Cette lecture critique sur l’Union pour la démocratie et progrès social (UDPS) de la République démocratique du Congo (RDC) n’est point une remise en cause de la bravoure des pères fondateurs de ce grand parti des masses, fleuron de la lutte contre l’obscurantisme politique des peuples établis dans ces contrées de la cuvette centrale et ses alentours dans cet espace vital à l’humanité entière appelé Congo.

Leur bravoure, leur abnégation et leur détermination marqueront à jamais la marche de ce peuple glorieux vers la démocratie et le progrès social. 1987 est une année capitale dans le combat que mène l’UDPS depuis sa création en février 1982.

En cette année, le collège des fondateurs du parti, c’est-à-dire la direction politique avait pris la grave décision de renoncer à la lutte contre le régime de Mobutu. En compagnie de M. Etienne Tshisekedi, ils ont décidé de dialoguer avec Mobutu.

La résultante de ce dialogue a été la signature des fameux accords de Gbadolite qui les intégraient dans le Comité central du Mouvement populaire de la révolution (MPR).

M. Tshipamba Mpuila commentant sur ces accords a écrit ceci sur le blog de l’UDPS BENELUX : « La Direction politique de l’UDPS s’était discréditée et disqualifiée par la signature des Accords de Gbadolite. Etienne Tshisekedi avait déclaré qu’il abandonnait la politique. La Base du Parti était abandonnée, déboussolée, désemparée. Certains Hauts Cadres sûrs et déterminés demandèrent à la Base et à tout le Parti de se prendre en charge, ils prirent leur responsabilité en mettant en place, à Kinshasa, la DPR (Direction Politique Rénovée) du Parti et sauvèrent le Parti ».

Cette démarche aboutira à la désignation du professeur Marcel Lihau Ebua en tant que Président de l’UDPS.

Importance capitale de l’UDPS dans le devenir politique de la RDC

J’écrivais un jour que l’élection présidentielle de 2016 en RDC se jouera entre l’UDPS et le PPRD. J’ajoute ici une nuance : la seule personne capable en ce jour de bouleverser cet ordre est M. Moïse Katumbi s’il quittait le PPRD pour créer d’urgence-ou adhérer dans-un nouveau parti politique.

En politique, je disais encore qu’il n’y a pas de génération spontanée ou du moins elle est très rare et souvent imprévisible. Il y a des leaders des partis politiques présidentiables, comme on dit à l’instar de Vital Kamhere, Martin Fayulu et le professeur Mbuyambu Matungulu.

Le facteur financier limitera encore leur ambition à assoir leur popularité au niveau national. If faut des très gros moyens pour assoir un parti politique. Ils sont bien capables de tisser des alliances à l’exemple de l’ANC mais les politiciens congolais ne sont vraiment pas encore experts des pareilles démarches politiques.

Dans tous les cas de figures, ces alliances n’engendreront pas d’ensembles viables dans la conquête du pouvoir suprême, à moins qu’elles englobent l’UDPS ou l’UDPS « rénovée », le PPRD, ou Moïse Katumbi hors PPRD.

L’UDPS demeure une force de première importance dans le devenir politique de la RDC même avec Félix Tshisekedi débarrassé des autres « caciques » de son parti comme il a déjà presque réussi à le faire.

La maturité politique limitée de l’ensemble du peuple congolais est un obstacle au discernement du « déviationnisme idéologique » qui caractérise l’UDPS aujourd’hui.

Pour la grande majorité de ce peuple, seul l’UDPS incarne encore le vrai «changement » en RDC et, pour beaucoup, le mieux placé pour la marche vers la « terre promise » est encore le Moïse Etienne Tshisekedi wa Mulumba, le sphinx, sinon le jeune sphinx Félix comme lu dans un pamphlet de l’UDPS- Kinshasa.

L’histoire africaine récente a démontré l’avantage des liens généalogiques dans l’ascension vers le pouvoir. Ce sont les Kenyatta, les Bongo, les Eyadema … de pères aux fils ou presque. On vu cela aussi dans des pays dont la démocratie faisait les premiers pas : les Gandhi, les Duvalier, etc.

Il est au moins un fait : l’UDPS sous Félix sera un parti politique amoindri, incapable de conquérir le pouvoir à moins d’entrer en coalition presque qu’impossible avec d’autres poids lourd de la politique congolaise. Seulement, elle demeure encore une force de très grande importance dans la politique congolaise.

Toute autre faction UDPS jouera le second rôle par défaut d’un leader rassembleur. Celui qui arrivera à s’imposer comme chef et coalisera les ambitions des uns et des autres.

Nos pays sont encore loin de temps où les idées et idéologies sont au dessus des personnes. On peut s’élever par ces idées mais cela demande du temps, une grande organisation, l’utilisation des grands mass-médias et surtout une mobilisation tout azimut sur le terrain, dans les villages, villes et localités.

