Hubert Kabasu Babu Katulondi (Libre-penseur et Ecrivain, Directeur et Co-Fondateur USLGA/CRIDD)

Pour la première fois, après 58 ans d’indépendance, le nouveau Président de la R.D Congo héritera d’un Etat fonctionnel, d’un système politique et légal équipé, d’une économie productive et surtout d’une nation unie et en paix. Cela veut dire qu’au-delà de l’appréciable transfert pacifique du pouvoir au sommet de l’Etat, Joseph Kabila léguera aussi à son successeur un pays sur les rails de la démocratisation et sur la piste du décollage vers l’émergence. Dans l’hypothèse où Emmanuel Shadary remporterait l’élection présidentielle, il reprendrait un Etat en meilleur état que ne l’avait repris son prédécesseur. Vérité historique et matérielle absolument immarcescible par le négativisme partisan.Je propose l’exploration de quelques tableaux cogitatifs illuminant cette vérité.

1. UN BILAN DE CLOTURE PLUS SUBSTANTIEL VERSUS LA VACUITE DU BILAN D’OUVERTURE EN 2001.

Certes, les déficits et déficiences sont innombrables. Mais, très souvent, et avec une frivole condescendance, les thuriféraires de J. Kabila exigent son bilan de clôture en ignorant que celui-ci ne peut être intelligemment évalué sans connaissance du bilan d’ouverture. C’est-à-dire sans une préalable détermination quantitative et qualitative du patrimoine ainsi que des capacités structurelles et productives de l’Etat Congolais, dans son Actif et son Passif, lorsque Joseph Kabila à qui l’on demande le bilan de clôture avait pris en mains la gestion dudit Etat.Force est de souligner que J. Kabila avait repris en mains un Etat complètement ruiné et en faillite. MzéL.Kabila n’avait pas eu le temps, et encore moins le contexte, pour le reconstruire. L’ex-Zaïre avait été cannibalisé/mafiotisé pendant 32 ans par un régime kleptocratique (voire mon ouvrage Des Ruines du Zaïre vers le Congo Emergent). Selon le politiste Américain William Reno, le Zaïre était déjà un "ghost state" (Etat fantôme) dans les années 1980s. Collette Braeckman parle, elle, du Zaïre comme un "Etat sinistré" â la même époque.Crawford Young et Thomas Turner dans leur ouvrage The Rise and Decline of the Zaïre State décrivent le Zaïre de Mobutu comme un "Etat pagaille". Dans les années 1990 jusqu’en 2003, le Zaïre déchiré par les guerres et redevenu Congo fut un "Etat écroulé et disloqué", selon René Lemarchand.Sous cette lumière donc, Il est démagogique et onirique (sinon puéril), de claironner qu’on peut transformer un pays cannibalisé pendant trois décennies,en faillite et disloqué pendant une décennie par la seule "Guerre Mondiale Africaine" de l’histoire, et ayant connu une croissance négative de plus de 10 % sur plus de deux ans (1992-1993), en un pays où tout le monde mange à sa faim et les routes lient l’ouest à l’est, le nord au sud, en 17 ans de pouvoir - dont 11 ans seulement de règne à légitimité électorale. Le Rwanda dont l’expérience de guerre est plus proche de celle de la RDC a amorcé sa reconstruction sans interruption depuis 1994 (24 ans de reconstruction continue). La RDC n’amorcé sa relance avec une relative stabilité qu’en 2006 (12 ans de reconstruction cohesive).

