Le Bloc commercial de Bandalungwa, naguère réputé comme seul endroit spécialisé dans la cuisson du chinchard à Kinshasa, a perdu son monopole. Car, depuis quelques années, la ville de Kinshasa compte plusieurs autres sites. En l’occurrence, celui situé à l’entame de la direction Shaba, non loin de l’église La louange, dans la commune de Kasa-Vubu. Reportage.

10heures. Chaises et tables en plastique, sont bien en place. Toutes, disposées dans un ordre qui suggère une réception. On n’attend plus que l’arrivée des invités. Pas le moindre son de musique. Des barbecues en plein air et enfumés, répandent la senteur d’un poisson bien assaisonné. 17 heures, le site grouille. Pas suffisamment de parking. Une cinquantaine de véhicules sont parqués le long de l’artère. Ceux qui quittent le lieu, sont aussitôt remplacés. Nous voici donc sur Shaba, dans la commune de Kasa-Vubu. Précisément dans son tronçon compris entre les avenues Kanda-Kanda et Lokolama.
Si Kapela, au quartier Yolo Nord de la commune de Kalamu, doit sa notoriété à sa viande de porc, Shaba doit la sienne à son chinchard. Alors qu’à Kinshasa, ce poisson de mer au corps fusiforme, est considéré comme réservé aux familles sans ressources, le chinchard communément appelé " Thomson " ou "Mpiodi" dans la capitale congolaise, constitue un véritable festin de Balthazar et draine une foule hétérogène sur Shaba. Hommes et femmes, toutes catégories sociales confondues, y prennent rendez-vous.
Même si le gout et les couleurs ne se disputent pas, sur Shaba, les inconditionnels du site semblent avoir le même goût : le " Thomson " braisé ! Servi soit avec la chikwangue (Ndlr : aliment à base de manioc, servi comme aliment d’accompagnement à Kinshasa et dans la plupart des communautés de l’arrière-pays), soit avec la banane plantain. A chacun son choix. Cependant, une seule constance : le prix. 7000Fc, 6500Fc ou 6000Fc, selon que le client a commandé la banane ou la chikwangue. Pas étonnant d’y rencontrer des femmes ménagères qui passent des commandes à emporter !
Selon des renseignements recueillis sur place, la cuisson du chinchard sur Shaba remonte à fin 2008, début 2009. C’est vers ces années-là, que des propriétaires de barbecues ont commencé progressivement à occuper le site. Mais, c’est plus pendant l’année 2011 que Shaba a pris de l’ampleur. " J’ai habité ce coin depuis mon jeune enfance. C’est à l’an 2011 que Shaba a reçu une forte affluence. Des personnes en provenance de différentes communes de la ville, viennent pour manger du " Mpiodi " braisé. Pourtant, pendant les années antérieures, ce n’avait jamais été le cas", renseigne souriant, un natif du coin.

LE SECRET D’UN SUCCES
On dit souvent du Kinois, qu’il est " snobe " dans le boire et le manger. Les cuisiniers en plein air sur Shaba, ne l’ignore pas. Fort de ce jugement " attributif ", ils prennent désormais, le soin de leur art. Le tout, dans le but de séduire leurs clients.
Le chinchard braisé, présenté sur une porcelaine, est garni de minces morceaux de tomate rouge crue et de tranches d’oignon. L’ensemble, imbibé d’une légère couche d’huile végétale. Pas tout.
Au coin de l’assiette, quelque deux cuillérées soit de mayonnaise, soit du Ketchup. Tout dépend du goût et de la commande du client. Le chinchard de Shaba tient principalement son succès à l’habileté de ses cuisiniers.
Par ailleurs, le calme du lieu est un autre facteur d’affluence. Si nombre de Kinois préfèrent des endroits très mouvementés où la musique est jouée à tue-tête, d’autres choisissent des lieux reposants. Et, Shaba compte parmi ses sites " insonorisés " de la ville. Situé à un jet de pierre de l’Eglise la Louange, le " resto " de chinchard, en plein air sur Shaba, se distingue par son calme.
" Ici, il n’y a pas de tapage sonore. Souvent, j’arrive en ce lieu aux alentours de 16 heures, aussitôt que j’ai fini mon travail. Une fois arrivé, Je commande mon poisson et ma bouteille bien fraiche de Tembo. Pendant que j’attends d’être servi, je peux parler calmement au téléphone. Et dire que la quiétude qui caractérise ce milieu, permet de réfléchir. Ce qui n’est pas le cas dans plusieurs autres endroits de la capitale ", confesse un client.

