Un Congo nouveau nourrissant tous ses enfants, sans exception, constitue le rêve de notre président Fatshi. Il nous paraît évident qu’avant de bousculer les habitudes d’un système si bien incrusté, le président Tshisekedi doit bien en saisir tous les rouages et s’assurer de bien protéger ses arrières. Toutefois, il n’a pas d’autres choix s’il veut s’affirmer comme le seul maître à bord. Il a la noble mission de remettre sur pied ce grand Congo doté de multiples ressources, mais tristement meurtri par l’inconscience et l’incompétence de ses dirigeants.

Ballotté de promesse en promesse, le peuple congolais garde les yeux bien ouverts et les oreilles toutes dressées sur les enjeux prioritaires de son avenir et du futur des générations à venir. La qualité de vie dans toutes ses composantes n’est pas une donnée à négocier, mais plutôt une cible à atteindre au prix des sacrifices consentis ensemble et par les gouvernants parce que, comme élus du peuple souverain, ils ont le devoir de prêcher par l’exemple, et par les gouvernés de toute obédience, car tout le monde est appelé à mettre la main à la pâte pour l’émergence d’un système toujours respectueux des individus et des lois. C’est cela savoir gouverner et savoir servir l’État.

Une éducation déficiente, une tragédie pour tout le pays

Les institutions et les personnes mises en place pour orienter les actions du gouvernement sont maintenant connues du public congolais. Hormis les élections municipales, les élus des assemblées nationale et provinciales ainsi que les sénateurs et les gouverneurs de province ont édifié à bien des égards l’entendement des électeurs par le monnayage éhonté des voix et des comportements à l’antipode de la fonction et du rôle social de leur titre.

Au Canada, par exemple, les campagnes électorales sont une occasion pour les candidats de faire des promesses qu’ils tiendront plus ou moins une fois élus ou qu’ils relégueront aux oubliettes, quitte à s’expliquer lors de prochaines campagnes. Au Congo, les clivages politiques, régionaux et tribalistes ont refait surface au détriment des valeurs de l’unité nationale et de patriotisme. Que peut apporter de positif au pays une alliance avec les mêmes personnes qui ont mis le pays à sac pendant dix-huit ans? Quelle rationalité peut nous aider à comprendre une telle collaboration, sachant pertinemment que le changement de comportement à la base de ce credo n’est pas pour demain, compte tenu de toutes les machinations ayant entouré les élections à tous les niveaux? Que devons-nous entreprendre pour nous sortir de ce labyrinthe de l’inefficacité, de la fraude, de la corruption et de l’arbitraire?

Le scénario familier décrit par le sage chinois (Sun Tzu dans L’art de la guerre) prodiguant ce conseil à son empereur il y a des siècles illustre fort bien ce que nous vivons dans notre cher pays:

«Si vous voulez détruire un pays, inutile de lui faire une guerre sanglante qui pourrait durer des décennies et coûter cher en vies humaines. Il suffit de détruire son système d’éducation et d’y généraliser la corruption. Ensuite, il faut attendre vingt ans et vous aurez un pays constitué d’ignorants et dirigé par des voleurs. Il vous sera très facile de les vaincre».

La corruption dans le système d’éducation approvisionne le marché du travail en professionnels et employés incompétents, «médiocres» dirait le cardinal Monsengwo, et ce, dans tous les secteurs gérés par de tels fraudeurs, vétérans et aussi frais émoulus des universités et instituts techniques. A tous les niveaux de la société civile et militaire, les principes disparaissent; l’opportunisme y règne et on admire le contrevenant. Les valeurs sociales et les repères sont malmenés par des dirigeants qui n’ont plus de grandeur ni de dignité et encore moins de conscience. C’est le triste constat d’échec de l’abandon de l’État que le pasteur Ekofo avait fustigé en janvier dernier devant tous les dignitaires kabilistes. Nous n’avons qu’à regarder autour de nous pour nous en rendre compte.

En matière de santé, vous avez plus de chance de sortir d’un centre hospitalier les pieds devant plutôt que sur vos deux pieds. Les dirigeants se font un plaisir malsain d’être «évacués» pour des soins à l’Étranger sans se rendre compte du ridicule de cette situation qui démontre clairement qu’ils ne travaillent pas pour leurs populations et qu’ils sont des incapables avérés parce qu’ils n’ont même pas cette vision de mettre sur pied un système de santé publique de qualité dans leur pays!