2. "UN ETAT EN MEILLEUR ETAT QUE NE L’AVAIT REPRIS LE PREDECESSEUR" : UNE PROUESSE HISTORIQUE

Aujourd’hui, le Congo est sur le point de vivre une succession présidentielle d’une portée historique rarissime sur le continent. Dans la SADC c’est presqu’un miracle. Joao Lourenco a hérité d’un Angola à l’économie exsangue. Les puits de pétrole sont presqu’épuisés. L’Angola est endetté à plus de $19 milliards. Lourenco est pratiquement en train de quémander $3,5 milliards à la communauté internationale pour éviter la faillite de son pays. Au Zimbabwe c’est pire. Emmerson Mnangagwa a repris un Zimbabwe en déliquescence économique. L’Etat Zimbabwéen est presqu’en cessation de paiement. L’inflation est astronomique. Les fonctionnaires sont payés en milliards de dollars Zimbabwéens. En Afrique du Sud, Cyril Ramaphosa est monté au trône présidentiel après que son prédécesseur a plongé le pays dans la spirale de la récession avec le fameux "State capture". Aujourd’hui, Ramaphosa vit un vrai cauchemar avec une économie en récession. Elle est plombée par le secteur agricole ayant connu une vertigineuse décroissance de 29 %. Le PIB ne parvient pas à grimper même à plus de 0,5 % ! Lorsque que Frederik Willem de Klerk avait transféré l’Afrique du Sud à Nelson Mandela en 1994, ce pays était la première puissance économique africaine. L’Afrique du Sud est aujourd’hui presque reléguée à la troisième place dans le classement des économies africaines. La criminalité a atteint les proportions d’une vraie guerre civile avec plus de 57 meurtres criminels par jour.
En revanche, la RDC va vivre et offrir au monde un notable exemple historique non seulement de l’alternance démocratique au sommet de l’Etat, mais aussi du transfert d’une dynamique de reconstruction ascendante d’un Etat jadis fantomatique. En effet, le nouveau président(qu’il soit du FCC ou de l’opposition) va hériter d’un Etat porteur des institutions démocratiques et stables au plan central et provincial. Les finances fructueuses ont été propulsées de moins de 800 millions en début de l’année 2001à plus de $ 5 milliards en 2018. Une économie productive avec un PIB catapulté de moins de $ 4 milliards en 2001àplus de $41 milliards basé sur un cadre macro-économique stable avec une inflation maîtrisée. Celle-ci a été réduite de plus de 2.000 % dans les années 1990à moins de 5 % en 2018 (voire moins 1% en 2014). La dette colossale (un passif écroulant dans le bilan d’ouverture en 2001) dont avait hérité J. Kabila, à plus de $14 milliards (presque 330% du PIB en 2001), a été effacée après l’application des reformes financières rigoureuses. Et plus remarquable, la production économique dont le principal produit, le cuivre, avait chuté de $450.000 tonnes par an dans les années 1980 à moins de 45.000tonnes en 2001, a été véritablement catapultée à plus de 1.000.000 de tonnes par an. Le prochain président Congolais n’héritera donc pas d’un pays complètement sinistré, en faillite, dénué d’institutions démocratiques, comme ce fut le cas avec Joseph Kabila (…Joseph Mobutu hérita aussi d’un Congo détruit. Il parvient à le reconstruire, mais ensuite il le cannibalisa et le laissa en lambeaux et dans l’abysse). Aujourd’hui, les fondamentaux sont bien en place au plan constitutionnel, institutionnel, budgétaire et financier, économique et macro-économique, et social. Les poches d’insécurité résiduelle à l’Est vont bientôtêtre démantelées par les FARDC grâce aux hélicoptères de combat neufs acquis récemment. Bis repetita placent : le nouveau président héritera d’Un Etat en meilleur état que ne l’avait repris le prédécesseur dans son bilan d’ouverture.