Le message UDPS a été véhiculé pendant des années et cela a été facilité par le niveau de précarité et de la crise sociale et économique accrue d’années 1980- 1990. A cette époque, les forces acquises au changement, dont je fus membre, avait réussi avec le moteur UDPS à paralyser par plusieurs actes de résistance pacifique le fonctionnement de l’appareil de l’Etat : villes mortes, sabotages de billets de banques(Mukumbusu), grèves, manifestations estudiantines, etc.

La pression était constante face au pouvoir de Mobutu. Le contexte est très différent aujourd’hui.

Les cinq racines principales de la décadence de l’UDPS

1.La maladie du président Tshisekedi. Beaucoup de cadres pas longtemps très proches de M. Etienne Tshisekedi doutent de la bonne cognition de leur président par rapport à plusieurs décisions prises par la direction de leur parti.

En ma qualité de docteur en médecine, je suis presque convaincu que M. Tshisekedi avait été victime d’un accident vasculaire cérébral qui l’avait rendu dysphasique un moment, comme on dit, mais dont il récupère petit à petit. C’est vrai que l’AVC peut entraver le jugement, mais pour lui, je suis persuadé qu’il soit bien lucide mentalement. J’ai revu plusieurs de ses images vidéo récentes. Ses postures, ces gestes, son élocution avec des balbutiements surtout lors de la présentation de vœux de 2015 me pousse aussi à croire à l’assertion que, très âgé et malade, le leader de l’UDPS, ce vrai héros du combat pour le salut publique, comme un lion qui aurait combattu plus de la moitié de sa vie, ne dispose plus d’énergie physique suffisante pour combattre un ennemi resté élusif.

2.Le vers dans la pomme. La création de l’UDPS a établi les prémices de la décadence actuelle. Dans le livre écrit par Jean-Claude Mbwankiem intitulé «Vincent- Robert Mbwankiem, le paradigme politique » dans les pages 98-99 sur Google book, il est écrit – parlant de la création de l’UDPS -:

« Il est important de relever ici la bravoure des épouses des fondateurs, par leur rôle combien louable aux cotes de leurs maris au cours de cette période de lutte. Elles tenaient en bon capitaine de bord les ménages pendant les absences prolongées de leurs maris, maitres des lieux ; même en prisons, les épouses prenaient soins d’eux, et relégués au village, elles le suivaient. (…). En conséquence, elles ont été intégrées au parti comme fondatrices, à titre de récompense pour les hauts faits politiques et les enfants, dont les études étaient perturbées à cause des privations de différents ordres, étaient admis comme co-fondateurs dans la genèse de l’existence de ce parti ».

Vous avez surement déjà entendu cette argumentation quelque part. Ce livre n’a été publié qu’en 2014. Si ceci est vrai, en élevant au rang de co-fondateurs de leur parti leurs femmes et enfants un peu à l’instar du groupe de Binza et les Compagnons de la Révolution, les pères fondateurs de l’UDPS ont fait de ce parti d’abord une affaire familiale, une entreprise politique familiale avait conclut un ami.

Ils devraient donc prévoir qu’un jour, ils pourraient tirer profit de cet investissement périlleux. Alors pourquoi ne pas le réserver comme héritage à leur progéniture ?

Dans toute cette logique, ne nous étonnons pas que Maman Marthe croie jouir des prérogatives de co-fondatrice et ait un mot à dire sur le devenir de l’UDPS, et que Félix Tshisekedi dans le même élan se saisisse de l’héritage paternel. « Un trésor est caché dedans, un peu de courage vous le fera trouver. », parole de sage.

3.Les retombés du congrès du 10 au 14 décembre 2010. J’ai déjà écrit avec plus de détails sur l’impact qui, plus tard ,s’est avéré négatif sur le changement dans les structures de l’organisation de l’UDPS dans mon article ci-présent « Congo-Kinshasa: UDPS – Réinventer l’avenir du parti ».

4.Les erreurs des élections de 2011. A ce jour malgré tous les bruits que nous faisons tous sur la victoire de Tshisekedi face à Joseph Kabila, personne n’en a déjà publié les preuves matérielles.

La seule « preuve » dont on s’est toujours accroché est constituée des phrases de Monseigneur Laurent Monsengwo qui d’ailleurs peuvent aussi être interprétées en ces termes : C’est vrai que « les résultats ne sont pas conformes à la vérité » mais cela n’altère pas nécessairement l’ordre des candidats. C’est la conclusion des Occidentaux tel que publiée par leurs agences de politique extérieure.

