A la tête de la Coalition pour le Changement - l’un des regroupements de mouvements d’opposition pour les élections -, Félix Tshisekedi s’est révélé, tout au long de la campagne, un homme responsable, non conflictuel. Aujourd’hui encore, dans l’attente des résultats, il joue la carte de l’apaisement et de la sérénité.

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élix Tshisekedi, à la tête de la Cach (Coalition pour le Changement), s’est révélé, aux côtés de Vital Kamerhe son vice-président et directeur de campagne, un homme responsable, non conflictuel. A Limete, voici huit jours, nous l’avions vu exhorter à la patience des électeurs rendus enragés par une panne qui durait depuis le matin et, finalement, c’est Corneille Nangaa lui-même qui vint remplacer la machine défectueuse en fin d’après-midi, permettant aux Kinois d’émettre leur vote jusqu’au-delà de minuit.


On se souvient que, le premier, alors que Martin Fayulu parlait encore de détruire la « machine à tricher » Tshisekedi s’était déclaré confiant du fait que le Congo irait de toute manière aux élections et il avait accepté le report d’une semaine décidé par la Ceni pour des raisons techniques. Cette fois encore, alors que la Ceni explique que, dans les centres de compilation, le travail avance mais n’est pas encore terminé et réclame un nouveau délai avant de proclamer le résultat final, le leader de l’UDPS - Union pour la Démocratie et le Progrès social - se montre serein. Logique aussi : « ne faisant pas confiance au comptage électronique, nous, dans l’opposition, nous avions exigé un comptage manuel. Or ce dernier prend évidemment plus de temps, il nous faut l’accepter… Il est possible que la Ceni, se fiant au verdict électronique, possède déjà le résultat final, mais elle ne peut l’annoncer puisque le seul résultat qui aura de la valeur est celui qui sera issu du décompte manuel… »
« Ramener la paix »


Ayant longtemps vécu en Belgique, Félix Tshisekedi, durant sa campagne électorale, s’est rendu à l’intérieur du pays, dans le Congo profond, et en particulier dans les provinces de l’Est, fief de son colistier Vital Kamerhe. Il en est revenu bouleversé, par l’accueil chaleureux qui lui a été réservé, par l’espoir de changement, mais pas seulement : « là-bas, les conditions de vie sont terribles. Les gens vivent dans une insécurité, une incertitude totale, leur vie est une loterie. Ma priorité, pour ces régions de l’Est mais aussi pour le Kasaï, c’est de ramener la paix. Moi-même, alors que je voulais me rendre à Butembo par la route, j’ai dû y renoncer car c’était trop dangereux. On m’a fait comprendre que tout pouvait arriver… Cette situation est d’autant plus scandaleuse que le sous-sol de ces régions est incroyablement riche. Revenant de là, je me suis juré de tout faire pour ramener la paix, pour réconcilier le Congo, le mettre vraiment sur la voie du développement. »


Pour Félix Tshisekedi, dont le père, Etienne, était le premier juriste formé après l’indépendance, « il est urgent de rétablir un Etat de droit, de réhabiliter l’administration. Dans ces régions où je suis allé, j’ai constaté que l’Etat n’existait plus. La première chose à faire, c’est d’organiser un recensement, afin d’identifier la population de manière exacte, son nombre, ses besoins… Il est urgent aussi de combattre ce que nous appelons les « anti valeurs », d’éradiquer la corruption, de lutter contre l’impunité. Je veux que le Congo redevienne un Etat de droit, dont le premier citoyen, le chef de l’Etat, sera au service de tout le monde… Il faut aussi redistribuer autrement les richesses, miser sur l’éducation : l’enseignement doit être obligatoire, et gratuit aussi, pour tout le monde. On parle beaucoup des ressources minières de mon pays. En premier lieu, je veux que leur exploitation se fasse dans la transparence, la clarté. Sans vouloir remettre en cause les contrats miniers, je veux qu’ils soient établis dans la transparence, sur le principe du « win win », gagnant gagnant ». Et d’insister : « Finis les contrats opaques : il faudra que chacun puisse rendre des comptes, à tous les niveaux. Cependant, j’insiste aussi sur le fait que l’on ne peut pas tout attendre des mines : la véritable richesse du Congo, c’est l’agriculture. Alors que nous possédons 80 millions de terres cultivables, les gens ont faim, c’est un véritable scandale. C’est aussi l’agriculture qui donnera des emplois… »


