(Une chronique du Professeur Adolphe VOTO)
Alors que le discours de Lamuka sur la vérité des urnes porté par Martin Fayulu commençait à lasser certains Congolais qui voudraient aller de l’avant avec un Président qui est déjà en place ;
Alors qu’il se présentait déjà des fissures évidentes dans le camp de Lamuka avec le rapprochement entre Katumbi et Tshisekedi ;
Alors que le nouveau pouvoir commençait à gagner la sympathie de certains Congolais qui étaient jusque-là sceptiques ;
Alors que Lamuka était inquiet de pouvoir drainer la ou les foules à l’arrivée de Moïse Katumbi et de Bemba à Kinshasa ;
La majorité va commettre coup sur coup, des erreurs qui vont bénéficier à Lamuka, particulièrement à Jean-Pierre Bemba dont le retour a coïncidé avec ces erreurs.
Le safari empêché de Moïse Katumbi
La première grosse erreur commise par le pouvoir, c’est d’avoir empêché la poursuite du safari de Moïse Katumbi. A deux reprises, Moïse Katumbi a annoncé son arrivée à Goma, mais son avion n’a pas eu l’autorisation de survol et d’atterrissage, sans aucune explication. Cette situation a donné l’impression que le pouvoir en place n’a pas évolué quant à la liberté politique. Pourtant, le pouvoir a pris auparavant des décisions courageuses en libérant des prisonniers politiques et en autorisant le retour du même Moïse Katumbi.
L’invalidation en masse des députés de l’opposition
La deuxième erreur, c’est l’invalidation sélective des députés de Lamuka par la Cour Constitutionnelle, pendant que cette cour a procédé simplement à la permutation des députés du FCC, sans toucher à ceux du Cach. Si du côté de l’opposition, cette invalidation a visé entre autres les grandes gueules comme Chérubin Okende, Jean Goubald, Daniel Safu ou Daniel Mbau; du côté de la majorité, c’était soit l’occasion un règlement de compte interne à certains partis politiques incontrôlables, soit des réajustements là où ces députés n’avaient pas vraiment besoin de ce mandat, pour avoir obtenu mieux ailleurs.
Devant les agitations de Bahati qui fait chaque jour du chantage au PPRD et le rapprochement entre Moïse Katumbi et Tshisekedi, le FCC craignait que soit tenté de se reconstituer une nouvelle majorité entre le Cach-AFDC-Lamuka et les partis incontrôlables ainsi que les indépendants. Aussi, le camp de Kabila qui avait déjà une majorité confortable a voulu se mettre définitivement à l’abri. Malheureusement, c’était aussi l’occasion du retour des figures de la majorité que la population avait sanctionné, comme Thomas Luhaka, Michel Bongongo, Emery Ukundji, Marie Ange Mushobekwa, Kangudia Mbaya, Lumeya Dhu Malegi, Egwake Yangembe, Papy Pungu, Wivine Moleka, etc.
Cette situation a créé un mécontentement des électeurs, étant donné que chaque député invalidé a une base qui le soutient.
L’organisation d’un culte le 23 juin au stade
La troisième erreur de la majorité, c’est d’avoir programmé un culte auquel le Président de la République devait participer au stade des Martyrs, alors que le MLC avait déjà annoncé son meeting sur la place Triomphale. Le Gouverneur de la ville va se déclarer incapable de gérer deux grandes manifestations au même endroit et aux mêmes heures. D’où la décision de délocaliser le meeting du MLC vers la place Sainte Thérèse à Ndjili.
Cette décision qui rappelle les vieilles méthodes de la Kabilie a placé le MLC et Lamuka dans une position de victimes, c’est-à-dire, ayant droit à la compassion par ce que martyrisés. Certains pasteurs et certaines églises et non les moindres comme le pasteur Moïse Mbiye, le pasteur Sony Kafuta et la plus grande communauté protestante de l’Eglise du Christ au Congo vont décliner l’invitation. Le culte ne restera que l’affaire des certaines églises de réveil, l’église catholique n’ayant pas été non plus associée.
Malgré tous les bus de Transco stationnés dans tous les quartiers de Kinshasa pour acheminer les gens gratuitement au stade, malgré la présence du Président de la République, le stade des Martyrs qui représente un pourcent de la population kinoise n’était toujours pas rempli. Pourtant, cette bonne initiative de dédier la nation à Dieu aurait pu être reportée au samedi 29 Juin, à la veille de la date de l’indépendance. La symbolique aurait été très forte et cela aurait coupé l’herbe sous les pieds de Lamuka qui projette d’organiser une marche le 30 Juin prochain.
La défaite des Léopards
Depuis le 04 janvier 1959, le football a toujours été un facteur politique déterminant. L’entrée ratée des Léopards à la CAN à la veille du retour de Jean-Pierre Bemba n’était pas de nature à arranger les choses. Si le pouvoir en place n’y est pour rien, ‘’la victoire a mille père et la défaite orpheline’’. Et en cas de défaite, les fanatiques trouvent toujours des explications. Alors les spéculations vont vers les erreurs commises dans les préparatifs : le fait d’avoir choisi l’Espagne qui n’a pas le même climat que l’Egypte pour se préparer, alors que les autres sont allés en Asie ; les bons joueurs qui méritaient d’être en Egypte et qui ne le sont pas, l’entraînement manqué de la veille, par ce que l’administration sportive n’a pas bien fait son travail, le classement effectué de l’entraîneur, etc.
A cela, il faut ajouter la poisse. Joseph Kabila qui réunissait les sénateurs à Kingakati dans la matinée a pronostiqué pour deux buts à zéro en faveur des Léopards. Ce sera deux buts contre les Léopards.
Tout cela a amené un climat de mécontentement et le fait de délocaliser le meeting vers la Tshangu aura été finalement une opportunité pour le MLC et Lamuka qui vont rencontrer une population déjà mécontente et qui ne cherchait qu’une occasion pour s’exprimer.