
L’annonce par Joseph Kabila de la convocation d’un dialogue national le week-end dernier, aurait pu laisser entrevoir le début d’un compromis entre le chef de l’Etat et l’opposition, qui l’accuse de vouloir se maintenir au pouvoir au-delà du délai constitutionnel. C’est tout le contraire qui s’est passé. Le discours du président congolais a semblé fermer toutes les portes d’une possible négociation – voir notre article. A qui voulait bien l’entendre, Joseph Kabila affirmait qu’il n’y avait pas assez d’argent pour organiser les élections, que le fichier électoral était à revoir et qu’il fallait changer le mode de scrutin de la présidentielle « avec des modalités de votes peu coûteuses ». Il n’y avait donc visiblement plus rien à discuter avec l’opposition concernant les élections générales, pourtant fixées fin 2016.
Vers une nouvelle transition ?
La Dynamique de l’opposition et le G7, les ex-frondeurs de la majorité, ne s’y sont pas trompés en rejetant le dialogue, dénonçant un « coup d’Etat constitutionnel ». « En invitant les délégués à son dialogue à réfléchir sur un nouveau système électoral, Monsieur Kabila ne fait plus de mystère de son intention manifeste, planifiée et délibérée à renverser le régime constitutionnel pour s’accrocher au pouvoir ». Ces opposants craignent donc que le dialogue ne soit que la chambre d’enregistrement d’une nouvelle transition politique qui permettrait au président congolais de s’accrocher à son fauteuil. Le MLC, l’UNC, l’Ecidé, les Fonus, le G7… en appellent même à la population pour dénoncer ce « glissement » en prévoyant « des actions de grande envergure ».
L’UDPS dit « niet »
Dans l’opposition, seul le parti d’Etienne Tshisekedi semblait disposé à participer au dialogue national. Mais la déclaration de Joseph Kabila a fait l’effet d’une douche froide, même pour les plus « pro-dialogue » du parti, qui s’est pourtant divisé à ce sujet. Comme le reste de l’opposition l’UDPS dénonce « un dialogue made in Kabila » qui tente de changer le mode de scrutin. L’UDPS souhaitait également que le dialogue se déroule sous l’égide de la communauté internationale. Dans son discours, le président ne parle que de « co-modération du dialogue » entre majorité et opposition. Aucune date, aucune durée, aucun lieu ne sont fixés. « Nous ne comprenons pas cette précipitation. Elle cache manifestement quelque chose, d’autant plus que dans son discours, Monsieur Kabila a été totalement aphone sur les problèmes qui le concernent c’est-à-dire la fin de son mandat, l’alternance démocratique » a déclaré Félix Tshisekedi à Radio Okapi.
« Les portes ne sont pas fermées »
La stratégie de l’UDPS de participer au dialogue, qui fait toujours débat au sein du parti, avait été accueillie positivement par la majorité présidentielle. Il faut dire que le dialogue serait totalement vidé de sa substance sans la participation du leader historique Etienne Tshisekedi. Le refus du dialogue, après le discours du président Kabila de ce week-end, a été violemment critiqué par le porte-parole du gouvernement. « Certains partis sont habitués à des postures d’auto-valorisation. Nous n’allons pas nous mettre à nous formaliser chaque fois qu’un cadre du parti voulant se mettre en valeur comme un faucon s’exprime » a déclaré Lambert Mende, parlant de la prise de position de Félix Tshisekedi dont on ne sait jamias si elle reflète la position du père. Avant de conclure : « les portes ne sont pas fermées ».
Djinnit en médiateur ?
Et effectivement, une petite porte avait tout de même été laissée entrouverte par Joseph Kabila au sujet de la médiation du dialogue. Le président congolais précisait qu’en cas de nécessité, un médiateur international pourrait participer au dialogue. Devant le tollé de l’UDPS, le chef de l’Etat a semblé céder à la demande de l’UDPS, puisque ce mercredi, l’envoyé spécial des Nations unies, Saïd Djinnit, a atterri à Kinshasa. L’ONU lui a demandé de se rendre dans la capitale congolaise pour s’entretenir avec le gouvernement « afin de discuter des contours du dialogue ». Un premier pas a donc été fait. Mais Joseph Kabila avait-il le choix ? Un dialogue sans l’UDPS perdrait tout son sens. Pour le moment, le président est donc condamné à lâcher quelques concessions à l’UDPS. La nomination d’un médiateur international n’a pas été la plus difficile à accorder. Les choses sérieuses ne commenceront qu’une fois le dialogue entamé et Joseph Kabila… a tout son temps.
Christophe RIGAUD