A nouveau, Félix Tshisekedi parle d’apaisement : « pour ce qui concerne la gestion du pays, je veux ramener la confiance. Et dans l’immédiat, à quelques jours de la proclamation des résultats, je lance un appel au calme. Il faut attendre que les résultats remontent des provinces, des régions reculées. De toute manière je rappelle que le résultat qui sera annoncé par la Ceni ne sera jamais que provisoire, qu’ensuite s’ouvrira le temps des recours, avant la proclamation des résultats définitifs. Tout ce processus exigera de la patience. Je n’approuve pas le fait qu’au départ des observations de la Cenco (la conférence des évêques catholiques, NDLR), qui a participé au monitoring des élections, la coalition Lamuka ait déjà inondé les réseaux sociaux. La Cenco a peut-être fait une erreur dans sa communication, Lamuka en a profité et cela pousse les gens aux extrêmes… Moi je dis simplement qu’il faut attendre la fin du travail de compilation, et sur la base des informations que nous, nous possédons, je suis confiant. »
« Un satisfecit »


Ayant été l’un des premiers à accepter l’usage de la machine à voter, Félix Tshisekedi, huit jours après le vote, ne retire pas sa confiance à Corneille Nangaa, le président de la Commission électorale : « certes, il y a eu des incidents, des temps d’attente, mais globalement cela s’est bien passé. Mon verdict, c’est un satisfecit… Et la machine, tant décriée, a finalement fait ses preuves. Je crois même qu’à l’avenir, on pourra maintenir ce système… »


Félix Tshisekedi écarte toute perspective de désordres sinon de violence lorsque les résultats seront proclamés : « il ne faudra pas se livrer à une chasse aux sorcières, nous devrons éviter les règlements de comptes. Lorsque nous nous trouverons dans un Etat de droit, nous aurons besoin de tout le monde. Il ne faut pas qu’il y ait des frustrations… Vous savez, les dissensions entre Congolais ne sont pas insurmontables. Il faudra pardonner, tirer un trait sur le passé. Le nouveau leader du pays devra rassembler tout le monde et construire le Congo de demain. Il est temps de rendre espoir à une jeunesse qui doit être encadrée, bénéficier des richesses de son pays… »


Le fils de l’ancien leader charismatique de l’opposition ne part pas de rien : « mon parti est l’un des plus anciens, il dispose de nombreux cadres et militants. Mais pour développer le Congo, il n’existe pas de potion magique : il faut travailler. C’est pour cela aussi que je compte sur le retour de nombreux compatriotes qui vivent à l’étranger, la diaspora va nous aider à changer de mentalité… »
Opposition: «à Genève, je me suis senti trahi»

 C.B.
Le président de l’UDPS n’a pas oublié l’incident de Genève, en décembre dernier, lorsqu’à l’issue d’un vote qui devait désigner le futur « candidat unique » de l’opposition, le nom de Martin Fayulu apparut, à la surprise générale : « je ne veux pas m’étendre sur ce qui s’est vraiment passé, le moment n’est pas encore venu. SI je n’ai pas gardé de rancœur, j’éprouve cependant de l’amertume. Je me suis senti trahi. Je pèse le mot : il y a eu dol. Dol, cela veut dire tromperie sur la marchandise. Il y avait eu des imperfections dans la procédure, et elles étaient voulues. Lorsque je m’en suis rendu compte, le mal était fait. Vital Kamerhe partageait mon sentiment et au pays, ma base, mon parti n’étaient pas d’accord.J’ai donc refusé de poursuivre, à la suite de quoi j’ai été victime d’un véritable lynchage médiatique. Tout cela m’avait beaucoup affecté ; après Genève, j’avais le moral très bas, j’avais perdu confiance… »
Après avoir déclaré qu’il récusait la désignation de Martin Fayulu comme candidat unique de l’opposition Félix Tshisekedi, décida de tenter sa chance séparément aux côtés de Vital Kamerhe et nous fûmes témoin de l’accueil qui lui fut réservé à son retour à Kinshasa : un million de personnes bloquaient la route de l’aéroport ! « Cela m’a vraiment touché, remonté le moral. Par la suite, tout le monde, en voyant les images de ma campagne diffusées en direct (et non reconstruites, remontées, par une cellule de communication…), a pu voir combien j’étais populaire à travers tout le pays…  »
Tshisekedi refuse de se prononcer sur ses relations futures avec Martin Fayulu : « attendons d’abord que le bateau des élections, piloté par la Ceni, arrive au port. J’espère que c’est la démocratie qui gagnera et dans ce cas, j’aurai la main tendue. Je vous le répète, il n’y aura pas de revanche… » Même équanimité à l’égard du président sortant Joseph Kabila : « il est évident qu’il pourra vivre tranquillement dans son pays, vaquer à ses occupations, il n’a rien à craindre. Un jour, nous devrons même songer à lui rendre hommage pour avoir accepté de se retirer. Pourquoi, compte tenu de son expérience, ne pas lui confier des tâches diplomatiques spéciales, faire de lui un ambassadeur extraordinaire du Congo ? »
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