Nous avons bien de respect pour l’ancien président Mugabe qui a lutté fort pour la décolonisation en Afrique, mais nous ne pouvons accepter qu’après une trentaine d’années au pouvoir, il n’ait pas laissé une institution de santé de renom pour aller lui-même terminer ses jours à Singapour! Les présidents africains donnent un triste exemple de la manière dont ils utilisent les fonds publics. Parions que nous ne verrons ni Macron en France ni Trump aux États-Unis venir se faire soigner chez nous au Congo! La fierté nationale se bâtit et nous avons la mission de faire valoir la grandeur de notre pays par nos compétences et notre souci constant du bien-être collectif.

Les exemples sont pléthoriques dans tous les domaines. Des immeubles s’effondrent; des routes faites à la hâte se désagrègent. Des projets mal planifiés rognent les fonds du Trésor public. Les arriérés de salaire sont monnaie courante, même dans les sociétés publiques qui ont fait la fierté de chacun de nous, telles que la SNCC, la Gécamines dépecée, l’ONPTC, la SNEL et autres. Cette politique de clochardiser les travailleurs les amènent à devenir des proies faciles de cet environnement général de corruption. Des magistrats et des agents de l’ordre se nourrissent des condamnations et des arrestations arbitraires. Des policiers et des militaires clochardisés activent leurs mains baladeuses dans les poches et les sacs à main des manifestants lors des répressions desdites manifestations. Les hommes d’affaires étrangers ne respectent pas les droits des travailleurs congolais en matière salariale ni le Code du travail congolais; ils se vantent publiquement d’avoir les autorités civiles et militaires dans leur poche!

A qui profite le crime?

Le Japon de l’ère Meiji avait consenti tout un effort pour moderniser son système d’éducation sur lequel repose encore aujourd’hui son progrès technologique et économique. Cet effort se poursuit, toujours sujet à l’amélioration, comme dans d’autres pays dits développés.

La corruption existe dans tous les pays du monde; toutefois elle est dénoncée et sanctionnée dans les pays qui se respectent et qui s’efforcent d’annihiler ses effets pervers. Elle est endémique chez nous; elle fait partie des pratiques courantes et elle risque de nous conduire droit vers un avenir noir, sans perspective de solidarité sociale dans un monde très individualiste et immoral, car l’impunité la protège. Dans L’Esprit des lois (1748), Montesquieu affirme qu’«il n’y a point de liberté si la puissance de juger n’est pas séparée de la puissance législative et de l’exécutrice». Sous la gouvernance kabiliste, il y a eu un étrange amalgame de pouvoirs manifestement néfaste à la gestion de la chose publique et au progrès socio-économique de l’ensemble du pays. L’Est de notre pays est soumis depuis des décennies au dictat des groupes rebelles qui y font la pluie et le beau temps malgré une présence imposante des forces onusiennes et des forces armées congolaises.

En premier lieu, nous n’avons qu’à nous en prendre à nous-mêmes. La séparation des pouvoirs a été illusoire durant cette période kabiliste à cause de notre cupidité à nous enrichir rapidement et facilement, nous rendant complices de tous les maux dont nous nous plaignons. Les dirigeants ont encouragé des comportements déviants en ne les sanctionnant pas à travers un appareil judiciaire impartial. Les collaborateurs du sénateur Kabila avaient le flair de dénicher les grandes gueules de l’Opposition et de les débaucher aisément avec l’appât des gains illicites.

Le Far West américain s’est illustré par un processus de colonisation des territoires de l’Ouest, avec le personnage familier du cow-boy, gardien et meneur du troupeau de bovins. Dans notre pays, c’est l’autre facette du Far West qui fait autorité. La corruption ayant gangrené le système éducatif, celui-ci produit des éléments qui se jettent à corps perdu dans l’arène de la loi du plus fort. Le faible est écrasé et cela paraît tout à fait normal. C’est l’anomie. Le sociologue Durkheim parle de l’état d’une société caractérisée par une désintégration des normes qui règlent la conduite de l’humain et l’ordre social.

