Lundi 15 août, "Joseph Kabila" se trouvait à Goma, chef-lieu de la province du Nord Kivu, où il a présidé une de ces réunions folkloriques du "conseil supérieur de défense". C’était au lendemain des massacres intervenus samedi 13 août dans deux quartiers périphériques de Beni. A savoir : Rwangoma et Mbelu. Le chef de l’Etat sortant était attendu mardi 16 dans la ville meurtrie. Flairant un accueil glacial de la part d’une population courroucée, "Kabila" a "délégué" le très falot Premier ministre Augustin Matata Ponyo. Celui-ci n’a pas été applaudi...

Analyse

"Je suis venu vous présenter les condoléances du président de la République Joseph Kabila", a déclaré Augustin Matata à la mairie de Beni. Il était accompagné du chef d’état-major général de l’armée congolaise, le très mal nommé général Didier Etumba - dont le patronyme veut dire "bagarre" ou "rixe" en lingala - et du patron de la police nationale Charles Bisengimana.

La population venue l’écouter n’a pas attendu la fin de cette phrase. Des hués ont fusé de toutes parts. Au lieu de prendre ses cliques et ses claques, le "chef" du gouvernement a voulu jouer au plus malin en promettant l’arrivée imminente du ministre des Affaires sociales avec une "aide" du gouvernement. Des chahuts continuaient de plus belle : "corrompu!" , "démissionnez!".

La foule scandait également le nom du colonel Mamadou Ndala, le regretté commandant du 42ème bataillon commando de l’unité de réaction rapide des Forces armées congolaises assassiné le 2 janvier 2014. Un crime non élucidé à ce jour qui a été imputé précipitamment aux rebelles ADF, par Lambert Mende.

C’est devenu un rituel. Chaque fois que des populations de Beni sont tuées par des insaisissables rebelles ougandais de l’ADF, les autorités de Kinshasa s’empressent d’envoyer une "aide humanitaire". "On n’a pas besoin d’aides humanitaires, mais de la paix" a fulminé Germain Katembo, l’un des rescapés.

Dimanche 14 et lundi 15 août, l’opinion congolaise a suivi avec affliction la polémique pour le moins médiocre sur le nombre des victimes. Ministre de la Communication et des médias, Lambert Mende s’est arc-bouté sur le bilan officiel de 36 morts. Un avis balayé du revers de main par des activistes de la société civile de Beni qui font état de 51 civils "tués à la machette". "La société civile avance un bilan qui n’est pas objectivement vérifiable", rétorquait Mende lundi. Le maire de Beni, lui, parle de 42 morts. Qui croire?

En colère contre le gouvernement central qualifié d’incompétent voire de complice, les familles des victimes n’ont pas voulu entendre parler des "obsèques officielles". La grande majorité d’entre elles a procédé à l’inhumation des défunts. Selon l’AFP, quatre corps seulement se trouvaient encore, mardi 16 août, à la morgue de Beni. L’armée et la population y avaient déposé 36 cadavres.

Au commencement était l’AFDL...

Depuis le déclenchement de la guerre dite de "libération" ou des "Banyamulenge" en octobre 1996, les provinces congolaises du Nord Kivu, du Sud Kivu et l’ex-Province Orientale font face à une déstabilisation permanente. Celle-ci est orchestrée par des bandes armées tant nationales qu’internationales.

Ces trois Régions ont le signe particulier de partager des frontières communes avec l’Ouganda de Yoweri Kaguta Museveni et le Rwanda de Paul Kagame. Ceux des Congolais qui tirent profit du système incarné par "Joseph Kabila" feignent l’amnésie au point d’oublier que l’AFDL (Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo-Zaïre) n’a jamais été une création des Zaïro-Congolais mais bien une trouvaille du duo Museveni-Kagame.

Ancien bras droit de James Kabarebe, alors chef des troupes rwandaises déployées sur le sol du pays qui s’appelait encore Zaïre, "Joseph Kabila" est un pur produit de l’AFDL.

