"On peut faire des ajustements, mais je ne crois pas qu'il faut jeter cette Constitution pour commencer à en réécrire une autre. C'est ouvrir un autre champ de crise dans un pays qui est déjà en crise", prévient Jacques Djoli, professeur de droit constitutionnel et député du Mouvement de libération du Congo ( MLC), invité du Grand Débat Top congo fm, consacré à la question du changement ou non l'actuelle Constitution en vigueur depuis février 2006.
Toutefois, "il n'y a pas de tabou. Cette Constitution n'est pas mythique, posée pour l'éternité. Il est prévu dans le titre 7 de la Constitution, des mécanismes pour révision, d'ajustement de la constitution mais en respectant les dispositions intangibles qui sont à l'article 220".
Analyser les imperfections
"Maintenant, il faut analyser les axes d'imperfection en regardant l'architecture globale. On peut par exemple, à ce sujet, se demander si au plan des droits consacrés, a protection des droits de l'homme, une dimension fondamentale de la Constitution, est-les objectifs ont été atteints? On peut discuter de la réussite des équilibres qu'on a voulus mettre en place avec cette Constitution", fait-il remarquer.
De ce point de vue, "on peut par exemple se demander si le bicamérisme répond au principe d'un parlementarisme rationalisé, tout comme sur les provinces (qui) sont aujourd'hui ingouvernables. On peut se demander s'il n'y a pas eu trop de pouvoir donné aux Assemblées provinciales par rapport aux gouverneurs qui est à leur merci et enfin la décentralisation. Est-ce qu'elle est faisable en l'état, on pourra voir aussi la question de la nationalité", suggère le député MLC.
Qui au final s'interroge si fondamentalement "nous avons un problème normatif ou anthropologique, est-ce la faute du texte ou des acteurs qui ne se sont pas donnés les moyens d'atteindre ces objectifs ?".
En effet, "il y a des résistances. Les gens ont parlé de changer cette constitution tout simplement parce quil fallait trouver des arguments pour revenir au pouvoir", pointe-t-il en faisant allusion à la révision constitutionnelle de 2011 qui faisait passer la présidentielle à un tour unique.
"Comment peut-on (alors) appliquer un texte qui veut instaurer la démocratie lorsque les acteurs eux-mêmes, n'ont pas totalement intériorisé la culture démocratique?", assène-t-il.
"Nous avons un texte qui a résisté aux pressions. On l'a changé en 2011 pour permettre la conservation du pouvoir mais en 2016, la population s'est approprié ce texte et ça nous a permis d'avoir ce qu'on appelle l'alternance", se félicite Jacques Djoli qui déclare littéralement sa flamme envers "la Constitution, socle de notre vie, la fondamentalité de notre être".
Seulement, il n'en a pas toujours été ainsi entre cette loi fondamentale et l'Universitaire congolais.
"C'est vrai que j'étais très critique vis-à-vis de cette Constitution lorsque j'écrivais ma thèse il y a 20 ans.
J'avais développé, à l'époque le même schéma argumentaire que mon confrère Mabaka (constitutionnaliste pro changement de constitution, lui aussi invité du Grand débat) et parlais d'une constitution mimétique où beaucoup d'éléments étaient du droit importé ou imposé", reconnaît Jacques Djoli.
"Mais après 15 ans, cette Constitution est parmi les premières Constitutions Congolaises à avoir bénéficié d'une telle durée, malgré ses faiblesses. C'est la première fois que nous sortons un peu de ce mouvement permanent de constitutionnalisation, déconstitutionnalisation, reconstitutionnalisassions. Cette inflation constitutionnelle", lâche-t-il.