L’histoire d’un homme qui trahit pour la bonne cause.

Rome, 15 mars l’an 44 avant Jésus-Christ. Jules César, le tout-puissant empereur, gît agonisant par terre. Il se couvre alors la tête de sa toge et s’effondre au pied de la statue de Pompée, dans ce sénat romain qu’il avait pourtant défié en amoindrissant ses pouvoirs.

Le premier dictateur de l’histoire recevra 23 coups de poinçons, synonyme de victoire pour les « démocrates » sénateurs. L’un d’eux lui fut porté par Brutus, celui qu’il avait alors adopté comme fils, l’aimant sans doute comme un père. «Tu quoque mi fili [traduisez par + Toi aussi mon fils !+», se serait écriéle totalitaire dirigeant avant de rendre le dernier soupir. L’issue d’une guerre terrible entre la démocratie et l’absolutisme, la préve ultime que la trahison pouvait ainsi parfois jouer la salvatrice.

Plus de deux mille ans après, Marcus Junius Brutus a eu le temps de devenir le symbole même de la traîtrise dans sa forme la plus proche, celle qui touche les familles, les pères et les frères. Aussi, celle du moindre mal, pour la bonne cause: «trahir pour sauver», dirait-on. Car, si les 23 sénateurs romains ont décidé d’en finir avec Jules César, il aura été d’abord question de restaurer la démocratie au cœur de cet empire précurseur en la matière.



En République démocratique du Congo, de fil en aiguille, les grands hommes ont tous ainsi connus leurs « Brutus ». De Patrice Emery Lumumba à Joseph-Désiré Mobutu, en passant par le fameux «même toi Donatien » de la première dame Bobi Ladawa, accusant le général Donatien Mahele de traîtrise, ou encore de Mzee Laurent-Désiré Kabila qui aurait pu dire la même chose de…., de… son garde du corps « tant aimé », Rashidi ; la trahison fut pour tous ces traîtres une décision lourde à porter, mais a toujours aboutie sur des avenirs moins sombres….

« Tu quoque Félix mi », aurait pu sans doute dire Étienne Tshisekedi, le baobab de l’opposition tombé en février dernier, plongeant tout un pays dans l’incertitude, et qui reste pourtant coincé dans le frigo de la morgue de l’hôpital Sainte-Élisabeth de Bruxelles, loin de son Congo natal. Son fils Félix-Antoine Tshisekedi a eu les épaules larges pour assumer la responsabilité de ce qui est dénoncé ici comme une « trahison de la mémoire de son père », pour citer Bruno Tshibala, ancien bras droit d’Etienne Tshisekedi, et désormais en guerre ouverte contre le fils du Sphinx.

En effet, alors qu’Etienne Tshisekedi mourrait à petit feu, l’homme a servi de sacrifice, balisant le chemin à son fils, jusqu’aux portes de la Primature. Jacquemin Shabani, Bruno Mavungu ou même Valentin Mubake en ont fait les frais. Néanmoins, alors que la politique est basée sur la non-tenue des promesses et le non-respect des accords, Félix n’a eu d’autres choix que miser sur la dépouille de son père pour franchir le portique de ce poste de Premier ministre.

Cependant, comme Brutus, Félix Tshisekedi n’est pas qu’égoïste. En face de lui, un homme tout aussi redoutable que fin tacticien. Dictateur pour les-uns, Guide éclairé pour les autres, Joseph Kabila est rusé et habile à la manoeuvre politique. De plus, cet écart de l’héritier du Sphinx est soutenu par « la base ». Cette meute de militants de l’Union pour la Démocratie et le Progrès Social (UDPS) qui jadis prenaient les déclarations de leur Lider-Maximo comme des véritables Fatwa, ne jurent à présent que sur le départ de Kabila, ultime consécration d’un combat qui a duré plus de trente ans. « La fin justifie les moyens », disent-ils.

Toutefois, plus les jours passent, moins la décision salutaire de Félix Tshisekedi parait judicieuse. Dans une configuration où le Pouvoir est prêt à payer pour faire avancer le temps, les opposants congolais jouent ainsi le mauvais rôle. Des gens «sans scrupules et capables de prendre la dépouille de leur leader en otage», pour reprendre l’expression d’un cadre de la Majorité Présidentielle. « Les morts sont sacrés chez nous autres africains« , entonnait Lambert Mende. De plus, l’Eglise catholique, qui a longtemps aidé à servir d’entremetteur entre les deux parties, vient de jeter l’éponge, fatiguée par les tirailleurs de la Majorité Présidentielle.

La Primature de Félix Tshisekedi et le salut du peuple congolais conditionnés par le retour de la dépouille du Baobab de Kananga à Kinshasa ne dépendent plus que de la bonne foi du président Joseph Kabila. Libre arbitre, juge et partie dans cette crise sans précédent. « Malheureuse vertu ! Tu n’étais qu’un mot ; je te cultivais comme une réalité, et tu étais l’esclave de la fortune », s’est écrié Brutus à sa triste fin; Félix et « le Peuple » risquent peut-être de beaucoup déchanter de la même manière.

Litsani Choukran,
Le Fondé.
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