Depuis plusieurs semaines, le président hors mandat Joseph Kabila multiplie les échanges de visites avec les dirigeants des pays voisins. La Libre Afrique.be a consulté diverses sources dans la région et à l’extérieur; la majorité d’entre elles considèrent que cette inhabituelle activité diplomatique exprime l’inquiétude des pays voisins face à la situation en République démocratique du Congo (RDC), tandis que Kinshasa tente montrer que le régime n’est pas isolé.

Voilà des mois que Joseph Kabila s’échine à faire valoir auprès de ses voisins que si les Présidents du Burundi, du Rwanda et du Congo-Brazzaville sont arrivés à éliminer la limitation constitutionnelle à deux mandats présidentiels maximum, on devrait le laisser en faire autant. Mais tous les régimes ne sont pas égaux.

Si l’on sait les dirigeants de la région généralement peu sensibles aux exigences de l’Etat de droit, il n’en va pas de même pour celles de leur sécurité. Or, si plusieurs des voisins de la RDC ont réussi à se concocter une solution « légale » pour s’incruster au pouvoir, eux, contrairement à leur grand voisin, contrôlent leur territoire. Le Botswana – qui a demandé cette semaine « plus de pression » sur Kinshasa pour que le président hors mandat et interdit de se présenter à un nouveau mandat cède enfin le pouvoir – l’a rappelé: « Nous continuons à être les témoins d’une aggravation de la situation humanitaire dans ce pays, principalement parce que son dirigeant a persisté à retarder les élections et a perdu le contrôle de la sécurité ».

Méfiance croissante de la SADC

La colère de Kinshasa face à cette déclaration jugée « arbitraire » ne peut dissimuler la méfiance croissante de la SADC (communauté d’Afrique australe, dont la RDC est membre) face au Congo et à son incapacité de contrôler son territoire. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si Joseph Kabila n’a pu trouver le temps, depuis novembre, de fixer une date pour l’arrivée à Kinshasa de l’Envoyé spécial de la SADC pour la RDC, l’ex-président namibien Hifikepunye Pohamba, ni de lui trouver des locaux pour ses bureaux.

Comme la Tanzanie, le Congo-Brazzaville, l’Angola et la Zambie s’inquiètent de l’afflux de réfugiés chez eux. Depuis l’arrivée au pouvoir du successeur d’Eduardo Dos Santos, l’agacement angolais est plus marqué car, pour mener les changements qu’il a entrepris, le nouveau chef de l’Etat, Joao Lourenço, a besoin de stabilité à ses frontières. Luanda refuse de rouvrir celle avec la RDC comme le souhaite Kinshasa pour accréditer l’idée d’un retour à la normale au Kasaï (où, en réalité, les activités rebelles reprennent peu à peu après le choc de la terrible répression de 2017). La réunion tripartite à Kinshasa, à la mi-février, des présidents Kabila, Lourenço et Sassou a donc été tendue: même si Kinshasa a tenté de la faire passer pour un appui à sa politique, il y a eu, en réalité, insistance pour que les élections promises pour décembre aient bien lieu, cette fois.

Le nouveau président sud-africain, Cyril Ramaphosa, sera moins indulgent pour le régime de Kinshasa que Jacob Zuma, dont le neveu avait d’importants intérêts en RDC; et il n’apprécie sûrement pas le peu de respect de M. Kabila pour l’Envoyé spécial désigné par la SADC, dont Pretoria est la locomotive. Quant à l’entrevue du président Kabila avec son homologue zambien, Edgar Lungu, la semaine dernière à Lusaka, elle se serait « mal passée ».

Que veut le Crocodile?

Le cas du Zimbabwé est moins clair. Alors qu’on s’attend à son élection dans quelques semaines, le successeur de Robert Mugabe, le président intérimaire Emmerson Mnangagwa, en visite à Kinshasa mardi et mercredi, a dit espérer l’accroissement des relations d’affaires entre les deux pays. Il faut se rappeler que celui que les Zimbabwéens appellent « le Crocodile » avait monté avec Kabila père le schéma affairiste qui avait permis à ce dernier de rembourser « au Zimbabwe » son aide militaire, en donnant des mines congolaises de diamant à des militaires zimbabwéens proches de M. Mnangagwa. Le rapport de l’Onu du 15 octobre 2002 citait celui-ci comme un des principaux pillards du Congo. L’avenir dira quelle sera la collaboration entre les deux Présidents.

Le Burundi soutient le régime Kabila – qui copie la dérive de son homologue de Bujumbura – mais n’a guère d’audience ni de puissance, même si l’on voit son influence dans la transformation en cours de la jeunesse du parti présidentiel congolais PPRD en milice. Le Rwanda se fait discret, après avoir été sanctionné par les Occidentaux pour son rôle dans la rébellion du M23, vaincue par l’armée congolaise en 2013 avec l’appui décisif des casques bleus onusiens; mais le président Paul Kagame, président en exercice de l’Union africaine, surveille de près sa frontière avec la RDC.

Le chef d’Etat rwandais est-il étranger au projet de visite conjointe à Kinshasa du président de la Commission africaine, le Tchadien Moussa Faki, et du secrétaire général de l’Onu, le Portugais Antonio Guterres – sensible aux questions de droits de l’Homme et aux problèmes de l’Angola? Le gouvernement Tshibala a donné son accord de principe, mercredi, pour une telle visite, mais la date n’en a pas été fixée. Il y a clairement peu d’enthousiasme, à la Présidence congolaise, pour recevoir ces deux interlocuteurs qui ont annoncé leur intention de parler des élections du 23 décembre.

Au total, l’activité diplomatique est intense mais loin d’être un soutien au régime Kabila.

Analyse par Marie-France Cros.

afrique.lalibre.be
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