En intégrant le monde politique, l'homme ou la femme cherche à exercer à tout prix une fonction
étatique qui peut alors être gouvernementale ou parlementaire. Ainsi, pour y arriver, il (elle) est
généralement contraint (e) à intégrer une formation politique appelée communément, parti
politique.
Un parti politique est un groupe de personnes qui partage les mêmes intérêts, les mêmes
opinions, les mêmes idées et ayant pour objectif de se faire élire, d'exercer le pouvoir et de
mettre en œuvre un projet politique ou un programme commun. C'est donc, une organisation
au service d'une idée. Un parti politique remplit plusieurs caractéristiques dont celle de la
durabilité. Pour Joseph la Palombara et Myron Weiner, un parti politique est une organisation
durable c’est-à-dire une organisation dont l’espérance de vie politique est supérieure à celle de
ses dirigeants. Ceci renvoie à l’idée selon laquelle, un parti politique doit présenter une durée
de vie qui dépasse celle de ses pères fondateurs.
En Europe et aux États-Unis d'Amérique, beaucoup de partis politiques remplissent cette
caractéristique de la durabilité. Le parti démocrate américain fut créé par Thomas Jefferson en
1798 et aujourd'hui en 2015, il totalise près de 217 ans d'existence. Le Parti socialiste français
a été fondé en 1905 sous l'impulsion de Jean Jaurès et à ce jour, il a 110 ans d'existence. Ici,
nous avons des exemples concrets des partis politiques qui ont réussi à exister au-delà de leurs
pères fondateurs.
Cependant, lorsqu’on vient en Afrique et plus particulièrement en République Démocratique
du Congo, il s’avère que la durabilité des partis politiques reste très problématique. A l’analyse
du fonctionnement de ces partis politiques congolais, le constat à relever est que, la majorité
d’eux qui ont existé et qui les sont actuellement sur la scène politique congolaise ne présentent
pas une certaine durabilité par rapport à leurs pères fondateurs. A titre d'exemples, le
Mouvement Nationaliste Congolais (MNC) de Patrice Émeri Lumumba, un parti pourtant très
populaire à travers toute la République vers les années 1960, n'a pas pu continuer à exister après
la mort de son père fondateur bien qu’on assiste à une prolifération des formations politiques
qui se déclarent d’obédience lumumbiste. Le Mouvement Populaire pour la Révolution (MPR)
qui fut créé le 20 mai 1967 par l'ancien président Mobutu, malgré son potentiel en ressources
humaines et financières, n'a pas existé après la chute du régime de ce dernier. L'Union pour la
démocratie et le progrès social (UDPS) créé en 1982 par Étienne Tshisekedi et ses compagnons,
ne remplit pas non plus cette caractéristique de la durabilité d'un parti politique et les
observateurs aguerris de la politique congolaise se posent sans doute la question à priori de
savoir si cette formation politique pourra survivre sans Etienne Tshisekedi ou après la
disparition de celui-ci. Le débat de succession qui agite ce parti politique pousse à formuler
l’hypothèse selon laquelle, la dislocation probable de l’UPDS après Etienne Tshisekedi aura
pour cause le clivage entre la famille biologique de ce dernier et les cadres de ce parti, ceux-là,
qui ont consacré toute leur vie à l’UDPS. La même situation peut être observée au Parti
Lumumbiste Unifié(PALU) qui est confronté depuis plus de 2 ans à une guerre de succession
entre ses principaux cadres. Tous les ingrédients montrent qu'il sera extrêmement difficile pour
ce parti de pouvoir exister véritablement après la mort d'Antoine Gizenga.