La jeunesse congolaise est désemparée; la population sent un vide relativement à l’orientation du pays. Il ne se crée pas assez d’emplois permettant de vivre décemment avec son salaire. Des stratégies criminelles de toutes sortes s’ébauchent alors aussi bien dans les rues que dans les milieux professionnels pour pouvoir survivre dans cet environnement kafkaĩen. Le cow-boy américain s’est transformé en « ko.bo.y. congolais: kosa, boma, yiba », soit « mens, tue, vole ». Et nous vivons encore sous cette mutation épigénétique, les Congolais s’efforçant de s’adapter tant bien que mal à ce nouvel environnement.

L’occasion fait le larron, dit-on. Cependant, nous devons aller au-delà des faits et convenir que l’occasion seule ne suffit pas à faire le larron. Des modèles spécifiques, les comportements affichés par les dirigeants et l’intériorisation de tous ces éléments minent les valeurs éminentes véhiculées dans la société, soit le bien-fondé de la loi, le respect des individus et des biens publics et privés, bref la socialisation constitue l’élément essentiel pour sensibiliser la population aux valeurs communes de savoir vivre et de savoir être. Quand la malhonnêteté est banalisée et que l’impunité est manifeste et omniprésente, le message transmis aux citoyens consolide le sentiment que tout cela est normal dans le monde du laisser-faire où la culture des privilèges favorise une minorité de citoyens et en exclut la grande majorité de la population.

Par ailleurs, le langage politique congolais déifie l’autorité morale d’un parti. Nous devons comprendre que l’objectif d’un parti politique digne de ce nom est de prendre le pouvoir un jour afin de réaliser son projet de société. Cette marche est progressive et n’est pas exempte de tricheries, ici comme ailleurs. La pensée unique est statique et bloque le progrès. On se dispense de tout effort de réflexion critique et on s’en remet totalement à l’autorité morale. Les images de Kingakati parlent d’elles-mêmes. Nous y voyons les hauts cadres du FCC aller faire allégeance à leur autorité morale, bien alignés en file indienne. L’incartade récente du sénateur Lukwebo nous a convaincus du danger d’idolâtrer un chef politique sans jamais remettre en cause ni les objectifs ni les actions du parti par rapport à la recherche continuelle du bien-être collectif. Les membres du parti doivent lui obéir au doigt et à l’œil.

L’aboutissement des actions de tous ces partis politiques qui ne pensent pas au peuple congolais et qui visent le pouvoir pour eux-mêmes afin d’assouvir leurs désirs d’enrichissement personnel, c’est la ruine du développement économique et social de notre pays. C’est le repli sur soi et sur sa tribu pour retrouver un semblant de réconfort. Les découpages des vingt-six provinces sur un fond ethnique ne contribuent pas suffisamment à cimenter le sentiment patriotique de l’unité nationale hérité de l’ancien président Mobutu. Notre pays est pris en otage par une poignée de citoyens qui pensent qu’en suivant une carrière politique, ils ont une chance inouïe de s’enrichir alors que ce privilège d’occuper une fonction publique veut dire que l’on est au service du peuple et de la nation selon son domaine d’intervention. Allons-nous accompagner innocemment ceux qui prennent cette voie de faire de la politique contre le progrès socio-économique de notre pays? Nous n’avons pas du tout le droit de croiser les bras. Le temps est à l’action.

L’enfer est pavé de bonnes intentions

Aux grands maux, les grands remèdes représentent le seul recours possible. Quand la situation l’exige, il faut savoir se mettre debout et prendre les mesures qui s’imposent. La population congolaise n’a plus que faire des promesses ou des engagements. Il est plus que temps d’agir. C’est par l’action que le sourire reviendra aux lèvres de nos compatriotes. Quelles que soient les propositions ou les mesures à prendre, il est important que les effets se ressentent au niveau du quotidien des populations urbaines et rurales.