Pourquoi l’UDPS ne se réfère qu’aux témoins de l’Eglise catholique dans les bureaux de vote? C’est parce que le parti ne disposait pas de ses propres en nombre suffisant. Pourquoi l’UDPS n’en disposait pas assez ? C’est simplement à cause de l’impréparation et du défaut d’expertise dans le management de la chose politique dont l’UDPS se caractérise depuis sa création en 1982.

L’indécision, les mauvais calculs et un manquement dans les capacités d’évaluation sérieuse des forces politiques en présences au pays et à l’étranger ont souvent constitué le lot de la direction du parti.

C’est un constat que nous avons fait déjà dans l’Union Sacrée de l’opposition radicale (USORAL) et qui nous avait alors poussés à la participation pour créer les Forces Novatrices de l’Union Sacrée, FONUS. J’avais eu l’opportunité de discuter de tout ceci, en tête à tête avec le professeur Félix Mvuemba Tanda, alors conseiller principal d’Etienne Tshisekedi, élu Premier ministre à la Conférence Nationale Souveraine (CNS) en 1992.

5.Le chaos actuel dans la direction et l’idéologie du parti. Lorsque la direction politique foule aux pieds les textes qui régissent le parti et embrasse le dialogue avec celui qu’elle a toujours qualifié « d’imposteur », la résultante est une dénaturation claire de l’idéologie de combat de l’UDPS vers le changement radical de la manière dont le pays est gouverné.

Ceci a occasionné une fronde de plus en plus grande du peuple et provoque l’aliénation d’une grande partie de la classe politique et intellectuelle du pays dite acquise au changement. Ce fait éloigne de plus en plus le parti des aspirations de beaucoup.

Les alertes rouges méconnues

Le futur de l’UDPS a déjà fait l’objet d’analyse et de projections de certaines agences intéressées à situation politique de la RDC dont la notre, Kamoto Centre.

Les Américains par exemple, aux travers de leur ambassade à Kinshasa et leurs représentants dont M. Roger Meece, ont élaboré des messages confidentiels dits câbles à l’intention du Département d’Etat de leur pays.

Ces câbles que certains n’ont pas encore lus contiennent des alertes rouges sur le devenir de l’UDPS. Dans un de ces documents publiés par Wikileaks et disponibles sur Internet et faisant allusion à Etienne Tshisekedi en 2004, il est dit ceci (notre traduction de l’anglais) :

« Le secrétaire général de l’UDPS Rémy Masamba a déclaré à Polff (Political Officer américain) le 31 mai que Tshisekedi est de plus en plus dans un mauvais état de santé. M. Masamba ajoute que Tshisekedi a des difficultés à marcher en partie parce que sa vision s’est détériorée de manière significative. Ceci rend difficile le maintien de son équilibre. Masamba a spéculé ouvertement sur la capacité mentale du leader de l’UDPS, ajoutant que celle-ci, sérieusement diminuée, ajoutait à ces maux physiques ».(Note : les rumeurs concernant l’acuité mentale de Tshisekedi ont été en circulation depuis un certain temps).

« Tshisekedi selon Masamba, a été ordonné par son médecin à maintenir le strict repos, de s’abstenir d’apparitions publiques et politiques et à recevoir des visiteurs. M. Masamba dit que les médecins avaient conseillé à Tshisekedi d’éviter tout stress supplémentaire qui aurait un impact négatif sur sa santé ».

D’aucun croiraient que M. Masamba, qui à cette époque nourrissait l’ambition de devenir leader de l’UDPS, ait exagéré certains faits dans un lobbying pour plaider sa cause.

Néanmoins, ce portrait de l’état de santé de Tshisekedi et surtout ses flottements sur les décisions politiques capitales ont créé une conviction de beaucoup dans les milieux politiques aux Etats-Unis et en Europe – dont le Département d’Etat américain – que M. Etienne Tshisekedi, dont on reconnaît toutefois la bravoure et la ténacité, est simplement impropre à diriger un pays aussi stratégique que la RDC. Ceci m’a été dit clairement par un officiel du Département d’ Etat américain lors de ma visite en 2014.

Dans le même document, M. Masamba a déclaré au Poloff que Tshisekedi devrait se retirer ou passer le règne à une autre personne, s’il arrivait qu’il meure sans alternance à la tête du parti : « l’UDPS serait certainement divisée en factions différentes ». Nous avons aussi déjà prédit ce risque dans notre article à la référence ci-haut.

Nous savons par ailleurs que ces alertes rouges n’étaient point méconnues par les proches de M. Etienne Tshisekedi avec qui j’ai engagé de longues discussions.

Le manque de la vraie démocratie au sein du parti et la grande concentration du pouvoir dans les mains d’une seule personne, le « leader maximo » ,a étouffé toute velléité d’invoquer la simple idée de succession à la tête du parti. L’un d’eux m’a même confié ceci : vous savez que, dans l’UDPS, cette démarche serait +se faire Hara Kiri+ ».

