Chaque année, les universités et instituts supérieurs de Kinshasa larguent des milliers de diplômés sur le marché de l’emploi. Pourtant, trop peu sont ceux qui trouvent un travail rémunérateur dès leur sortie du monde académique. Bien souvent, faute de débouchés, les diplômés préfèrent se lancer carrément dans la débrouillardise pour arriver à nouer les bouts du mois. Reportage.

Dans la commune de Kintambo, de nombreux jeunes s’adonnent à la débrouillardise à longueur de journée. On les voit davantage actifs dans les activités informelles qui leur permettent de gagner leurs pains quotidiens. Nombreux sont ceux qui, faute d’emploi viable, sont devenus cambistes, vendeurs ambulants, chauffeurs de taxi, conducteurs de moto, chargeurs, photographes, cordonniers… Bref, des métiers qui ne requièrent pas toujours l’aval de l’Etat pour être exercés.
Refusant de sombrer dans le chômage, ces débrouillards ne sont pas forcément des illettrés. Bon nombre d’entre eux sont détenteurs de diplômes des humanités, de graduat, de licence… Ils s’attendaient à trouver un job dès leur sortie de l’université, mais leur espoir s’est avéré vain. Munis de leurs dossiers, ils ont amorcé de nombreuses démarches pour trouver une embauche. Mais, leurs efforts sont longtemps restés stériles.

UN ’’BRANCHEMENT’’ POUR ETRE ENGAGE
Benoît Masamuna, 24 ans, est détenteur d’un diplôme de licence en relations internationales depuis l’année passée. Après ses cinq années d’études universitaires au campus de Kinshasa, il a beau toqué aux portes des bureaux, mais sa candidature n’a été retenue nulle part. Aujourd’hui, après une année de démarches, il a préféré croiser les bras en restant statique à la maison.
Vendeur des journaux à Kinshasa, son père s’est déployé, de son côté, pour lui trouver un job. En vain. « J’ai contacté toutes les personnes influentes que je connais et qui seraient en mesure de trouver un emploi pour mon fils, mais j’ai été déçu, regrette-t-il. Et quand mon enfant a fait le tour des bureaux, il a fini par constater qu’il lui faut nécessairement ’’un branchement’’, une recommandation, pour être embauché. Sinon, on resterait éternellement chômeur ».

NE PAS CROISER LES BRAS
Comme Benoît Masamuna, Florida, 22 ans, est aussi détentrice d’un diplômé en relations internationales. Gradué d’un institut supérieur de la place, elle a eu de la peine à trouver un emploi commode au terme de ses études supérieures. Elle n’a trouvé mieux que de monter son propre restaurant de fortune, communément appelé ’’malewa’’.
« Orpheline de père, je suis aînée de ma famille, raconte-t-elle. Comme ma mère souffre de rhumatisme, je n’ai pas voulu croiser les bras, de peur d’être une charge pour les autres. Bien au contraire, je tiens à subvenir aux besoins de mes frères et sœurs, avant de trouver un bon travail. Nous n’avons pas d’autres boulots que celui de vendre. C’est notre métier habituel qui nous permet de survivre, et d’échapper ainsi au chômage ».

S’ADONNER A UNE ACTIVITE LUCRATIVE
Agé de 30 ans, Chico Veda est, lui, licencié en économie. Diplômé de l’université Cardinal Malula, un établissement confessionnel privé de Kinshasa, il a lui aussi cherché depuis longtemps un emploi aussi bien dans les entreprises publiques que privées sans succès. Débrouillard, refusant de se résigner, cet orphelin de père et de mère a jugé mieux de devenir cambiste. Comme d’ailleurs, plusieurs jeunes diplômés de son entourage.
Tous les matins, on le voit s’installer au bord du Stade Vélodrome de Kintambo, où il place sa chaise en plastique et un tabouret sur lequel il dépose des échantillons de cartons, sous forme des liasses de billets de banque.
« Nous nous démenons ainsi pour éviter le chômage, puisque nous estimons qu’il vaut mieux nous adonner à une activité lucrative afin de subvenir aux besoins de nos familles, confie-t-il à ’’Forum des As’’. Sans cela, je ne serais en mesure de prendre en charge mes petits frères et sœurs à la maison ».
Et pour arrondir ses revenus, Chico Veda s’est allié à ses collègues cambistes de Kintambo. « Chaque jour, nous versons, chacun, la somme de 3.000 Fc dans notre caisse, relate-t-il. A la fin de la semaine, nous remettons à l’un de nous le montant du ’’likelemba’’, notre ristourne. Chaque cambiste de l’association perçoit ainsi, à tour de rôle, la somme de la collecte. Ce qui nous soulage ».

DANS L’ATTENTE DES LENDEMAINS MEILLEURS
Pour sa part, Chimène B., 25 ans, a plutôt opté pour le commerce des épices dans un petit étalage au coin de l’avenue Mungamba, à Kintambo Vélodrome. Graduée en comptabilité, elle a refusé de continuer à dépendre de poches de ses parents, une fois après l’obtention de son diplôme à l’Institut supérieur de commerce (ISC/Gombe).
« Comme je ne trouvais pas du boulot, malgré les nombreuses démarches entreprises, j’ai décidé carrément de commencer à vendre de petits articles dans mon quartier, confesse-t-elle. Je ne regrette pas du tout d’avoir agi ainsi, car mon activité me génère aujourd’hui des dividendes non négligeables. Mais, j’estime qu’un jour, grâce à Dieu, le chômage prendra fin et nous pourrons avoir du travail à loisir ».
L’un des volets de la campagne électorale du président Joseph Kabila en 2006, l’emploi est inscrit parmi les cinq chantiers de la République. Arrivé au pouvoir en janvier 2001, quasiment une décennie après la première vague des pillages qui ont réduit au chômage un grand nombre d’employeurs dans l’ex-Zaïre, le chef de l’Etat avait pris l’option de créer des débouchés pour ses compatriotes en quête d’embauche. Bien que de jeunes entreprises soient en train de voir le jour, elles ont encore de la peine à résorber la masse importante de demandeurs d’emploi.
(Par Christelle LUSASA, sous la coordination d’Yves KALIKAT)

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