C’est une question que se posent, régulièrement, les éditorialistes congolais chaque fois qu’une formation politique bouffe l’un des ses enfants. C’était déjà le cas en 2009, lorsque le PPRD avait décidé la liquidation politique de celui qui, à l’époque, fut à la fois, son Secrétaire général et Président de l’Assemblée nationale, Vital Kamerhe. Peu avant les élections générales de 2006, le MLC expulsait son Secrétaire général, Olivier Kamitatu. Il y a peu, après la formation du Gouvernement dit de cohésion nationale, le MLC a récidivé avec l’expulsion du Secrétaire général Thomas Luhaka, celui-là même qui avait hérité du fauteuil après le départ forcé de François Muamba. C’est au tour du PALU de s’illustrer avec la destitution de l’une des ses plus grandes figures, Adolphe Muzito.
Désormais à la croisée des chemins, l’ancien Premier Ministre doit prendre une décision, écartelé comme il est à l’idée de brûler la politesse à Antoine Gizenga ou de se soumettre à la décision de la hiérarchie du PALU. Dans l’un ou l’autre cas, ce n’est pas sans conséquence tant pour Muzito que pour le PALU.
Le 12 août 2015, Antoine Gizenga, Secrétaire général du Parti Lumumbiste Unifié (PALU) depuis le 28 août 1964, a pris une décision lourde de conséquences, qui a pratiquement surpris les observateurs politiques, destituant pour 3 ans Adolphe Muzito. La décision précise que pendant toute la durée de sa destitution, Adolphe Muzito ne peut briguer un quelconque mandat au sein du parti. Autrement dit, en 2016, si élections il y a, Muzito n’aura pas la possibilité de se présenter aux législatives nationales, ni à la présidentielle sur une liste PALU. Les réactions fusent presque de partout. Si dans le camp de la Majorité, on salue la sanction prise par Gizenga à l’encontre de celui que l’on présentait comme son dauphin, estimant que Muzito est allé trop loin dans ses analyses sur les ratés du régime, lui attribuant tous les noms d’oiseaux, il y en a, dans les rangs de l’Opposition qui apprécient sa témérité. C’est ainsi que lorsque le PALU conclut que les fautes commises par Muzito sont graves et passibles de l’exclusion définitive, nombreux jugent déjà son exclusion temporaire disproportionnée. On lui reproche notamment, ses tribunes. Il en est à sa sixième tribune. La septième est annoncée. Avec ses tribunes, Muzito s’est révélé un grand faiseur d’opinion. Apparemment, le public apprécie. Les journaux qui reprennent ses tribunes dans leurs colonnes réalisent des ventes inédites. Le PALU considère les positions y exprimées comme préjudiciables aux intérêts du parti. Tout à fait. Le PALU constitue l’un des piliers du régime. Entre Gizenga et les Kabila, on parle d’un lien fusionnel idéologique. Vu sous cet angle, Muzito doit avoir surestimé ses relations avec Gizenga. Joseph Kabila étant, en réalité, le fils aimé de Gizenga Antoine. D’ailleurs, ce n’est pas un hasard si le Président de la République, lors du Congrès du Parlement, le 15 décembre 2014, avait rendu l’ascenseur à l’inoxydable Chef du PALU en se déclarant publiquement son descendant. On sait aussi que le Patriarche Gizenga bénéficie, dans le Budget de l’Etat, des avantages financiers dont ne jouit aucun autre homme politique en RDC. A cela, il faut ajouter les portefeuilles ministériels et les entreprises publiques accordés aux cadres du PALU. En toute logique, aucun parti ne peut accepter de perdre autant d’avantages pour satisfaire les ambitions politiques de l’un des ses cadres. Muzito a-t-il eu tort ? Pas nécessairement. Il doit avoir compris que la Majorité courait un risque dans la mesure où son Autorité morale est fin mandat et n’a pas la possibilité, au regard de la Constitution en vigueur, de se représenter pour un troisième mandat. Qui plus, aucun dauphin n’a encore été désigné. Il n’y en aura presque pas. Qu’arriverait-il si le glissement, que certains présentent déjà comme une réalité, était déjoué ? Il deviendra difficile de maintenir la discipline au sein de la famille politique présidentielle. Naturellement, le pouvoir changera de camp. Que va faire Muzito ? S’il se plie à la décision de son parti, il aura disparu du microcosme politique. Il peut, évidemment, en sortir ragaillardi. Dans la mesure où il sera rentré dans les rangs en attendant une sortie naturelle de Gizenga de la scène politique. Mais, la guerre de succession que se livrent les différents clans autour du Patriarche rend difficile toute reddition de la part de l’ancien Premier Ministre. Si, par exemple, Muzito refusait d’aller en retraite politique anticipée, il devra batailler dur pour se faire accepter comme opposant. La base du PALU, déjà très divisée après les violences meurtrières qui avaient suivi le départ très mouvementé de Marie-Laure Kawanda, a du mal à suivre. L’exclusion temporaire de Muzito risque de faire encore très mal au parti.
La Pros.