Entre Tshisekedi et Ilunga, la méfiance s’installe

On aurait voulu que « l’affaire » passât sous silence si elle ne menaçait pas la sécurité nationale et n’avait pas des répercussions à l’étranger. Mais, loin d’être un fait divers, l’interpellation de l’ex-patron de l’ANR pour « usage abusif » d’un passeport diplomatique est une affaire d’État. Toutefois, Kalev Mutond a confié à Jeune Afrique qu’il est bel et bien « conseiller politique » à la primature. Alors, le Premier ministre l’a-t-il embauché par proximité idéologique ou calcul stratégique, sans examiner le profil du personnage et le contexte politico-diplomatique ? Le moment est venu, pour lui, de tirer les conséquences qui s’imposent.

Interpellé pour détention illégale d’un passeport diplomatique, l’ancien patron de l’Agence nationale de renseignements (ANR), Kalev Mutond, loge dans de mauvais draps. Cueilli à l’aéroport de N’djili, l’ex-tout-puissant chef de l’ANR a été interrogé tel un maître par ses propres élèves.

Que reproche-t-on à ce proche de l’ancien président, Joseph Kabila ? Il lui a notamment été critiqué d’avoir voyagé avec un passeport diplomatique qu’il utilisait en qualité de « conseiller » du Premier ministre, Sylvestre Ilunga Ilunkamba. Ce dernier n’ayant pas officiellement nommé de cabinet, Kalev Mutond n’était donc pas en droit de faire usage de ce document.

À la présidence de la République, on soupçonne l’ex-patron de l’ANR d’espionnage. Les faits se recoupent et font douter de sa sincérité. Ses multiples voyages à l’étranger, surtout aux pays voisins de l’Est de la République (surtout en Ouganda), où sont basés les résidus de l’ex-rébellion du M23, font craindre un agenda caché.

Pour un précédent, c’en est un. « Kalev Mutond est un récidiviste », confie un agent de la Direction générale des migrations (DGM) qui s’étonne sur ces voyages à répétition avec un passeport diplomatique. D’ailleurs, l’homme ne s’offusque pas de se présenter comme tel. Conseiller du Premier ministre ? Oui, Kalev l’avoue.

Sur le plan sécuritaire, ça pose un sérieux problème tant il est vrai qu’un chef d’une agence de renseignements n’est pas n’importe qui. Est-ce un acharnement contre les proches de Joseph Kabila ? Non, répond le Directeur général de la DGM. « Kalev Mutond est un citoyen comme tout le monde. Il quittera le pays s’il a le bon document », a déclaré Roland Kashwantale dans une émission sur la radio Top Congo FM.

Je t’aime, moi non plus

Mais le feuilleton ne s’arrête pas seulement avec Kalev. Comme une boule de neige, le dossier secoue la primature et met à froid les relations entre le Premier ministre et le président de la République Félix-Antoine Tshisekedi Tshilombo. Même si le chef de l’État ne s’est pas prononcé de façon brutale, le Premier ministre devrait assumer ses actes. Concrètement, il devrait avoir le courage de présenter sa démission au président de la République pour cette « faute professionnelle » grave qui porte préjudice à la sureté d’État.

En quoi consiste la gravité ? Embaucher un haut cadre des renseignements qui espionne là où le chef de l’État passe, s’apparente à un fait de haute trahison. « Là où le Secrétaire général de l’UDPS voit Kalev Mutond sur les traces du Chef de l’Etat, Félix Tshisekedi, dans ses voyages à l’étranger en train d’espionner ses moindres faits et gestes sans qu’il ne précise au profit de qui, d’autres le retrouvent, par contre, à Entebbe, en Ouganda, complotant avec des anciens rebelles du M23 en vue d’engager des actions de déstabilisation de son propre pays », selon Jeune Afrique. C’est dire que dans un environnement politique fait de méfiance et où la désinformation et la manipulation tiennent le haut du pavé, il y a lieu de craindre que l’affaire ne dégénère en conflit de nature à ouvrir les vannes des règlements des comptes.

Cette affaire qui gêne la bonne marche de la République ne doit pas passer comme un feu de paille. Mais que signifie le silence du président de la République, des Cours et Tribunaux et de l’ANR ? En principe, pour besoin d’enquêtes, les gens devraient être suspendus, comme mesures conservatoires.

En un mot comme en mille, l’« affaire Kalev » a créé un climat de méfiance entre le chef de l’État et son Premier ministre. C’est une histoire sale dans laquelle tous ceux qui ont trempé ne sortiront pas sans se mouiller les plumes. Et le Premier ministre qui l’aurait embauché comme « conseiller », devra prendre ses responsabilités, en déposant sa démission auprès du chef de l’État. À défaut de le faire, l’autorité morale du FCC, Joseph Kabila doit proposer un autre Premier ministre afin de restaurer la confiance avec son allié Félix Tshisekedi. La Nation y gagnerait.


Le Potentiel
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