L’Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) a été dans l’opposition durant plus d’une trentaine d’années. Ce parti politique est censé avoir un plan de redressement du pays bien précis pour faire face à l’hémorragie matérielle et financière ainsi que les pratiques illégales dans lesquelles le pays est englué. C’est dire que le pouvoir que détient Fatshi aujourd’hui ne devrait pas ressembler à un accident qui donne lieu à des scènes de tâtonnements et crée un doute raisonnable sur les compétences de ses « conseilleurs». Lors de son voyage en Belgique, Fatshi s’est défendu d’être la marionnette de Kabila; il a déclaré lui-même que l’ancien président était plutôt un allié! Sans préjuger ce qui peut s’ensuivre, Kabila est le fossoyeur de principales institutions de la démocratie au Congo. Il est demeuré durant son règne indifférent à la misère du peuple congolais, s’entourant d’une clique de flatteurs aussi avides que lui-même des richesses du pays. Il a encouragé la culture du privilège et de l’exclusion de la majorité des Congolais, menant notre pays à des pratiques immorales généralisées, à l’image de ce que le Pape François a dénoncé récemment à Madagascar. Cette déclaration de Fatshi sur son allié Kabila équivaut à demander à Lucifer le Seigneur des Enfers de nous aider à sauver des âmes!

Connaissant bien l’état des finances du pays, Fatshi a raté une occasion en or de pouvoir imposer son point de vue et de s’allier l’appui essentiel du peuple congolais. En effet, devant les contraintes budgétaires du moment, il aurait dû opter clairement pour un gouvernement de crise, fusionnant plusieurs ministères à vocation similaire, réduisant du coup la taille de l’équipe gouvernementale et les dépenses relatives à son fonctionnement. Sa faiblesse a été de vouloir contenter tous ses alliés du FCC sans égards au caractère budgétivore de cette alliance, au grand désarroi du peuple congolais.

Fatshi n’est pas sans savoir que les alliances se font et se défont en politique au gré des intérêts en jeu. Les bonnes intentions ne changeront pas le contenu de l’assiette du citoyen congolais ni ne lui apporteront pas plus de revenu. Le temps des engagements est révolu. Seules les actions comptent et le peuple congolais piaffe d’impatience devant ces jours qui passent et se ressemblent, sans aucun impact sur sa qualité de vie en éducation, en santé, en environnement de vie ou en alimentation.

L’éducation de base gratuite ou des sauts-de-mouton requièrent une planification rigoureuse afin d’éviter de créer une atmosphère d’impréparation alors que les deux compères du CACH militent depuis des années pour le bien-être collectif et devraient en principe avoir déjà prévu quelles actions entreprendre une fois au pouvoir. Prenons l’exemple du transport en commun. Nos dirigeants qui vont en Europe ou en Amérique ne pensent pas du tout instaurer le système de correspondance qui allégerait beaucoup le poids du budget des déplacements vers une destination éloignée de la ville, avec un titre à plusieurs passages. N’est-ce pas un droit que de le mettre sur pied pour nos frères et sœurs qui construisent le devenir de notre pays?

Nous comprenons assez la situation complexe dans laquelle se prennent les décisions à la présidence de la république. Les récents épisodes de détournements de deniers publics, à l’instar de 15 millions de dollars américains, n’aident pas du tout le commun des mortels que nous sommes à suivre la direction du changement annoncé. Le projet des sauts-de-mouton est censé résoudre une partie des problèmes de circulation en rendant celle-ci fluide.

À propos des moutons, les membres du FCC obéissent au doigt et à l’œil à leur autorité morale, prêts à se lancer tête baissée, comme les moutons de Panurge, dans n’importe quelle action prônée par le Raïs. Parions que le président Tshisekedi les croisera plus souvent qu’il ne pense sur son chemin vers l’émancipation et la réalisation du bien-être des populations congolaises. Ces moutons kabilistes-là, Fatshi aura bien des difficultés à les sauter.

Nous devons donc rester vigilants à tout instant et, l’exemple de 15 millions de dollars à retracer nous y encourageant, dénoncer tout comportement susceptible de nous faire stagner ou ramener loin des objectifs de l’amélioration des conditions de travail et de la qualité de vie de tous nos concitoyens dans un Congo uni et solidaire: tata moko, mama moko, nous a légué l’ancien président Mobutu.

Mbilo, Vini, analyste politique et CP au Canada
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