*Peu avant sa mise en terre, le mercredi 4 mai, au dernier jour de ses obsèques à Kinshasa et dans le monde, Wemba dit Papa a été vraiment honoré. André Kimbuta Yango, le Gouverneur de la Ville-Province de Kinshasa, l’a si bien reconnu au travers d’une oraison funèbre qui, pour plusieurs générations durant, servira de bréviaire, à la fois, pour la jeune montante et les spécialistes d’art d’orphée. C’est en la cathédrale Notre Dame du Congo, à Lingwala, que Kimbuta a choisi de retourner la fière chandelle à Joseph Kabila, le Président de la République, pour avoir mis à la disposition du comité organisateur, depuis son dernier séjour à New York, au pays de l’Oncle Sam, des moyens conséquents, pour que le Congo-Kinshasa, la terre natale de Jules Presley alias Papa Wemba, lui rende des hommages à la taille de cette tête rare, de cet artiste aux talents pointus, qu’il fut et qu’il restera dans l’histoire de la musique congolaise. Aux immortels, lui et le reste de son être, seront classés et admirés. Car, après tout, le mausolée couplé au musée qui seront érigés dans la périphérie de la Ville, plus précisément vers Safari Beach, dans le versant Est de la capitale, combleront, naturellement, le vide créé par sa disparition impromptue et ressusciteront, à coup sûr, de l’espoir ainsi envahi par des émotions, pleurs et désolations. Le Kuru Yaka, Ekumani, ou alors, Bakala dia Kuba 100% star,…Papa Wemba est et restera, de ce point vue, un homme exceptionnel tant que ses œuvres feront luire sa face envers les profondeurs de la RD. Congo, de l’Afrique et du monde. Ici, Kimbuta le dit et le répète en des mots peints d’amour et de gratitude. Lisez-le !



L’hommage du gouverneur de Kinshasa, André Kimbuta Yango

Papa Wemba,

Vieux Bokul,

Ekumanyi,

Bakala Diakuba

J’ai difficile à croire que tu as tiré ta révérence.

Depuis cette épouvantable matinée du 24 avril 2016, tu ne réagis plus aux applaudissements, tu ne réponds plus aux sollicitations et, même, tu n’essuies pas les larmes de ta famille, de tes amis et de tes nombreux fans disséminés à travers le Congo, l’Afrique et le monde.

Après le déni, la triste réalité nous a rattrapés. Il nous a bien fallu accepter l’atroce et douloureuse fatalité : Jules Shungu Wembadio est bien mort.

Oui, ravi à notre affection un dimanche, jour de repos de l’Eternel et jour par excellence où nous célébrons sa gloire.

Le chrétien que je suis, oserait-il alors qualifier ce jour de triste dimanche ?

La réponse est non.

En effet, bien que frappée d’une grande douleur, notre foi nous enseigne qu’il n’y a pas de hasard dans la vie. Si le Seigneur a choisi, ce jour, pour rappeler, à lui, cet éclatant fils du Congo et de l’Afrique, nous chrétiens, nous nous autorisons à dire qu’il lui a grandement ouvert les bras, pour accueillir dans son royaume. Gloire lui soit rendue !

En ma qualité de Gouverneur de cette ville qui a vu s’éclore la star qui a brillé et brillera, à jamais, au firmament de la musique mondiale, je ne laisserai pas la tristesse qui dévaste nos cœurs envahir mon mot de circonstance.

Entre deux larmes, je voudrais, au nom des Kinoises et kinois, célébrer l’artiste et exprimer la fierté de notre Ville d’avoir connu Papa Wemba, d’avoir vécu avec lui et d’avoir accompagné sa riche carrière.

Honorables,

Excellences,

Mesdames et Messieurs

Il est des hommes qui nous marquent. Il est des hommes qui nous illuminent.

Papa Wemba, ce maître de l’art, est de ceux qui n’ont pas besoin qu’on les loue. Ses œuvres suffisent à cette tâche. Elles l’expriment à haute et intelligible voix.

Homme de talent et de génie, figure de proue de sa génération, il a su faire traverser les âges et les frontières à son art, marquant ainsi d’une empreinte rayonnante l’histoire aussi bien de la République Démocratique du Congo que de l’Afrique et, pourquoi pas, du monde.

Né Jules Shungu Wembadio Pene Kikumba, à Lubefu, dans le Sankuru, le 14 juin 1949, Papa Wemba était un des pionniers de cette vaillante génération d’artistes qui a pris le relais de Tabu Ley et Franco Luambo, de la même façon que le mémorable Kallé Jeff avait emboité les pas à Wendo Kolosoy et Lucie Eyenga.