3. L’HYPOTHESE DE R. SHADARY AUX COMMANDES:VERS LA VELOCITE ET L’ÉLARGISSEMENT DE LA MODERNITE

Le scenario d’une succession de J.Kabila par Emmanuel R. Shadary, qui est du registre du plausible, suscite des supputations dans les sens divers. En termes de vision, du programme électoral, et ensuite le programme de gouvernement, il y aura rupture ou continuité ? Au point de vue gouvernologique (voire mon ouvrage intitulé "La Gestion Politique du Programme de Gouvernement), une telle interrogation est axée sur le postulat d’une improbable dichotomie.Cette improbabilité repose sur trois raisons fondamentales du prisme idéologique et gouvernologique. Ce dernier aspect est lié au cadre général de la planification stratégique de l’Etat déjà en place. Même si un candidat autre que celui du FCC l’emporte, ce cadre logique est incontournable.
Primo, J.Kabila et R. Shadary souscrivent au même corpus d’idées-forces nationalistes-souverainistes, socio-démocratiques, et au projet de société du PPRD. Déjà au plan de la rationalité substantielle de tout programme qu’il concevra, Shadary ne peut pas intellectuellement s’écarter de cette normativité idéologique. Il penchera donc immanquablement vers le renfoncement de l’efficacité de l’Etat, la cohésion sociopolitique, la diversification de l’économie par le capitalisme d’Etat (souverainisme économique pour mieux contrôler les opérations des minerais), l’intensification du financement des infrastructures et l’élargissement des allocations sociales en vue de réduire la pauvreté et soulager les difficultés sociales de la population.
Secundo, pendant les deux législatures où l’Honorable Shadary a œuvré à l’Assemblée Nationale, il a été au cœur des dynamiques politiques ayant conçu, légiféré et exécuté la vision stratégique du régime et ses programmes de gouvernement subséquents (5 Chantiers,Révolution de la Modernité). A ce sujet, il convient aussi de relever le soutient déterminant de Shadary comme président du caucus de la majorité, dont ont bénéficié les premiers ministres Muzito et Matata dans une Assemblée Nationale tumultueuse. En d’autres termes, Shadary en est aussi co-architecte politique du régime, de ses différents programmes de gouvernement et de ses politiques publiques : il ne peut raisonnablement pas élaguer les produits de sa sueur.
Tertio, plus fondamental et donc plus déterminant, la Révolution de la Modernité est en réalité une orientation programmatique intégrée dans la configuration de la planification stratégique de l’Etat encastrée dans un cadre logique (logframe) précis. Celui-cijouit d’un large consensus en diagnostiques, hypothèses et prescriptions stratégiques, entre les experts nationaux et internationaux - notamment les scientifiques/technocrates Congolais du secteur de la planification de l’Etat et ceux de la Banque Mondiale, du FMI, du PNUD, de la Banque Africaine de Développement. En d’autres termes, la Révolution de la Modernité comme orientation de l’opérationnalisation d’une planification stratégique nationale est arrimée au Plan National Stratégique de Développement (Le PNSD).

" VERS L’ACCELERATION ET L’ELARGISSEMENT DE LA REVOLUTION DE LA MODERNITE APRES SES CONTRADICTIONS

A la lumière des trois aspects éclairés ci-dessus, on peut donc affirmer qu’Emmanuel R. Shadary ne va pas, au point de vue de l’orientation stratégique et de la substance, tant de son programme électoralque des programmes de gouvernement qui s’en suivront (Dieu seul sait combien de premiers ministres le régime Shadary aura en 5 ans), il va demeurer dans la vision de la Révolution de la Modernité. Il peut en changer l’appellation, mais l’idéologie, la vision, et les finalités vont demeurer constantes. La seule possibilité qui s’ouvre devant lui est celle de l’accélération et l’élargissement de cette modernité. Comme toute révolution, elle a connu ses contradictions.
Par ailleurs, elle a été insuffisamment conceptualisée, avec un enracinement très superficiel au point de vue de la doctrine de gauche. Ses théoriciens l’ont réduite aux accomplissements infrastructurels, alors que la modernité possède une superstructure ontologique (au sens hégélien). Bien plus, la Révolution de la Modernité a été très parcellaire. Elle s’est limitée à quelques coins de trois villes et deux espaces géopolitiques : l’Est et l’Ouest. Le Centre du pays a été abandonné dans ses ruines d’origine mobutiste.
Donc, tout en demeurant dans la même vision, Emmanuel R. Shadary devra impérativement repenser la Révolution de la Modernité. Et cela dans l’enclenchement d’un mouvement de réinvention sociétale (y inclus la réinvention de l’homme Congolais) stimulé par la force vitale de l’Ubuntu et enraciné dans le remodelage épistémique comme le prescrit le Professeur Emérite Mudimbe. Shadary l’homme au chapelet des distinctions académiques en Sciences Politiques à l’UNILU doit absolument augurer l’ère de l’intelligence développementale en RDC. Ce pays est à un tournant historique : il a la possibilité inouïe de se catapulter vers son destin par la célérité de sa marche vers l’émergence. Joseph Kabila a connu d’innombrables étreintes et contraintes. Son successeur aura une tache moins compliquée, facilitée par la reprise de la RDC avec un meilleur bilan d’ouverture et l’existence des fondamentaux. Shadary devra donc être hautement plus ambitieux, avec des projets structurants hyper-productifs actionnant un développement intensif. Il devra initier une gigantesque et expansive entreprise de reconstruction équitable dans toutes les provinces. Il s’agira non pas d’un plan Marshall (un concept galvaudé) mais d’un plan Pharaonique. Celui-ci devra être conçu aux dimensions colossales du sous-continent Congolais et à la hauteur de son destin de puissance Africaine, dans la mystique continentale du Congo incarnant la nouvelle Egypte Kémétique de la Maât. Cette grandiose entreprise devra être tractée par la volonté de puissance couplée à un robuste imaginaire comme préconise le Philosophe-Théologien Congolais Ka-Mana.
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