« Les mesures relatives à l’état d’urgence relèvent des pouvoirs exceptionnels du Chef de l’Etat, pouvoirs qui font de lui exécutif et législatif, lui faisant ainsi prendre la place du Parlement et du Gouvernement »

Par Éric Bilale

L’interprétation est une activité de connaissance qui permet à son auteur de déceler la portée, le sens où la signification de l’énoncé d’un texte. Il y a des techniques et des méthodes d’interprétation en droit constitutionnel lesquelles permettent d’appréhender la signification ou la norme véhiculée par les énoncés d’un texte. Aux questions techniques, il faut des réponses techniques.

Nous voudrions en quelques lignes rappeler les fondamentaux :

1. L’état d’urgence et l’état de siège relèvent d’un régime de concertation*(article 85, 144 et 145 Const.), alors que la déclaration de guerre relève d’un *régime de consultation (avis consultatif du Conseil supérieur de la Défense) doublé d’une autorisation parlementaire (article 86 et 143 Const.). Les trois institutions (état d’urgence, état de siège et la guerre ) sont différentes et de régime juridique, et modalités de mise en oeuvre ;

2. Pendant l’état d’urgence, le Président de la République exerce les pouvoirs exceptionnels, les pouvoirs que la Constitution commande au Chef de l’Etat d’exercer en cette période. Par ces pouvoirs, le Chef de l’Etat se substitue, pour le règlement de la crise, au Gouvernement et au Parlement et prend, après concertation (et non après autorisation) avec le Premier ministre, les Présidents de deux chambres, les mesures exigées par ces circonstances ;

3. Aussitôt ces mesures d’état d’urgence prises par le Président de la République dans ses compétences exceptionnelles, le congrès se réunit de plein droit (et non sur demande du PR, article 144 al.2 Const.) : (a) pour constater la décision prise par le Chef de l’Etat ; (b) non pas pour éditer les règles de l’état d’urgence dont le Parlement n’a pas compétence, encore moins pour en juger de la validité parce que seule la Cour constitutionnelle peut le faire, plutôt pour en prendre, simplement, des mesures d’application. Nous précisons ici que la loi qui prend des mesures d’application est une loi subordonnée à l’ordonnance, une loi d’application sensée être conforme à l’ordonnance. Oui, le droit aime la perfection. Comme en temps normal, l’exécutif est sensé prendre des mesures d’application des lois par le règlement dit d’application ou subordonné, pendant l’état d’urgence, la compétence des mesures pour y faire face revient exclusivement au Président de la République (domaine règlementaire). Les mesures parlementaires d’application ne peuvent que se conformer aux mesures d’urgence et à leur durée dans le temps;

4. Le Président de la République ne peut saisir le Parlement que dans l’hypothèse de demande de prorogation par rapport au délai du départ. En l’espèce, s’il est vrai que les concertations ont eu lieu entre le Chef de l’Etat, le Premier ministre et les Présidents de deux chambres, il serait normal que le congrès se réunisse de plein droit afin d’accomplir les devoirs constitutionnels évoqués au point 3 ci-haut. Cette obligation implique les minutes, heures et jours qui suivent les mesures. Le Parlement ne se comporte pas en juge de validité parce qu’il y a déjà un juge institué par le Constituant pour cela : la Cour constitutionnelle à laquelle l’ordonnance portant l’état d’urgence est transmise dès sa signature et sur la constitutionnalité de laquelle la Cour est tenue de se prononcer toutes affaires cessantes.

5. Si le Parlement n’a aucune compétence pour prendre des mesures d’urgence, il a plutôt le pouvoir exorbitant de mettre fin à l’état d’urgence à tout moment (article 144 in fine Const.), avec comme conséquence, d’éventuelles représailles juridiques du Président de la République : dissolution de l’Assemblée nationale par exemple.

Ben, selon la tradition de la carrière des honneurs (cursus honorum), le trait qui caractérise le Parlementaire, mieux un Sénateur – mais il y en est bien d’autres assurément – , est la fidélité aux principes de droit autant qu’à ses amitiés, ainsi qu’à l’idéal de son existence, faite de force et de sagesse. Le Sénateur doit vivre convenablement à son état, ne point sortir du caractère Honorable dont le Constituant a revêtu sa personne, conserver les anciennes moeurs, respecter les exemples de ses pères…

Moralité, prendre des mesures faisant face à l’état d’urgence ou de siège relève du domaine règlementaire et de la compétence exclusive du Président de la République lequel ordonne, après concertation avec les autorités citées ci-haut. Le Parlement n’intervient, en premier lieu et d’office, que pour constater les mesures prises par l’autorité compétente (PR) et en prendre des mesures d’application. Pour cette première réunion quasi automatique du congrès, point n’est besoin d’invoquer la demande du PR lequel n’a que deux devoirs à ce stade, savoir : a) prendre, dans le temps et dans l’espace, des mesures appropriées pour faire face à la situation d’urgence et ; a)transmettre, aussitôt signées, les ordonnances portant ces mesures d’urgence à la Cour constitutionnelle.

Le Président de la République ne peut saisir le Congrès qu’au moment d’arrivée à terme de ses mesures pour en obtenir l’éventuelle prorogation, s’il estime que ces mesures doivent continuer à s’appliquer compte tenu de la situation (15 jours).

À ce stade, il est d’une errance juridique inexcusable que de confondre la déclaration de guerre à l’état d’urgence et/ou de prendre les concertations pour autorisation préalable.

Voici les conséquences juridiques assez techniques pour l’état actuel des choses :

■ Si le Congrès ne s’est jamais réunit depuis les mesures d’urgence, cela veut dire qu’aucune mesure d’application n’a été prise ;

■Le Parlement marche en un hors-la-loi, sans respect des règles du jeu politique : délinquance institutionnelle ;

■Les mesures d’urgence s’auto-appliquent, curieusement : un mauvais précédent institutionnel.


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