François Mwamba Tshishimbi quitte le "Titanic"...
"François Muamba Tshishimbi a quitté Kabila". La nouvelle s’est répandue comme une traînée de poudre. D’aucuns ont vite pensé à un canular. Non ! Dans une lettre adressée à "Joseph Kabila" en date du jeudi 14 juillet 2016, l’ex-MLC, François Muamba Tshishimbi, coordonnateur du Mécanisme national de suivi de l’Accord-cadre d’Addis Abeba du 24 février 2013, depuis le 21 mai 2013, signifie à l’actuel locataire du Palais de la nation sa démission. Une démission qualifiée de "tardive" par les uns et d’"opportuniste" par d’autres.
Explicitant la motivation de sa décision, François Muamba a dit ces mots à l’AFP : "Lorsqu’on ne partage plus les mêmes convictions, on se sépare". Et d’ajouter : "Par ce geste, j’ai invité le chef de l’Etat à respecter la Constitution". Question : A partir de quel moment, l’ex-secrétaire général du Mouvement de libération du Congo (MLC) s’est-il rendu compte que "Joseph Kabila" ne respectait plus la Loi fondamentale en vigueur?
Dans sa lettre adressée au Président sortant, Muamba parait évasif. Vague. Après avoir remercié celui-ci d’avoir fait preuve de "volonté républicaine" - en lui confiant le suivi et la mise en oeuvre de l’Accord-cadre d’Addis Abeba alors qu’il n’appartient pas à la Majorité présidentielle -, il note : "C’est aussi au nom de ce même esprit républicain, (...), que je suis amené à respecter vos choix et à assumer pleinement les miens. Ayant pris la mesure du temps et des circonstances que notre pays vit en cette année cruciale 2016, je vous précise que ma démission prend effet ce jour".
Une question mérite d’être posée : Muamba, qui a ses entrées dans certaines chancelleries occidentales, a-t-il été convaincu de quitter illico presto un régime qui ressemble de plus en plus à un navire sans boussole et dont le capitaine est devenu non seulement aveugle mais aussi sourd et muet?
Contrairement à l’explication qu’il a donnée à l’AFP, l’ex-coordonnateur du Mécanisme national de suivi ne fait guère mention de l’"invitation" qu’il aurait adressée à "Joseph Kabila" de "respecter la Constitution". Bien au contraire. "Je suis amené à respecter vos choix et à assumer les miens", écrit-il. Quels sont ces choix? Silence radio.
Au cours des journées de jeudi 14 et vendredi 15 juillet, les commentaires allaient dans tous les sens. "François Muamba a compris qu’il faut sauter du Titanic ivre fou avant de percuter l’iceberg", ironisait un analyste kinois. "La démission de François Muamba est tardive", enchaînait un autre. "C’est une démission opportuniste". D’aucuns suspectent "François" de vouloir rejoindre les rangs de l’opposition où il a évolué longtemps au sein de l’UDPS avant de rejoindre Mobutu Sese Seko au début des années 90.
C’est depuis le mois de décembre 2012 que l’ex-secrétaire général du MLC s’est rapproché de la mouvance kabiliste soit six mois avant la parution de l’ouvrage d’Evariste Boshab "Entre la révision de la Constitution et l’inanition de la nation". Dans ce bouquin, l’ancien secrétaire général du PPRD plaidait en faveur d’une révision constitutionnelle. En clair, il fallait faire sauter les verrous qui empêchent le "raïs" de briguer un troisième mandat.
Après Boshab, des caciques du PPRD ont répandu, à tort et à travers, des propos en termes à peine voilés sur la nécessité de modifier la Constitution. C’est le cas notamment du très sulfureux "pasteur" Théodore Mugalu, le chef de la Maison civile de "Joseph Kabila". Pour Mugalu, la loi fondamentale en vigueur ne contiendrait pas assez de mentions sur Dieu. Que dire du ministre en charge des Relations avec le Parlement, Tryphon Kin-Kiey qui a eu la "lumineuse" idée de lancer l’association "Kabila désir" en juillet 2014?
Dès le lendemain de sa désignation à la tête du PPRD, en avril 2015, Henri Mova Sakanyi a qualifié les opposants au dialogue initié par "Joseph Kabila" d’"ennemis de la République". Secrétaire général adjoint de la majorité présidentielle, Emmanuel Ramazani Shadari est allé plus loin en clamant la nécessité d’organiser un référendum constitutionnel.
En réalité, Ramazani Shadari n’a rien inventé. Qui oubliera la lettre n° CAB/PM/CJFAD/J.NK/2015 datée du 22 septembre 2015 par laquelle le Premier ministre Augustin Matata Ponyo transmettait au ministre de l’Intérieur et de sécurité Evariste Boshab "la loi portant organisation du référendum en République démocratique du Congo"? Une correspondance qui avait suscité un tollé.
Depuis 2013, toutes ces gesticulations n’ont cessé de confirmer la volonté de "Joseph Kabila" de s’accrocher au pouvoir en violation du prescrit constitutionnel. Personne ne pouvait l’ignorer. A fortiori un homme de grande qualité - au plan intellectuel - qu’est l’ex-numéro 2 du MLC de Jean-Pierre Bemba.
Qui oserait jeter la première pierre à François Muamba Tshishimbi qui a compris l’urgence de quitter le "Titanic"? Ne dit-on pas qu’il n’y a que les... qui ne changent pas d’avis? Question finale : Après Tshishimbi, à qui le tour?
B.A.W
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