Avec le témoignage du brigadier-chef Erick Kibumbe Banza, alias Sadam, le puzzle du double assassinat de Floribert Chebeya et Fidèle Bazana est presque complet. Ce policier en fuite vient de trouver refuge à l’étranger, comme ses ex-collègues comme Hergil Ilunga et Alain Kayeye Longwa qui avaient décidé de raconter leur participation aux meurtres du célèbre militant des droits de l’homme et de son chauffeur .





Erick Kibumbe faisait partie des six policiers du bataillon Simba convoqués à l’inspection générale de la police ce 1er juin 2010. Dans un entretien accordé à Afrikarabia, avant son départ en exil, Sadam Kibumbe confirme le témoignage d’Hergil Ilunga, le chauffeur du véhicule où a été exécuté Fidèle Bazana.


Numbi quitte l’inspection générale avant l’arrivée de Chebeya

Sadam Kibumbe nous raconte qu’il a été prévenu par téléphone de sa convocation à l’inspection générale de la police pour « une mission » inconnue. Comme Hergil Ilunga, Sadam était en repos lorsqu’il reçoit deux coups de téléphone lui demandant de se rendre au quartier général de la police congolaise tenu par John Numbi. Le premier appel provenait du major Christian Ngoy, le commandant du bataillon Simba, arrêté en septembre 2020 ; et le second du colonel Daniel Mukalay, condamné en 2015 à 15 ans de réclusion criminelle. Sadam était le garde du corps de Daniel Mukalay et Hergil Ilunga son chauffeur. « Daniel Mukalay nous a demandé de rester disponibles dehors parce qu’il y avait une mission, un travail à faire ». Erick Kibumbe confirme que John Numbi était bien présent le matin, lorsque les policiers ont été convoqués à l’inspection générale, mais qu’il est sorti de l’inspection générale avant l’arrivée de Floribert Chebeya et Fidèle Bazana en milieu d’après-midi.


« On ne savait pas qu’on allait tuer quelqu’un »

Le policier affirme ensuite que le personnel de l’inspection générale de la police a quitté les lieux vers 16 heures. « Nous avons attendu avec Hergil dans le véhicule de commandement, une jeep Defender. Il y avait aussi le lieutenant Bruno Sotti qui était dans une autre jeep de la brigade canine. Mais on ne savait toujours rien sur notre mission, ni qu’on allait tuer quelqu’un ». Vers 19 heures, Erick Kibumbe confirme, tout comme Hergil Ilunga, l’arrivée d’une Mazda grise, avec à son bord Floribert Chebeya et Fidèle Bazana au volant. « Chebeya est monté dans le bureau de Mukalay. Il y est resté très longtemps ». Selon Erick Kibumbe, c’est le major Christian Ngoy qui a demandé d’amener Fidèle Bazana dans le véhicule d’Hergile Ilunga. Christian Ngoy a ensuite demandé à Jacques Mugabo, un autre policier présent à l’inspection générale, de donner l’ordre à Sadam Kibumbe de menotter Bazana.


« Le tueur de Bazana, c’est moi ! »

Sadam Kibumbe explique ensuite que le major Christian Ngoy est descendu du bureau de l’inspection générale pour venir le menacer avec son arme en lui demandant : « Tu attends quoi pour l’exécuter ? ». Le policier exige alors un ordre précis de son supérieur et le renfort des autres policiers. « Christian Ngoy a rappelé Jacques Mugabo et Ngoy Doudou, raconte Sadam. On est monté derrière le véhicule et on a commencé le boulot avec Ngoy Doudou. On a scotché des sachets plastiques sur la tête du chauffeur de Chebeya et on a mené Bazana à la mort. Mais celui qui a donné la mort c’est moi. Le tueur de Bazana c’est moi, Sadam Kibumbe ! » avoue le policier à Afrikarabia. Concernant le rôle de Paul Mwilambwe, qui s’occupait de la sécurité de l’inspection générale, Erick Kibumbe confirme que le policier n’a été que le témoin oculaire du double meurtre. « Il tout vu sur les écrans des caméras, mais il n’a pas participé à l’assassinat ».




