Moins de 48 heures après la rencontre de Doha où les présidents Félix Tshisekedi (RDC) et Paul Kagame (Rwanda) se sont engagés à un cessez-le-feu immédiat et inconditionnel, le mouvement rebelle M23, soutenu par le Rwanda selon Kinshasa, a de nouveau violé cet accord en s’emparant de Walikale-centre, dans la province du Nord-Kivu. Cette avancée marque une escalade significative dans le conflit, avec des pertes civiles et des conséquences économiques majeures.
Une violation flagrante du cessez-le-feu
Selon des sources locales et des témoignages recueillis par l’AFP, les combattants du M23 ont pris le contrôle de Walikale mercredi soir après une journée de combats intenses. « Walikale-centre est occupé par le M23, arrivé hier vers 18h. Nous nous sommes retirés pour éviter des pertes humaines », a déclaré un officier de l’armée congolaise. Des habitants ont confirmé la présence des rebelles dans les quartiers de la ville, certains rapportant avoir vu des combattants « à travers les fenêtres » de leur maison.
Cette avancée du M23 vers l’ouest est une première depuis l’apparition du groupe armé en 2012. Walikale, un nœud routier stratégique proche d’importants gisements d’or et d’étain, représente un gain significatif pour les rebelles, mais aussi une menace pour la stabilité économique de la région.
Des conséquences humanitaires et économiques
La prise de Walikale a des répercussions immédiates sur la population locale et l’économie régionale. Plusieurs civils ont été tués lors des combats, et des familles sont en deuil. Selon Marco Doneda, responsable local de l’ONG Médecins sans frontières (MSF), la ville a été prise après des tirs croisés, sans faire de blessés immédiats. Cependant, MSF s’inquiète d’un afflux de blessés dans les prochains jours.
Sur le plan économique, la société Alphamin a dû évacuer son personnel et suspendre les opérations de sa mine de cassitérite (minerai d’étain) de Bisie, située à une cinquantaine de kilomètres de Walikale. Cette mine, la troisième au monde en termes de production d’étain, est cruciale pour l’économie locale et mondiale. L’arrêt des opérations a déjà provoqué une hausse des cours de l’étain, un métal essentiel pour l’industrie électronique et les énergies renouvelables.
Un échec des efforts de paix
La prise de Walikale intervient alors que les efforts de paix semblent au point mort. Mardi, à l’issue d’une rencontre sous médiation qatarie à Doha, les présidents Tshisekedi et Kagame avaient réaffirmé leur engagement en faveur d’un cessez-le-feu immédiat. Cependant, cet engagement n’a pas été respecté, et les négociations directes entre Kinshasa et le M23, prévues à Luanda sous médiation angolaise, n’ont pas eu lieu. Le M23 a justifié son absence en accusant l’Union européenne de « saboter les efforts de paix » après l’annonce de nouvelles sanctions contre certains de ses dirigeants.
Une région en proie à l’instabilité
L’est de la RDC, riche en ressources naturelles et frontalier du Rwanda, est en proie à des violences depuis près de 30 ans. Une myriade de groupes armés, dont le M23, se battent pour le contrôle des territoires et des ressources, souvent avec le soutien implicite ou explicite des pays voisins. Kinshasa accuse Kigali de soutenir le M23 pour piller les ressources minières et agricoles de la région.
Les dernières violences ont fait plusieurs milliers de morts et forcé des centaines de milliers de personnes à quitter leur foyer, selon l’ONU et le gouvernement congolais. Le M23 affirme défendre les intérêts des populations tutsies de l’est de la RDC, mais ses actions continuent de déstabiliser la région et d’exacerber les tensions ethniques et politiques.
Les défis à venir
La prise de Walikale par le M23 représente un nouveau défi pour les efforts de paix dans la région. Les autorités congolaises et la communauté internationale devront redoubler d’efforts pour faire respecter le cessez-le-feu et relancer les négociations. Cependant, la situation sur le terrain reste volatile, et les populations locales continuent de payer un lourd tribut à ce conflit.
En attendant, les habitants de Walikale et des régions voisines vivent dans la peur et l’incertitude, espérant une issue rapide à cette crise qui dure depuis trop longtemps. La communauté internationale, quant à elle, doit trouver des moyens plus efficaces pour soutenir les efforts de paix et protéger les civils pris au piège de ce conflit.
Une lueur d’espoir ?
Malgré les récents revers, les engagements pris à Doha et les sanctions internationales contre le M23 et le Rwanda offrent une lueur d’espoir. Cependant, pour que ces efforts aboutissent à une paix durable, il sera essentiel que toutes les parties respectent leurs engagements et que la communauté internationale continue à soutenir les initiatives de paix.
En attendant, les populations de l’est de la RDC, prises au piège de ce conflit, attendent toujours une issue qui leur apporterait enfin la stabilité et la sécurité dont elles ont tant besoin.