(Par Hubert Kabasu Babu Katulondi, Libre-penseur et écrivain).
Dans un pays en transition vers les strates mélioratives, chaque chef de l'Etat a une mission historique. Celle-ci est une assignation qui, au regard de notre trajectoire collective, s'inscrit sur une toile distincte. Les Congolais et la communauté internationale ne sauront pas avoir une perspective lucide du présent (avec ses transformations politiques restructurantes) et du futur même à moyen terme, si cette dialectique et les devoirs qui en découlent, ne sont pas cernés avec véracité. Pour paraphraser les penseurs de l'Ecole de Frankfurt, principalement Herbert Marcuse, la fausse conscience produit des actions en déphasage avec la marche de l'histoire d'une nation. Les percées et contradictions, aussi bien que les opportunités, inhérentes à chaque époque ainsi que la destinée d'une nation, définissent ces missions historiques.
Sous cette lumière, cette cogitation affirme et explore la démocratie régénérative réalisée par le régime de J. Kabila. Ensuite, elle éclaire la mission historique du Président F.Tshisekedi qui est l'accélération de l'éclosion économique fulgurante de la RDC. En d'autres termes si la dispensation de J.Kabila avait une vocation principalement politique, le régime Tshisekedi a une destinée socioéconomique. Les axes essentiels de cette assignation sont décryptés. La conclusion souligne la nécessité de la transformation du FCC et l'intelligence synergique, pouvant contribuer à la réalisation de cette mission historique.
1. JOSEPH KABILA HOMME D'ETAT REINVENTIONISTE: LA DEMOCRATISATION REGENERATIVE DE LA RDC
Il est d'une impérieuse nécessité de souligner d'un trait singulièrement gras que la démocratisation comme mission historique en RDC découlait de la dévastation de la société, sur fond des luttes politiques et des guerres, découlant essentiellement de l'absence de la démocratie. Chaque parti politique et groupe militaro-politique justifiait ses actions par l'impératif absolu de voir les élections produire des dirigeants légitimes. Toute la société réclamait premièrement une constitution et des institutions produites par la volonté du souverain primaire ainsi que l'exercice des droits et libertés. Certes, la relance économique et l'amélioration des conditions sociales étaient aussi réclamées. La nécessité de la reconstruction dans ces secteurs était indéniable. Mais, la catastrophe des divisions politiciennes déchirant la société, la tragédie de la violence armée généralisée, avaient pour cause première la crise de légitimité, comme cela est si bien souligné dans le préambule de la Constitution. Sous cette lumière, la vérité de la démocratisation de la RDC comme assignation historique est établie. La question maintenant est de savoir dans quelle mesure le régime de Joseph Kabila a réalisé cette mission.
Mon ouvrage intitulé "Democratisation in the DR Congo from Joseph Mobutu to Joseph Kabila" (Authorhouse, Londres, 2019) démontre, au moyen du paradigme huntingtonien (La Troisième Vague de la Démocratisation), que la dispensation de Kabila a réalisé cette mission historique. Il est important de rappeler qu'en 1967 Joseph Mobutu avait mis fin à la première expérience de démocratisation de la RDC postcoloniale. De 1990 à 1996, il a avait entamé une libéralisation politique sans réussir à démocratiser substantiellement le Zaïre. Si Mobutu et Kabila ont en commun la réunification de l'Etat et la modernisation du pays (même si le régime mobutien avait réalisé plus d'infrastructures), la différence saillante est que le premier a construit un système politique totalitaire, alors que le second a, lui, érigé la démocratie - avec comme paroxysme l'alternance au pouvoir.
