l’Etat face aux ambassadeurs et chefs des missions diplomatiques, donne à croire que la démarche de la Monusco n’était pas du tout appréciée par les autorités congolaises. Dans l’entendement de Kinshasa, elle s’apparentait à une remise en cause des Concertations Nationales, censées avoir vidé les divergences entre filles et fils du Congo sur les plans politique, sécuritaire, économique, social et culturel. Ce forum, selon l’entendement du Chef de l’Etat, avait balisé en son temps la voie de la cohésion nationale, à concrétiser par la mise en place d’un gouvernement ad hoc. Par conséquent, les résultats obtenus à cette occasion devraient permettre aux Congolais d’aller de l’avant.

Tirs groupés contre le CIAT

Mais, au-delà de Köbler, Joseph Kabila s’est livré à des tirs groupés contre les pays occidentaux, notamment la fameuse Troïka Belgique-France-Grande Bretagne, à laquelle il a ajouté les USA, le Canada. L’évocation du CIAT (Comité International d’Accompagnement de la Transition), qui avait mis la RDC sous tutelle entre 2003 et 2006, a été faite sous la forme d’un sévère avertissement aux ambassadeurs et chefs des missions diplomatiques tentés de s’ingérer dans les affaires intérieures congolaises.

Kinshasa croit s’être émancipé de toute tutelle étrangère, après avoir bouclé sa période de transition par des élections en 2006. L’autre message adressé aux partenaires de la RDC est qu’ils sachent faire le distinguo entre les vrais opposants en exil et les « criminels », que plusieurs gouvernements occidentaux caresseraient dans le sens des poils, pour des raisons que l’on ne s’explique pas à Kinshasa. Ici, Kabila est allé jusqu’à demander aux partenaires de Kinshasa de choisir de coopérer, soit avec les autorités légales, soit avec les marginaux, mais pas les deux à la fois.

Retour aux années Mobutu ?

L’intervention musclée de Joseph Kabila devant les représentants des Etats et organisations internationales partenaires de la RDC pousse de nombreux analystes politiques à se demander si notre pays n’a pas effectué un retour aux années Mobutu. On se rappelle que dans les années’90, après la vague de la démocratisation, marquée par des « Conférences nationales » dans plusieurs Etats d’Afrique et surtout l’affaire « Lititi mboka » (Massacre des étudiants de l’Université de Lubumbashi en 1990), les relations entre l’ex-Zaire et l’Occident s’étaient terriblement gâtées.

A l’époque, le maréchal Mobutu ne cessait de demander à certaines puissances occidentales, enclines à parrainer plusieurs partis et leaders de l’Opposition, régulièrement reçues dans leurs ambassades à Kinshasa et invitées dans leurs capitales, à cesser se mêler des affaires internes de son pays. De son point de vue, les ex-Zaïrois étaient suffisants grands et sages pour laver leurs linges sales en famille.

La RDCongo de 2014 serait-elle prête à soutenir un bras de fer contre la communauté internationale, très impliquée dans ses dossiers politiques, sécuritaires, économiques et sociaux depuis le Dialogue intercongolais et les élections de 2006 ? Comment interdire un droit de regard à ceux qui assistent militairement le pays afin qu’elle retrouve une paix durable… qui financent les processus électoraux depuis 2006…qui ont effacé une grande partie de sa dette extérieure…qui auditent ses finances publiques à intervalles réguliers pour l’aider à cheminer vers l’émergence… qui financent des projets sociaux et humanitaires sans nombre ?

Lorsque l’on pense aux pourparlers de Kampala, à l’Accord-cadre d’Addis-Abeba, aux différents programmes avec le FMI et la Banque Mondiale, à la présence de la Monusco et de la Brigade Internationale à l’Est du pays…dont le maître d’œuvre se trouve être la communauté internationale, l’on s’interroge sur les réponses que cette dernière pourrait réserver à la mise en garde de Kinshasa. L’appel de Kabila à la réserve et à la retenue va-t-il être observé par les diplomates accrédités à Kinshasa ? Les gouvernements occidentaux vont-ils adopter des mesures de fermeté contre les « Bana Congo » très actifs en Europe et au pays de l’Oncle Sam ?
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