Voilà, ce que le fils de Maman Niondo, d’heureuse mémoire, a été parmi nous : un des premiers parmi les plus grands, un des plus doués parmi les meilleurs.

Le spectacle semblait être sa raison de vivre. Ce même spectacle a fini par être son lieu de mort. Cette mort qui lui arrive comme il l’avait prédit dès 1973, quand il la chanta dans « Liwa na ngaï ya somo »…

Ecoutons donc cette merveilleuse ode à la mort, qui est, pourtant, une œuvre de jeunesse, mais déjà d’un Maestro, balancez-nous LIWA NA NGAÏ YA SOMO.

Honorables,

Excellences,

Mesdames et Messieurs

Papa Wemba est encore enfant quand la famille quitte Lubefu et le Sankuru pour s’installer au cœur de Kinshasa, à Matonge. S’il a gardé intact son amour profond pour son Sankuru natal qu’il n’a cessé d’exalter à travers son art, il s’est, cependant, revendiqué « Made in Kin » au grand bonheur des kinois qui aiment clamer haut et fort « je suis made in kin ».

Ainsi, à l’image d’un vrai maître d’école, cherchant à enseigner l’ABC de la construction identitaire, cherchant à communiquer les outils du sentiment d’appartenance à la Nation, et cherchant à partager les raisons de communion nationale, Papa Wemba a transformé le cœur de la ville de Kinshasa en un village baptisé Molokai. Il en était, lui-même, le chef coutumier incontesté et adulé.

De tous ses appels à la passion de nos traditions, la chanson « Analengo » est celle qui a soulevé et continue de soulever des émotions collectives et patriotiques uniques.

«Analengo », en langue tetela, signifie : « Mes frères, mes sœurs », et dans cette chanson, Papa wemba dit qu’il veut aller au bout de ses rêves, qu’il veut monter le plus haut possible, mais avec la conscience qu’il ne peut réaliser cet objectif qu’avec l’aide de ses frères et ses amis de partout et de toutes les origines.

La chanson «Analengo» n’est donc pas seulement un honneur fait à nos traditions, c’est aussi et surtout le cri d’un homme appelant les siens à l’esprit de solidarité et de dialogue pour une unité nationale librement consentie.

Laissons-nous donc bercer par cette belle musique de chez nous, et, surtout, saisissons l’exhortation à la solidarité, à l’union au travail commun. Notre émergence est à ce prix.

Maestro, ANALENGO.

Honorables,

Excellences,

Mesdames et Messieurs,

Avant cet après-midi historique du 11 février 1990, où il fut libéré après 27 ans, 6 mois et 6 jours de prison, Nelson Mandela, leader de la lutte contre l’Apartheid en Afrique du Sud, n’était pas un homme très connu dans les milieux des jeunes, aussi bien en République Démocratique du Congo qu’en Afrique.

Mais, déjà, quatre ans auparavant, en 1986, Papa Wemba lance un appel pathétique à tous les Noirs d’Afrique, des Amériques et des Antilles, à se reconnaître frères et sœurs malgré le commerce des esclaves qui les a séparés, à unir leurs forces pour honorer l’humanité que nous, les Noirs, représentons, et à soutenir Winnie Mandela dans sa lutte pour arracher la libération de Nelson Mandela.

Là aussi, en maître d’Ecole, Papa Wemba exhorte les Africains à ne jamais accepter un seul instant l’idée selon laquelle le mal-vivre est le destin fatal de l’Afrique.

Dès lors, la belle mélodie que Papa Wemba a composée sous le titre évocateur «Esclave», n’est pas seulement une chanson. C’est un opéra-dramatique chantant les souffrances de l’homme noir, depuis la traite négrière du 15ème siècle jusqu’à la lutte contre l’Apartheid du 20ème siècle. Mille mercis, Papa Wemba, pour cette leçon d’histoire.

Ecoutons donc…Esclave

Honorables,

Excellences,

Mesdames et Messieurs

Vous prenant à témoin, j’affirme que les plus douces de toutes nos affections, ainsi que toutes nos actions honnêtes et généreuses ont comme origine, les dires et le cœur de nos mamans.

Ainsi, celui ou celle qui loue sa maman comme si elle était une sainte, comme si elle était éternelle, est un homme ou une femme qui a appris la bonté, la générosité, la fraternité l’humilité et l’amour des autres.

Papa Wemba est resté le petit garçon de sa mère dont il n’a jamais cessé de pleurer le départ à travers ses chansons. Le titre « Maman », dédié à Maman Niondo, est un puissant hymne à toutes les mamans du 20ème siècle et à venir.

