Drôle d'exil que celui de Joseph Kabila qui est rentré au pays le 5 mars dernier ! Durée : 12 jours ! Un record à l'échelle planétaire ! Que d'exilés à travers le vaste monde auraient souhaité être à la place de l'ancien Président rd congolais ou avoir sa baraka !
Plus sérieusement, la " chronique " autour du déplacement de Joseph Kabila charriait un côté désespérant quant à l'image que certains Congolais donnent de leur pays. Propager à grand renfort de réseaux sociaux des rumeurs sur " l'exil " du prédécesseur du Président Tshisekedi est la meilleure manière d'administrer la preuve par l'absurde que le pays va mal. Et que la passation pacifique voire un tantinet "civilisée" de pouvoir n'aurait été qu'un leurre.
Autrement dit, un exil tant souhaité par certains compatriotes constituerait un mauvais message que le pays enverrait à l'extérieur. Ce ne serait donc pas dans l'intérêt de " notre Fatshi national " que son devancier soit forcé à quitter la RDC. Cela lui enlèverait le crédit d'un Président démocrate à la tête d'un pays redevenu stable qui sécurise tout le monde. Un plaidoyer sans frais pour les investisseurs.
Qu'il y ait divergence entre l'actuel Président et son prédécesseur, quoi de plus normal ! Qu'il y ait des Congolais opposés à l'ancien Président, cela se comprend parfaitement. De fait, il peut y avoir des rasions objectives susceptibles de justifier l'hostilité d'une frange de l'opinion au " Raïs ".
Mais, de là à rêver de la tabula rasa, il y a un fossé que la nécessaire construction de la mémoire historique devrait nous empêcher de franchir. Car, quels qu'aient été ses échecs, Joseph Kabila restera dans l'histoire comme le Président par qui l'alternance a été rendue possible. Ce, dans un environnement où nombre de ses collègues- chefs d'Etat- d'alors qui sont encore aux affaires - revenaient l'un après l'autre sur leur engagement de ne pas briguer de troisième mandat.
Un coup d'œil à travers l'Afrique suffit pour apprécier a posteriori la portée historique de l'acte posé par JKK. Au lieu de capitaliser cette "exception" à des fins notamment de soft power, des Congolais passent un temps fou à chercher à liquider cet acquis. On retrouve-là la propension très zaïro-congolaise à brûler les pages de notre récit national et non à les conserver. Résultat, le pays s'auto-prive de sa profondeur historique et tourne en rond depuis l'indépendance. Une belle expression pour le dire en kinois : " Toza ko rond-point " !
Le Maréchal Mobutu a investi des tonnes de ressources pour effacer toute trace du Président Kasa-Vubu et frelater les hauts faits du Premier ministre Lumumba. Comme si les deux premiers dirigeants faisaient figure de la préhistoire. L'histoire -la vraie- aurait commencé avec son règne.
A son avènement à la magistrature suprême en 1997, l'AFDL n'avait qu'un slogan : "tous corrompus, tous pourris". Au nom de cette conception spécieuse de l'histoire des Etats par les libérateurs, nombre de compétences ont été sacrifiées sur l'autel de l'anti-mobutisme de principe. On connait la suite.
Voilà qu'au nom de l'anti-kabilisme primaire certains épigones du Président Tshisekedi et une frange de la base sociologique du parti au pouvoir entonnent le fameux " du passé faisons table rase ". Un exercice qui, notamment par la loi immuable du retour de la manivelle, plongerait la RDC dans une négation continue de son histoire.
Qui gagne au finish ? Personne. Mais, pour sûr, c'est la RDC qui perd. Pas seulement au change. A tous les coups.