La fin d’un rêve ?

N’eût était les démarches de la base de l’UDPS avec la création en 1987 de l’UDPS rénovée, cette année aurait été l’année de la fin du rêve UDPS.

Le 29 décembre 2011, lors de la prestation de son serment en tant que «président élu de la RDC », M. Tshisekedi invoque son combat acharné pour la démocratie et l’établissement d’un Etat de droit et parle de la victoire acquise face à la répression et la dictature.

Dans son message de vœux 2012 à la population congolaise au mois de janvier, il fait une analyse sur les causes qui l’empêchaient jusque-là de remplir son rôle de président élu à la magistrature suprême du pays. Il dit que « le chef d’Etat élu doit réunir deux réalités pour ce faire ». Celle de la légitimité dont il jouissait à coup sûr et celle de l’imperium directement lié à l’obédience de la force publique (armée et police nationale congolaise) qui lui faisait encore défaut.

Il lança à l’occasion un appel pathétique aux officiers, sous-officiers, caporaux et soldats dans ce deux entités, je le cite « de respecter la volonté du peuple en se soumettant à sa volonté »; et de se cesser d’être « aux services d’un individu pour se soumettre à ceux de la nation ».

Plus tard, faisant allusion à l’impasse et la crise dans la direction du pays, il rejette l’argument de ceux qui préconisaient et proposaient déjà que la crise soit résolue par les dialogues et les négociations. Il se donne le devoir de continuer à éveiller la conscience des forces armées congolaises « prises en otage par l’imposture ».

Il fait allusion au temps nécessaire aux militaires et policiers congolais d’intérioriser l’appel pour cesser « l’allégeance aveugle à l’imposteur et la culture de soumission aveugle ». Cette soumission est par ailleurs d’après nous le vrai tendon d’Achilles de tout régime des « hommes forts ».

Il y a deux années, M. Tshisekedi, dans un discours de propagande politicienne, dit : « l’année 2013 sera l’année de libération du Congo de 52 ans de servitude » et dans la logique de l’Objectif 1980, il ajoute, « année où le Congo comptera parmi les pays les plus prospères du monde ! » et deviendra «un pays démocratique où règne la vraie justice, la bonne gouvernance, la lutte acharnée contre la corruption et d’autres antivaleurs ».

Il va promettre encore, en 2014, l’accomplissement du rêve de « changement » en RDC, année dite de « l’aboutissement de toute l’aspiration ». Il invoque les souffrances de toutes les luttes de 34 ans d’existence de l’UDPS et dit : « le résultat de ces souffrances, vous l’avez absolument en 2014 » et invite le peuple à s’apprêter à se réjouir. Et il conclut que « cette fois-ci, ce ne sera pas des simples vœux ».

Lors de la présentation de vœux de Nouvel An de 2015, après les appels malheureusement sans succès à la force publique et pour poursuivre, dit-il, les démarches pour baliser la voie vers l’imperium et l’exercice des prérogatives constitutionnelles dévolues au chef d’Etat, il dit saisir la communauté internationale pour « le dialogue politique conformément à la résolution 2098 du conseil de sécurité de Nation Unies ».

Il ajoute que « cette initiative n’est pas un aveu de faiblesse, ni un acte de compromission, mais la voie la plus sûre de placer notre peuple aux commandes de sa propre destinée ».

Il y a dans cette démarche une utopie que nous connaissons tous, c’est « le rétablissement de la vérité des urnes de 2011 ». Invoquer le souci de règlement de ce contentieux électoral et la tenue des élections futures apaisées ne sont que des chants de sirènes qui ne trompent plus personne sinon une base qui sera de plus en plus réduite avec l’illumination qu’apporte la vérité et le bon sens.

Comme le dialogue de Gbadolite de 1987, je suis convaincu que la seule volonté exprimée de chercher à tout prix « le dialogue » avec un pouvoir accusé pendant des années d’être une imposture annonce un événement encore plus triste que ce qui est pressenti : le rêve fondamental d’un changement dit radical marqué par l’avènement de l’UDPS dans la direction des affaires de la RDC, rêve des millions de Zaïro-Congolais n’est plus qu’une illusion, c’est la fin du rêve. Et L’UDPS n’est déjà plus la même force.

« Tenez bon, l’UDPS vaincra ? », c’est plutôt maintenant, tenez très bon, à cause de la mauvaise gouvernance, du manque de démocratie et de respect des textes en son sein, l’UDPS ne vaincra plus.

(*) Ancien Représentant de Constellation dans l’USORAL, Directeur Général du think tank Kamoto Centre.

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