Depuis 2014, l’année du déclenchement des tueries à Beni, chaque attaque est imputée à des rebelles ougandais des Forces démocratiques alliées (ADF). La population, elle, décrit des assaillants portant l’uniforme de l’armée congolaise (FARDC).

Au mois de mars 2015, la police tanzanienne a interpellé un certain Jamil Mukulu, de nationalité ougandaise. L’homme est présenté comme étant le leader des ADF. Il a été transféré en Ouganda où la police locale l’a trouvé en possession de six passeports dont celui du Congo-Kinshasa. "Kabila" avait-il évoqué ce cas lors de sa rencontre avec Museveni, le 4 août dernier à Kasese? Rien n’est moins sûr.

Au lendemain de l’attaque du samedi 13 août, le ministre Mende a joué à fond la carte de la dramatisation - diversion? - en déclarant que le Congo-Kinshasa faisait face à une "menace djiadiste". Ajoutant que les derniers massacres à Beni étaient le fait des "groupes islamistes radicalisés". Etrangement, aucune attaque n’a été revendiquée jusqu’ici par les Djiadistes. Pire, aucun combattant "islamiste radicalisé" n’a été appréhendé à ce jour.

A tort ou à raison, d’aucuns viennent à soupçonner le pouvoir kabiliste d’être de connivence avec les assaillants. "Joseph Kabila poursuit la ’mission’ confiée à l’AFDL par Museveni et Kagame, commente un analyste. Il s’agit de maintenir le Grand Congo à genoux afin de préserver la sécurité nationale respective de l’Ouganda et du Rwanda".

Les autorités de Kinshasa semblent avoir trouvé un parfait bouc émissaire en la personne de l’ex-chef rebelle du RCD- K/ML Antipas Mbusa Nyamwisi, membre de l’ethnie Nande. Lambert Mende a pris l’habitude de présenter Mbusa comme étant le commanditaire des tueries à Beni. "En réalité, explique un observateur, Mbusa empêche ’Joseph Kabila’ de transformer les provinces du Kivu et de l’Ituri en une sorte de sous-colonies du Rwanda et de l’Ouganda. Les deux hommes se livrent à une guerre de leadership à l’Est".

Dans un rapport publié en avril dernier sur les massacres cycliques au Nord Kivu, un Groupe d’experts de l’université de New York a estimé que les présumés "ADF portent effectivement une part de responsabilité très importante dans ces massacres, mais au côté d’autres éléments armés, dont des soldats de l’armée régulière". En clair, la thèse des agresseurs portant la tenue des FARDC semble se confirmer. Les conclusions dudit rapport ont été rejetées par les autorités gouvernementales congolaises.

La ville de Beni recèle pas mal de mystères qui n’ont jamais été élucidés. Outre les massacres des paisibles citoyens, il y a l’assassinat le 2 janvier 2014 du colonel Mamadou Moustapha Ndala. Cet officier a perdu la vie dans un attentat attribué à l’époque aux rebelles ougandais de l’ADF...par le ministre Mende.

Le 18 janvier de la même année, le capitaine Moïse Banza, aide de camp du défunt colonel, est arrêté manu-militari par des éléments de la garde prétorienne de "Joseph Kabila" à Kinshasa. Deux années après, Banza n’a plus jamais été revu en public. "Moïse Banza était recherché depuis près d’une semaine pour ne pas avoir répondu à l’ordre de retourner à Beni et de se présenter devant la justice militaire". Qui parle? Lambert Mende. Lors du procès sur la mort du colonel Ndala, Banza n’a jamais été vu au prétoire.

Après avoir été chahuté par les habitants de Beni, Matata serait-il resté le même? On espère qu’à son retour dans la capitale, le "Premier" va s’occuper un peu moins des statistiques sur la "croissance macroéconomique" pour diligenter une enquête et déterminer les responsabilités sur les causes de la faillite sécuritaire à l’Est en général et à Beni en particulier.

On espère également qu’il aura enfin le courage de faire en sorte que la défense et la sécurité cessent d’être des "domaines réservés" d’un président de la République - qui a étalé son inaptitude - pour redevenir "des domaines de collaboration" (article 91-4 de la Constitution).

Baudouin Amba Wetshi
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