AFDL, MLC, RCD, CNDP, FDLR, ADF… Les noms des rébellions qui se sont succédées depuis vingt ans en République démocratique du Congo portent souvent des idéaux de démocratie et de liberté. Mais la réalité est plus dure : selon l’ONU et des ONG, ces groupes armés ont dévié de leur agenda et commis de graves crimes.

En 1996, l’Alliance des forces démocratiques pour la libération (AFDL) du Congo est entrée avec des troupes essentiellement rwandaises dans l’est de ce qui était encore le Zaïre, cette ancienne colonie belge, riche en ressources naturelles (minerais, bois, etc.). Son objectif : renverser le régime de Mobutu Sese Seko, arrivé au pouvoir en 1965 et qui, après avoir conduit le pays à son âge d’or, a ruiné l’État, étouffé les libertés et réprimé les opposants.

« L’AFDL était une coalition de partis politiques qui voulait faire la guerre pour libérer l’est du Congo. Mais le peuple nous disait d’aller jusqu’à Kinshasa, d’y aller et de prendre le pouvoir », raconte Jeannot Mwenze Kongolo, nommé ministre de la Justice après que les rebelles ont atteint leur but en 1997.

Laurent-Désiré Kabila, chef de l’AFDL où a aussi servi son fils, l’actuel président Joseph Kabila, a pris le pouvoir. L’armée rwandaise a profité de son incursion pour traquer des Hutus ayant participé en 1994 au génocide des Tutsis au Rwanda. Selon plusieurs rapports, elle a aussi tué des Hutus rwandais et congolais innocents, avec la complicité de l’AFDL.

Une instabilité chronique

L’est de la République démocratique du Congo souffre depuis vingt ans d’une instabilité chronique. Le bilan est très lourd : 617 crimes graves ont été commis de 1993 à 2003, selon le rapport Mapping du Bureau conjoint de l’ONU pour les droits de l'homme (BCNUDH) publié en août 2010.

Lors de la Deuxième Guerre, qui a impliqué jusqu’à neuf pays entre 1998 et 2003, le Mouvement de libération du Congo (MLC) de Jean-Pierre Bemba, jugé à la Cour pénale internationale pour des crimes commis au début des années 2000 en République centrafricaine, en a occupé une large partie à l’Ouest, tandis que le Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD) gérait une vaste zone à l’Est.

Le MLC, soutenu par l’Ouganda, a pris les armes en priorité pour déloger l’AFDL qui « avait suspendu les activités des partis politiques, instauré le monolithisme et la suspension des acquis de la Conférence nationale souveraine » des années 1990, quand le pays s’était ouvert à plus de démocratie, explique Ève Bazaïba, secrétaire générale du parti issu de l’ex-rébellion.

« Aux grands maux, il faut de grands remèdes », poursuit-elle, réfutant les accusations de violations des droits humains : le MLC, deuxième parti d’opposition parlementaire, dispose du « soutien de la population sur toute l'étendue de la RDC sans contrainte aucune », soutient-elle. Alors, « si crimes il y avait, comment analyser cette sympathie de la population ? »

De son côté, le RCD, appuyé par le Rwanda, désirait privilégier « l’unité » du peuple congolais, commente Azarias Ruberwa, chef du parti, et qui fut vice-président avec Jean-Pierre Bemba pendant la transition post-conflit entre 2003 et 2006. La guerre du RCD était un « cas de force majeure » et il n’a « pas conçu un agenda pour procéder au pillage, au viol, aux massacres », insiste-t-il.

Aujourd’hui, des dizaines de groupes armés sévissent dans l’Est. Le Congrès national pour la défense du peuple (CNDP) et le Mouvement du 23 mars (M23), déchus, ont marqué la région. Fondés sur les ruines du RCD et soutenus par le Rwanda, ils revendiquaient la protection des populations tutsies congolaises marginalisées par Kinshasa et la lutte contre les rebelles hutus rwandais des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR).

Un « habillage démocratique »

Les FDLR comptent dans leurs leaders des génocidaires et sont accusées d’exactions contre les Congolais. Des attaques ciblant les civils sont attribuées à une autre rébellion étrangère, l’Alliance des forces démocratiques (ADF), créée par des combattants musulmans ougandais et qui aurait notamment massacré environ 450 personnes depuis octobre 2014.

« Un agenda peut être démocratique, mais au-delà des vertus [affichées, NDLR], il y a des vices. Donc, si les choses ne sont pas bien contrôlées, on peut en arriver à une situation qui est antidémocratique », juge Azarias Ruberwa. Au final, « l’intérêt du peuple ne compte pas » pour les rebelles, dénonce de son côté un analyste congolais pour qui les groupes armés ont des « objectifs multiples » - exploitation illégale de ressources, protection ethnique, protection de fermes, maintien d'une zone d'influence au profit d'un État étranger - qu’ils légitiment par un « habillage démocratique ».

Un analyste européen précise qu’ils bénéficient « bien souvent » du soutien de la communauté qu’ils prétendent défendre, mais finissent par prendre de « mauvaises habitudes », comme le prélèvement de « taxes illégales. Surtout, leurs chefs se rendent compte qu'ils peuvent faire du business », ce qui favorise la « criminalisation » des groupes armés.

Certains craignent le pire

Joseph Kabila, arrivé au pouvoir en 2001, élu en 2006 et réélu en 2011, ne peut briguer un nouveau mandat en novembre 2016. Il doit ouvrir un dialogue national pour jeter les bases d’élections apaisées, mais l’opposition compte bouder les pourparlers, dénonçant un complot pour qu’il puisse, à terme, s’accrocher à son poste.

Si cette thèse se confirmait, l’opposition et l’influente Église catholique ont menacé d’invoquer l’article 64 de la Constitution, qui stipule que « tout Congolais [doit] faire échec à tout individu ou groupe d’individus qui prend le pouvoir par la force ou qui l’exerce en violation » de la loi fondamentale.

Certains craignent le pire : en janvier, plusieurs dizaines de personnes sont mortes dans la répression de manifestations contre un projet de loi qui risquait de prolonger le quinquennat de Joseph Kabila. Dans ce contexte, un observateur congolais redoute, lui, de « voir naître des groupes armés » qui se sentiraient « couverts par la Constitution ».
rfi

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