Interprétation du règlement intérieur de l’AN : la Cour Constitutionnelle se déclare incompétente, Sam Bokolombe s’interroge !
Les Députés nationaux de l’opposition ne savent plus à quel saint se vouer en ce qui concerne l’interprétation des lois. Pour certains, c’est la mort dans l’âme. Dans la mesure où la Cour Constitutionnelle qui devrait interpréter des lois et règlements intérieurs des institutions de la République n’arrive pas à bien faire son travail. Alors que toute la population attendait son interprétation sur le règlement intérieur de l’Assemblée en rapport avec les motions incidentielles et les motions de défiance, voilà que la Cour Constitutionnelle, contre toute attente, se déclare incompétente. Sam Bokolombe, Professeur de Droit pénal général et de droit pénal international à l’Université n’a pas attendu pour réagir face à cette situation qu’il qualifie de manque de courage et ambiguïtés. Député National et Haut cadre du parti politique Union pour la Nation Congolaise, UNC en sigle, le Professeur Sam Bokolombe pense que la Cour Constitutionnelle a, en réalité, interprété la requête de l’Assemblée nationale, mais seulement, par retranchement.
‘’La Cour constitutionnelle s'est dite incompétente d'interpréter le Règlement intérieur de l'Assemblée nationale quant à la constitutionnalité des motions incidentielles intempestives de la majorité, lesquelles neutralisent la redevabilité du gouvernement devant la Chambre basse lors des contrôles parlementaires. Mais, en réalité, elle l'a interprété, malheureusement par retranchement, par esquive, sans toutefois avoir le courage de l'assumer’’, a-t-il expliqué. Ce, avant de rappeler que la Cour a jugé que les articles 146 et 147 de la Constitution, quant aux conditions de recevabilité et d'adoption de la motion de censure ou de défiance, sont clairs et n'appellent pas matière à interprétation.
Le dire, c'est répondre à la requête du Président de l'Assemblée nationale et donc se prononcer; à moins de relativiser une évidence. «Mais, elle n'en a pas tiré les conséquences qui s'imposent. Il est de notoriété qu'un texte clair ne s'interprète pas et ce, conformément à la maxime "Interpretatio cessatin claris". Cependant, en vérité, tout texte de droit s'interprète, qu'il soit clair, obscur ou équivoque», a-t-il éclairci.
Expert en la matière, l’Honorable Sam Bokolombe estime que la Cour aurait dû dire clairement que, tout en étant clair et précis, une motion incidentielle n'est pas susceptible de bloquer une initiative de mise en œuvre de la responsabilité du gouvernement ou de l'un de ses membres. Et, en aucun cas, un article du Règlement intérieur de l'Assemblée ne saurait faire penser à une autre lecture que celle-là. «Ne pas procéder de la sorte aurait pour effet de permettre à la majorité, notamment par des manœuvres politiciennes, comme c'est le cas présentement, de frustrer définitivement la Chambre basse du contrôle parlementaire, l'une de ses prérogatives substantielles après celle de la production législative. Il n'est pas exclu, en effet, que la majorité ait reçu de sa hiérarchie la consigne de ne jamais livrer un membre du gouvernement au travers du contrôle parlementaire. Mais à quel prix et suivant quel modus operandi? En tous cas, pas au prix du spectacle qui est offert actuellement au monde. Cette Assemblée nationale, me disait un ami "est pire qu'une chambre d'enregistrement, c'est une foire aux cancres". Sans être forcément de son avis, je n'ai pourtant jamais trouvé d'argument contraire à lui opposer », a-t-il développé.
A en croire le Professeur, la nation attend de la majorité qu'elle se manifeste et s'exprime à l'occasion du vote de conviction, pas par des biais étroits et brumeux des motions de chicane, des motions politiciennes ainsi que des arguties juridiques qui ridiculisent l'institution et méprisent les suffrages du peuple. Sinon, ajoute-t-il, elle ne serait pas sûre d'elle et n'en serait pas une.
Une majorité devrait être fière de son existence et la prouver en cas de besoin par un vote limpide. Une motion de censure ou de défiance qui remplit les conditions est vidée par le vote. C'est ce que veut la Constitution et c'est dans ce sens que devraient être comprises les dispositions ad hoc du Règlement intérieur de l'Assemblée nationale que sont les articles 209 et 210, libellés quasiment dans les mêmes termes que ceux de la Constitution quant à ce.
«L'ambiguïté de la Cour constitutionnelle sur cette requête, par ailleurs, dilatoire, du Président de l'Assemblée nationale, signifierait que cette majorité kabiliste mécanique doit poursuivre son œuvre de sape de la démocratie et de la transparence républicaine. Je ne vois pas comment il pourrait en être autrement, à moins d'un improbable sursaut. Somme toute, sur cette question cruciale qui conditionne la bonne gouvernance de la chose publique, les organes du pouvoir semblent jouer à se balancer la patate chaude l'un à l'autre, faisant ainsi pâtir à la fois la liturgie parlementaire et notre jeune démocratie qui peine encore à prendre de l'envol», a-t-il argué.
Dans sa conclusion, l’élu de Basankusu s’interroge avec beaucoup d’amertume et regret. «Enfin, il y a lieu de se demander comment la Cour constitutionnelle qui a vocation à examiner la constitutionnalité, le cas échéant, des lois et règlements, peut-elle se dire incompétente d'interpréter le Règlement intérieur de l'Assemblée nationale dont la pratique de l'une de ses dispositions viole manifestement la Constitution. Comment s'y prend-elle alors pour la conformité ? Quels en sont les référentiels ? Ne s'agit-il pas de la conformité de chacune de ses dispositions, préalablement interprétées, à la Constitution?
Pour rappel, interpréter c'est chercher l'exacte signification et la véritable portée d'un texte. La Cour se fait toujours attendre là-dessus. Peut être viendrait-elle un jour pour le bien de ce peuple », a-t-il conclu.
Visiblement, il y a le regret manifeste du côté de l’opposition parlementaire car, cette dernière ne sait plus à quel saint se vouer. La crainte est qu’avec cette position de la Cour, la contradiction va se poursuivre au niveau de la chambre basse du parlement. Une question se pose d’embler, pourquoi empêcher le contrôle parlementaire ? Pourquoi les membres du Gouvernement ne peuvent-ils pas rendre compte à la représentation nationale sur la gestion de la chose publique ? A tout dire, la majorité au pouvoir doit prouver sa suprématie lors du vote, et non empêcher une démarche républicaine.
Kevin Inana