Par ailleurs, depuis les années 2000, nous avons assisté à une multiplication du nombre des
partis politiques en République Démocratique du Congo. Il y a plus de 400 partis politiques
agréés par le ministère de l'intérieur. Selon la Commission Africaine pour la Supervision des
Elections (Case), seuls quatre partis (MLC, PPRD, UDPS ET L' UNC) sur 477 ont une certaine
représentativité sur l'étendue de toute la République. S'il est tôt de parler de la durabilité de ces
partis du fait qu'ils ont été créés en grande partie vers les années 2000 à l’exception de l’UDPS,
néanmoins, une analyse anticipative sur leur durabilité nous paraît intéressante et d’ailleurs, la
question est de savoir si ces partis : le PPRD, le MLC ou l’UNC pourront survivre sans leurs
pères fondateurs. Sur base de la gestion actuelle de ces partis, une réflexion anticipative qui doit
être infirmée ou affirmée avec le temps, apparaît importante.
Le Parti du Peuple pour Reconstruction et la Démocratie (PPRD) qui est actuellement
majoritaire selon les résultats des dernières élections, risquerait d’avoir beaucoup du mal à
exister pendant longtemps. Cette conclusion découle de la gestion du parti qui est faite autour
du président de la République, Joseph Kabila qui est son père géniteur. Celui-ci apparait comme
un sapeur-pompier pour un parti qui réunit moins de membres autour d’une idéologie que plus
de membres autour des intérêts divers. La pléthore des cadres hétéroclites posera sans soute
avec le temps le problème de la gestion des ambitions de chacun à l’absence du président Joseph
Kabila. Ceci mettra en danger la durabilité de ce parti. Il est possible qu’on puisse assister
exactement au phénomène MPR.
L'exemple du Mouvement pour la Libération du Congo (MLC) semble plus intéressant, ce parti
qui fut classé deuxième force politique du pays après les élections de 2006, prouve d’énormes
difficultés pour assurer sa durabilité vu l’emprisonnement de son président, Jean Pierre Bemba.
On revient encore à la problématique de la gestion du parti autour d’un individu. La survie du
MLC dépendait ou dépend de son fondateur, Jean Pierre Bamba, à son absence, ce parti a fait
face à des dissensions internes avec un dépouillement sans précèdent de ses cadres et
aujourd’hui, la question de sa survie se pose si jamais son leader n'est pas libéré.
A l’Union pour la Nation Congolaise (UNC), à l’analyse de la gestion du parti et du discours
de son président Vital Kamerhe, il s’avère que les bases fondamentales pour une durabilité de
ce parti sont posées. Sa gestion est fondée moins en moins sur son président et lorsqu’on pose
la question à ceux-là qui sont membres de ce parti, beaucoup disent que : « c’est la conviction
idéologique du parti qui les motivent et non son président ou la poursuite des intérêts
particuliers ». Mais, si l’UNC remet en cause sa gestion actuelle, elle risquerait de se retrouver
également face à ce problème de la durabilité.
Au regard de cette petite réflexion, il se constate que les partis politiques congolais ne
remplissent pas généralement la caractéristique de la durabilité. Cette situation trouve son
explication dans leur gestion qui est faite autour de leurs pères fondateurs. Les partis politiques
congolais ne deviennent plus des associations d’idées ou d’ambitions communes autour d’un
projet mais plutôt, des associations autour des ambitions d’une seule personne qui dicte la ligne
politique du parti, nomme sans passer par un primaire interne et qui est pour finir président à
vie du parti. La conséquence directe de cette situation est qu’à l’absence de ces pères fondateurs,
ces partis congolais ne seront pas à mesurer de présenter une longue espérance de vie politique.
Il est alors important pour ces formations politiques de baser leur gestion sur un effort commun
avec l’instauration des préceptes démocratiques afin d’éviter la monopolisation de leur
fonctionnement qui a un effet direct sur leur durabilité.
Hervé Kiana Nsiabar
Licencié en relations internationales à l’UNIKIN/RDC
Diplômé en master en sciences politiques à l’Université de Liège/Belgique
Diplômé en administration publique à l’Université de Liège/Belgique
Chercheur et aspirant en sciences politiques
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