LE PRIX, UN APPAT
En plus de la qualité de la cuisine, le prix est aussi un autre appât. " Nous offrons le poisson à des prix hors concurrence. Ici, nous avons une forte clientèle à cause des prix fixés au rabais. Nos prix oscillent entre 6.000 Fc et 6.500 Fc, sans accompagnement et selon la grandeur du poisson, alors qu’ailleurs,le même chinchard est négocié à 10. 000 voire 15.000 Fc, ou même à 10$. Chez nous, un groupe de cinq clients peut, moyennant 20$US, manger à satiété", déclare Mme Barbie, doyenne du site et très connue sous le sobriquet de " Grand prêtre mère ".
Sur Shaba, le client est roi ! Par conséquent, il doit être bien accueilli. C’est aussi ça, un autre secret de l’engouement que l’on y observe. " Je ne prépare pas. Mon rôle se limite à la vente. Les clients acceptent de venir manger ici, parce qu’ils sont bien accueillis. Notre spécialité, c’est le chinchard. Ceux qui aiment l’ambiance viennent à partir de 15 heures ou 16 heures pour manger et se détendre. L’accueil fait partie de ce qui attire la clientèle ", s’exprime un jeune homme préposé à l’accueil et connu sous le pseudonyme de " Vie ".

UN ACCUEIL SANS DISCRIMINATION
Un point de vue que partage M. Gérard, un maître cuisinier sur Shaba. " Un travail bien fait autant qu’un bon langage, attirent la clientèle. C’est important dans ce que nous faisons. On peut se distinguer dans la cuisine, mais quand le langage n’est pas châtié, la conséquence est fatale. Personne n’osera venir vers vous. Ne serait-ce que pour déguster ", dit-il.
Outre l’accueil, M. Abdoul, pour sa part, loue la propreté qui caractérise Les mets du Shaba. " La nourriture est propre et saine, en dépit du fait que nous ignorons ce qu’ils y mettent comme épices. Tous les clients sont gérés de la même façon, sans discrimination de classes sociales. Cela me touche énormément. A vrai dire, à l’arrivée, les petits viennent m’accueillir et d’autres clients y compris. Ça fait vraiment plaisir. Voilà pourquoi j’aime bien passer mon temps ici par apport à d’autres endroits ", dit-il.

UNE BONNE RECETTE JOURNALIERE
Le marché de chinchard se porte bien sur Shaba. Et, c’est une bonne affaire pour les responsables de grill-rooms. "Par jour, je peux vendre un carton et demi de chinchards. Ce qui fait que je réalise de bonnes recettes journalières. Surtout les week-ends. Car, c’est souvent samedi et dimanche que nous recevons beaucoup plus de clients que d’ordinaire ", se réjouit Yannick Mampasi, l’un des vendeurs du chinchard braisé sur Shaba.
Les cuisiniers de la place Shaba n’ont pas d’heure fixe pour vendre leur chinchard. Dans un site comme celui-ci, où les clients se relayent, les vendeurs se voient obligés d’aller parfois jusqu’au-delà de minuit. Si les clients, dont les habitations sont non loin du lieu, achètent parfois de bonne heure, ceux des clients se recrutant parmi les employés et autres étudiants, y arrivent généralement soit en fin de matinée, soit carrément en début d’après-midi. C’est cette vacation à des moments différents, qui oblige les vendeurs à être à l’heure sur les lieux.
Tania MUBUADI et Nancy KAPITA, sous la coordination de Laurel KANKOLE
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