Une historiographie cartésienne démontre avec limpidité que le régime de J.Kabila a bel et bien réalisé son assignation historique. Au-delà du paradigme schumpetérien(et dhalien), qui cerne la démocratisation comme la mise en place d'un système politique dans lequel les autorités en charge de la prise des décisions ultimes dans la société sont choisies par des élections pluralistes et crédibles, la démocratisation réalisée en RDC a été régénérative sur quatre axes. Primo, le régime de J.Kabila a rendu possible le dialogue inter-congolais ayant débouché sur la validation du pacte républicain de Pretoria. Cela a permis à toutes les forces politiques de se mettre d'accord sur le nouveau contrat social congolais. Le Professeur James Robinson (Professeur à Harvard à l'époque) avait perçu cet acte politique refondateur comme le socle de la nouvelle dispensation politique congolaise. C'est de ce pacte qu'a découlé la composition du système démocratique : la constitution démocratique, l'arsenal légal de la démocratie, le remodelage institutionnel national et provincial, ainsi que la mise en place du système électoral. Le système a été opérationnalisé par trois cycles électoraux. Secundo, concomitamment à la démocratisation procédurale, la dispensation de Kabila a restauré l'Etat "zaïrois" en faillite et en dislocation. Or, dans toutes les autres expériences de démocratisation, celle-ci est réalisée par un Etat plus ou moins stable. Tertio, le régime de Kabila a littéralement ressuscité une économie qui était morte, faisant passer son PIB de $4 milliards dans les années 1990 à plus de $ 37 milliards en 2018. Ceci est d'autant plus vrai que le produit phare de notre économie, le cuivre, avait connu une chute vertigineuse de sa production de 450.000 tonnes dans les années 1980, à 45.000 tonnes dans les années 1990. Sous le régime de J.Kabila la production du cuivre a dépassé la barre de 1 million de tonnes - grâce notamment à la modernisation dans ce secteur et à l'attraction des investisseurs. L'impact social de ces poussées est l'évolution indubitable de l'indice de développement humain de 0.220 dans les années 1990 àprès de 0,435 en 2017. Et enfin, quarto, les effets vertueux des trois réalisations précédentes ont donné une cohésion sociétale et un sens de direction à toute la société: beaucoup de Congolais savent aujourd'hui que la RDC vogue vers l'horizon de l'émergence en 2030.
Les déficiences héritées du régime Kabila sont indéniables. Il s'agit notamment de la corruption, l'impunité et la prédominance d'une oligarchie politique rentière. Mais, à travers un prisme analytique délesté du négationnisme, aux yeux de l'histoire l'ère Kabila apparait comme la dispensation ayant enclenché une dynamique substantielle et méliorative de la refondation sociétale de la RDC postcoloniale - après le cataclysme de la déliquescence abyssale du Zaïre sous Mobutu.




2. LA FOCALISATION DU LEADERSHIP DU PRESIDENT F.TSHISEKEDI SUR L'IMPULSION SOCIOECONOMIQUE
Ce qui vient d'être éclairé ci-dessus établit avec nitescence que sur le plan politique, le régime de J.Kabila a construit le système politique démocratique avec ses composantes fondamentales. Cela veut donc dire que la mission essentielle du nouveau président F.Tshisekedi n'est pas du registre politique. Au regard des problèmes fondamentaux de la RDC, le champ politique ayant été planté, le second rayon extrêmement important et constituant l'un des piliers de notre destinée historique, est économique. Sur ce plan, l'assignation historique essentielle du régime de F.Tshisekedi est l'accélération de la navigation de la RDC vers l'horizon de l'émergence en 2030.
Force est de souligner que l'accélération de la navigation de la RDC vers l'horizon de l'émergence en 2030 impose quatre impulsions essentielles. Primo, le nouveau président est censé insuffler un nouvel esprit de créativité, de productivité et de technologie en RDC. Dans le prisme séquentialiste de Whitman Rostow, le régime Tshisekedi est appelé à faire passer les Congolais du mode de production artisanale à la phase des technologies innovantes. Secundo, il est impératif d'implémenter des réformes et actions correctives rigoureuses pour améliorer le climat des affaires en RDC. Des actions draconiennes immédiates sont impératives pour éliminer la corruption, le gangstérisme/incivisme fiscal et implémenter des mesures incitatives. Aussi, il faut faire preuve de leadership proactif pour aller dans le monde et marketer la RDC comme destination de business florissant, avec des projets structurants en phase avec le cadre stratégique national. Tertio, le nouveau régime doit absolument être la dispensation de la modernisation de l'agriculture et de la révolution industrielle en RDC. Sous cet angle, le Président F.Tshisekedi devra focaliser ses énergies et ainsi que l'action gouvernementale, voire les operateurs économiques, sur la mutation immédiate de l'agriculture artisanale vers la généralisation des méthodes modernes de production et la relance fulgurante des plantations commerciales surtout des produits d'exportation. L'ambition est de transformer la RDC en principal foyer agricole et agro-industriel africain.
