Les hauts plateaux d’Uvira, Fizi et Mwenga, dans la province du Sud-Kivu (République démocratique du Congo), connaissent, depuis plus de trois ans, une crise d’insécurité généralisée et des vagues de violences sans précèdent. Ces violences ont coûté des centaines de vies dans les communautés locales, conduit à la destruction de centaines de villages et au déplacement de milliers d’habitants vers des camps de déplacées, les centres urbains ou à l’étranger.

La lecture dominante des évènements dans cette zone parle d’un conflit interethnique opposant les communautés d’agriculteurs s’autoproclamant autochtones – Babembe, Bafuliru, Banyundu, Bavira et Barega – aux pasteurs Banyamulenge possédant des liens historiques et culturels avec le Rwanda et le Burundi voisins. Cependant, la réalité est, beaucoup plus complexe.

En effet, les violences sont avant tout l’œuvre des groupes armés, certes organisés essentiellement sur des bases ethniques, mais dont les revendications, agissements et alliances trahissent une idéologie et des intérêts qui vont au-delà des simples conflits de voisinage. Depuis avril 2017, une action concertée de plusieurs groupes Mai Mai (dont Yakutumba, Aoci, Ebuela, René, Mulumba … affiliés aux communautés Bembe, Nyindu et Fuliru) conduit des attaques répétées et systématiques contre les Banyamulenge, brûlant village après village et pillant ou abattant des troupeaux de vaches constituant leur principale source de survie. Ces Mai Mai agissent en étroite collaboration avec des groupes étrangers, notamment les Burundais du RED-TABATRA, du FNL et du FOREBU. Face aux attaques répétées, une autodéfense des Banyamulenge s’est organisée sous le nom de Twirwaneho. Ce groupe est régulièrement impliqué dans des affrontements avec ces multiples groupes armés, tout comme un autre groupe lié aux Banyamulenge, Gumino, composé de militaires en marge du processus chaotique d’intégration de l’armée congolaise. Les attaques Mai Mai et les affrontements avec Twirwaneho et Gumino constituent un facteur constant d’insécurité et de victimisation de la population civile.

L’idéologie animant les Mai Mai, coalisés au nom d’une solidarité « bantoue » contre des « nilotiques » érige les Banyamulenge en étrangers, des Tutsis rwandais, devant être chassés du territoire congolais. Comme signalé en novembre 2019 par un haut représentant des Nations Unies (MONUSCO), François Grignon, les violences sont accompagnées par un «retour de discours de haine contre la communauté Banyamulenge». L’utilisation du mot « retour » transmet l’idée d’une répétition! Déjà en 1997, le Rapporteur Spécial des Nations Unies, Roberto Garreton, avait dénoncé un «rapport Vangu » sur les Banyamulenge et Banyarwanda du Nord-Kivu comme étant un pamphlet ne dissimulant pas un esprit de « nettoyage ethnique » (E/CN.4/1997/6). Aujourd’hui, de multiples sites internet et media sociaux dont  Youtube, WhatsApp, Twitter se font régulièrement échos des messages de haine, y compris des incitations à la violence, contre les Banyamulenge et les Tutsis en général.

Un large volume de ces messages est généré par des réseaux extrémistes dans la diaspora congolaise notamment en Belgique, France, Royaume Uni, Etats-Unis ou Afrique du Sud, y compris les soi-disant « combattants » qui agissent ouvertement et en coulisses pour mobiliser le soutien, surtout financier, aux Mai Mai, principaux auteurs de l’insécurité dans les hauts plateaux kivutiens. La même thématique déshumanisante que celle portée par RTLM et Kangura, à la veille du génocide contre les Tutsis du Rwanda – qualifiés de serpents, caméléons, assoiffés de sang, manipulateurs, usurpateurs et expansionnistes – est régulièrement reprise sur diverses plateformes, voire même dans le discours publique de certaines figures officielles congolaises.

Dans ce climat délétère propice aux théories complotistes rétrécissant l’écart entre la fiction et la réalité, le public congolais et étranger tombe souvent dans le piège des manipulations partisanes qui compliquent toute résolution de la crise vers une cohabitation pacifique, comme jadis, entre communautés. La désinformations relative aux événements de Gipupu du 16 juillet dernier, dénoncés par plusieurs personnalités et médias comme étant un massacre de quelques 220 « autochtones » par les Banyamulenge est un cas d’espèce. Une mission provinciale et de la MONUSCO parle de 15 victimes – ce qui est, certes, déplorable – d’un affrontement entre groupes armés faisant suite à des attaques antérieures.

Ainsi, à l’instar du contexte rwandais d’il y a plus de 26 ans, la lecture simpliste des événements en termes de conflits inter-ethniques et la minimisation par divers acteurs de l’importance et de l’impact du discours de la haine, y compris les experts incontournables sur le Congo, handicapent toute intervention éclairée en vue de prévenir le pire !
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