Plus que jamais, le découpage territorial a pris forme. Les anciennes provinces ont été découpées pour donner naissance à de nouvelles entités politico-administratives. Déjà, les commissions d’installation de ces provinces ont pris la mesure exacte de la situation qui prévaut sur le terrain, c’est-à-dire les anciens districts qui viennent de se muer en provinces. Cependant, le choix de nouveaux animateurs risque de donner lieur à des empoignades, tant ceux qui avaient déjà dirigé les anciennes provinces ou occupé de hautes fonctions au niveau national ont tendance à vouloir revenir à tout prix au pouvoir. Ce que les jeunes cadres refusent catégoriquement. En confirmant récemment que l’installation de nouvelles provinces sera effective dans les meilleurs délais, le vice-Premier ministre de l’intérieur et sécurité, Evariste Boshab ne s’est pas rendu compte du fait qu’il a donné le coup d’envoi de la lutte pour le pouvoir dans les organes dirigeants de ces nouvelles entités. Les députés provinciaux qui vont regagner leurs fiefs électoraux respectifs, tiennent eux aussi à avoir une place au sein de nouvelles institutions. Ils vont donc tenir tête aux anciens dirigeants de province qui cherchent par des manœuvres dilatoires à reprendre le pouvoir au niveau de ces entités. L’on risque par conséquent d’assister dans les prochains mois à des empoignades entre les anciens et les jeunes acteurs politiques. C’est ici justement que le chef de l’Etat est appelé à faire montre de prudence pour que le découpage territorial ne donne pas lieu à des situations difficiles à gérer demain.
Des électrons libres Pour cela, la Majorité présidentielle qui a regroupé un grand nombre de partis soutenant Joseph Kabila, doit éviter d’imposer des candidats comme si l’on était encore au début du quinquennat qui s’achève. Elle doit au contraire laisser les aspirations des un et des autres s’exprimer librement à travers le choix sans pression de nouveaux dirigeants de provinces. Elle doit savoir que les députés provinciaux qui arrivent au terme de leur mandat, ne respecteront pas du tout les diktats venant de Kinshasa.
La plupart d’entre eux savent que la population ne les supporte plus et qu’il leur sera difficile de briguer un autre mandat. C’est ainsi que beaucoup d’entre eux ont déjà quitté les partis où ils étaient élus. Dans le même ordre d’idées, l’on devrait se rappeler l’échec cuisant enregistré à Matadi et Kisangani par les candidats présentés par la Majorité présidentielle lors de l’élection de gouverneurs Mbadu et Bamanisa. Néanmoins, il importe de les associer dans le choix de gouverneurs pour ne pas leur donner l’impression de les humilier. Il en est de même de la population qui n’est pas distraite, comme on peut le penser mais qui tient elle aussi à donner son point de vue sur les futurs gouverneurs. Bien plus, les nouvelles provinces doivent être reconstruites. Pourtant, la précipitation avec laquelle elles voient le jour risque de poser sur le terrain de sérieux problèmes au cas où elles sont dirigées par de mauvais animateurs. Le risque d’implosion plane à l’horizon si les dirigeants sont imposés à partir de Kinshasa, sans tenir compte des aspirations du peuple. L’on devrait ainsi éviter la donne partisane qui peut dénaturer la réalité sur le terrain, mais laisser la population en face des gouverneurs entendus, acceptés. En d’autres termes, la Majorité présidentielle est appelée à privilégier les intérêts prioritaires du peuple en lieu et place des intérêts partisans. Il est souhaitable que le pouvoir central trouve un consensus avec les députés provinciaux et que les attentes populaires soient prises en compte. La grosse erreur sera de faire revenir sur les mêmes personnes à la tête des institutions provinciales. Ces personnes qui n’ont pas le sens de l’honneur doivent être mises de côté au profit d’autres cadres qui ont un profil idéal de bons dirigeants. Des cadres qui veulent investir leurs énergies dans le travail de développement de leurs entités respectives. Par ailleurs, l’équilibre communautaire doit être pris en compte. D’autant que certaines communautés sont trop représentées à l’échelon national et provincial tandis que d’autres, en dépit de leur grand nombre, sont toujours marginalisées. Or, le succès de la réforme actuelle est la paix qui doit régner dans les nouvelles provinces. L’avenir de ces nouvelles provinces en dépend.
Par Roger Makangila