Dans le même élan, ce régime devra impulser les investissements massifs dans l'industrie des produits finis et semi-finis à base de nos minerais. Le projet structurant prioritaire dans ce secteur est la création des zones économiques spéciales.En parallèle, les secteurs financier et technologique doivent être réorganisés et propulsés de manière éclatante. Ce régime doit faire de la RDC le plus grand marché des capitaux et le meilleur espace d'innovation technologique de l'Afrique Centrale. Ce nouvel élan est censé créer des emplois, accroitre le revenu national, répondre aux besoins de consommation locale, tout en augmentant les exportations (avec en corolaire la chute des importations et donc la réduction de l'enveloppe des devises destinées aux fournisseurs étrangers). Il convient de relever que l'indice d'émergence du NEPAD (qui poste la RDC à la 42 ème position) insiste sur le développement humain qui doit accompagner l'accélération de la croissance économique. Autant ce régime devra accélérer la croissance, afin de catapulter le PIB vers les 50 milliards en 2023, autant le progrès social (santé, éducation, transport, sport, culture et environnement) est censé porter l'IDH de 0.435 actuel au-delà de la moyenne africaine de 0.500 dans 5 ans. C'est possible. Félix Tshisekedi doit entrer dans l'histoire comme le Père de la révolution agricole et industrielle de la RDC, autant que Joseph Kabila est déjà sculpté dans le marbre de l'histoire comme le bâtisseur de la démocratie régénérative de la RDC.
3. CONCLUSION.
LE PRESIDENT TSHISEKEDI A BESOIN D'UN FCC REINVENTÉ POUR REUSSIR SA MISSION HISTORIQUE
Le nouveau président doit donc avoir une conscience véridique et un entendement exact de sa mission historique. L'Etat de droit est moyen et ne peut pas, en lui-même, constituer une finalité ultime de l'exercice du pouvoir au regard des progrès réalisés en termes de la démocratisation régénérative. La rationalité du combat de l'UDPS des années 1980, qui était foncièrement politique, ne peut pas être transposée en matériaux bruts en 2019, sans aucun raffinement idéologique, sans aucun ajustement en termes des priorités des politiques publiques, 38 après. Aussi, le nouveau président devra éviter d'être désorienté par les extrémistes et autres revanchards qui veulent l'induire en erreur dans une présidence de vendetta politique. In fine, le nouveau président n'a rien de fondamental à réaliser sur le plan politique : les défis titanesques qui se présentent à lui sont du rayon économique et social - et partiellement sécuritaire.
Cependant, le FCC, la plus grande force politique et parlementaire du pays, dont les animateurs ont rendu la démocratisation régénérative possible, doit réaliser urgemment qu'il ne peut pas opérer dans cette nouvelle dispensation avec les mêmes schèmes et schémas politiques de la M.P ayant sous-tendu le régime de Kabila. Les leaders et hauts cadres du FCC doivent aussi comprendre et intérioriser l'assignation historique du nouveau président, F.Tshisekedi, dans le sens de l'accélération de la navigation vers l'horizon d'un Congo Emergent - dont ils ont posé les jalons. Cette assignation essentiellement économique impose absolument la fin de la politique hégémonique, rentière et patrimonialiste. Dans cette optique, le FCC est appelé à se réinventer comme un mouvement fédérant des élites développementales focalisées sur la réalisation des projets communs devant matérialiser l'émergence. Cela impose que le FCC souscrive à une nouvelle normativité en gouvernance et en praxis politique collaborative avec le CACH. Il devra promouvoir tant au niveau du gouvernement central qu'il va animer que des gouverneurs, la gouvernance performante, la guerre contre la corruption et l'impunité. Seul un esprit d'intelligence synergétique FCC-CACH pourra aider la RDC à connaitre une gouvernance productrice d'une triple révolution agricole rayonnante, industrielle fulgurante et technologique reluisante, en phase avec les percées modernes au plan mondial.
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