« On a enterré Bazana vers 20heures »

Sadam Kibumbe explique ensuite que Chebeya est tué dans le second véhicule, dans lequel se trouvait Bruno Sotti, Jacques Mugabo et Ngoy Doudou. Les véhicules sont alors partis pour enterrer Fidèle Bazana à Mitendi, dans la concession de l’actuel général Djadjidja. Une version similaire à celle fournie par Hergil Ilunga. « On a enterré Bazana avec le sachet sur la tête vers 20 heures ». Le corps de Chebeya est alors remis dans sa voiture qui est déposée quelques kilomètres plus loin. Une fois leurs forfaits commis, l’équipe du bataillon Simba se rend à Righini chez le colonel Daniel Mukalay où ils déposent les véhicules, puis passe la nuit chez le major Christian Ngoy.


« Nous sommes montés dans un avion-cargo pour Lubumbashi

« Le matin, nous voulions rentrer à la maison, mais le major Christian ne voulait pas nous laisser et nous a conduits dans tout Kinshasa ! Vers 20 heures nous sommes allés dans la résidence de John Numbi. Vers 2 heures du matin, le général a donné l’ordre de sortir son véhicule de commandement. Le garde du corps du général, qui est aujourd’hui le major Kongolo, nous a conduits à l’aéroport de Ndjili. Nous sommes montés dans un avion-cargo, au milieu des colis ». Les quatre policiers, Hergil Ilunga, Jacques Mugabo, Sadam Kibumbe et Christian Ngoy arrivent à Lubumbashi à 5 heures du matin. « le capitaine Kabila, un proche de Numbi qui est aujourd’hui major, nous attendais aux pieds de l’avion, poursuit Sadam. Il nous a conduits directement dans la ferme de John Numbi à Lubumbashi ».


Sous l’emprise de Numbi

Une fois à Lubumbashi, dans le fief de John Numbi, les policiers restent un peu plus de quatre mois dans la ferme du chef de la police « sans téléphone ». « John Numbi nous a ensuite remis entre les mains d’un colonel qui nous a affectés dans une mine en pleine brousse. Chaque semaine, nous étions sous la surveillance du secrétaire du général Numbi, le colonel Tsheri, du capitaine Kabila et du major Kongolo. Erick Kibumbe passe ensuite les 10 années suivantes dans la brousse « sans être payé ». Pourtant, en 2011, le policier tente une première fois de fausser compagnie aux sbires de Numbi. Erick Kibumbe part pour la Zambie, puis le Zimbabwe, dans le camp Tongo Gara, « à 30 km de l’Afrique du Sud ». Mais il se rend compte qu’il n’était pas plus en sécurité au Zimbabwe qu’au Congo et décide de rentrer à Lubumbashi. A son retour, ses camarades lui racontent les appels téléphoniques, les menaces et les recherches des proches de Numbi pour savoir où il se trouvait. Certains ont même été brutalisés pour parler.


«Le chef vous cherche!»

Quelques mois avant l’arrestation de Christian Ngoy, en septembre 2020, la pression augmente sur les policiers impliqués dans l’affaire Chebeya et toujours recherchés par la justice. La Fondation Bill Clinton pour la Paix dénonce l’inaction de la police et révèle que des policiers qui ont participé au double meurtre sont toujours en poste dans l’ex-Katanga. Une information relayée par Afrikarabia. Erick Kibumbe et ses camarades sont alors convoqués à la ferme de John Numbi. Mais lorsqu’ils s’y rendent, un militaire les informe qu’on les cherche pour « effacer les traces ». « On va vous tuer ou vous empoisonner » prévient-il. Les policiers font marche arrière.

« A partir de ce jour-là, on a fui, précise Sadam Kibumbe. Tous les jours, le major Kongolo nous appelait : Vous êtes où ? Le chef vous cherche ! » Quelques jours plus tard, Christian Ngoy était arrêté à Lubumbashi – voir notre article. Depuis quelques heures, Erick Kibumbe a quitté l’Afrique pour l’exil, loin du Congo. « Je ne pouvais plus vivre ici en insécurité. Si on m’arrêtait à Lubumbashi j’aurai été en danger. Ma famille a reçu beaucoup d’appels d’intimidations. Je ne peux pas faire confiance à la justice congolaise. Et maintenant, même le général Numbi a fui, alors… »

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