Le maître d’école nous exhorte à dire merci pour tout ce que nous avons reçu et recevons de nos mamans…

Ecoutons Maman, au moment où son auteur rejoint les bras protecteurs de Maman Niondo qui l’ont bercé.

Honorables,

Excellences,

Mesdames et Messieurs

Je me tourne maintenant, et de façon particulière, vers les jeunes de Kinshasa et de toutes les provinces de la République Démocratique du Congo, vers les jeunes de Brazzaville et de partout au Congo, vers les jeunes d’Abidjan et de toute la Côte d’Ivoire, et, finalement, vers les jeunes de tous les coins et recoins de l’Afrique.

Papa Wemba vous a transmis une idéologie d’élégance : être bien sapé, bien rasé et bien parfumé ne suffit pas pour exercer l’activité qui charme le plus vos cœurs. C’est-à-dire : l’amour.

Comme pour paraphraser l’écrivain français Nicolas Boileau, qui a dit, je cite : « ce qui se conçoit bien s’énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément… », fin de citation, Papa Wemba dit aux jeunes : « Attention ! Il faut dire l’amour avec des phrases sans fautes ! »

Et comment faire des phrases sans fautes sans aimer le banc de l’école ?

La chanson de Papa Wemba, intitulée « Phrase », n’est donc pas seulement une ode à l’amour. C’est une invitation à aimer les études.

Suivons la leçon du Maître… Phrase.

Honorables,

Excellences,

Mesdames et Messieurs,

A chacune de ses prestations, Papa Wemba donnait un peu de lui. Il a su offrir quelque chose à chacun de nous. Aux uns, sa voix enlaçante comme une étreinte, aux autres, son radieux sourire, son allure de jeune premier, ou encore sa légendaire générosité.

Il a offert la rumba congolaise dans des registres d’une diversité insoupçonnée, couplée tantôt à des rythmes traditionnels de nos différents terroirs, particulièrement, du Grand Kasaï.

De la chanson au cinéma, de ses danses à sa sapologie, après avoir tant donné, il est pourtant resté entier : 100 % Star ! Artiste de la tête aux pieds.

Honorables,

Excellences,

Mesdames et Messieurs,

Permettez-moi avant de clore mon propos, de remercier très vivement, au nom des kinoises et kinois, Son Excellence Joseph Kabila Kabange, Président de la République, Chef de l’Etat pour la sollicitude toujours manifestée à l’endroit de Papa Wemba et aussi pour l’honneur qu’il nous fait de lui offrir des obsèques dignes de son rang.

Mes remerciements s’adressent également au Comité d’organisation de ces funérailles qui a donné le meilleur de lui-même pour arriver à ce résultat.

Toute ma gratitude aux villageois de Molokai qui ont, avec tous les kinois, honoré Wemba. Sachez, bana Molokai, que j’ai bien compris votre message transmis dans l’homélie de l’Abbé Koko lors de la célébration eucharistique du lundi soir.

Je me fais le devoir, en votre nom, de remercier la Communauté Anamongo et le Général François Olenga pour la mise à disposition d’un site de 1 hectare au Safari Beach devant être aménagé pour accueillir les restes de Papa Wemba. La ville y construira un mausolée en l’honneur et en la mémoire de notre icône.

Pour revenir à toi, très cher Presley,

Jules Shungu Wembadio Pene Kikumba est mort. Il nous a précédés auprès du Seigneur notre Dieu.

Il avait choisi comme nom de scène, Papa Wemba. Ce nom, je ne l’associerai jamais à la mort.

Papa Wemba, est-ce bien toi qui es tombé ce 24 avril à Abidjan ?

Est-ce bien toi qui a décidé de nous priver de ta personne et de ton art ?

Est-ce bien toi qui a décidé de laisser le village Molokai orphelin de son Kuru Yaka ?

Que des questions !

Pas de réponse !

Toi qui as tant donné de la voix, tu ne peux t’inscrire dans le silence éternel !

En effet, Papa Wemba, tu as choisi un art audacieux, un art téméraire !

Un art qui déjoue la fatalité pour t’imposer dans le panthéon de l’immortalité.

Le Kuru, Ekumani, Bakala dia kuba, le Grand Mayass, le Père, Merci.

Merci, pour l’immense leçon que tu as donnée à l’Afrique,

Merci pour ton œuvre grandiose qui appelle nécessairement le respect,

Chapeau à l’imposant et l’éternel artiste que tu es et que resteras,
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