A Buhumba, dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC), les habitants ont une idée assez claire sur les récents incidents à la frontière avec le Rwanda. L'affaire est entendue: les troupes rwandaises sont à l'origine de tout.
Théâtre d'affrontements mercredi et jeudi, la colline de Kanyesheza se perd dans la brume à quelques kilomètres, dans un paysage de verdure et de plantations agricoles. Goma, la capitale de la province du Nord-Kivu (est), est à une vingtaine de kilomètres au sud.
"La frontière n'est pas claire", dit un ancien du village, Jean Bizoza. "Les Rwandais disputent la colline de Kanyesheza, car ils affirment qu'elle leur appartient."
Dans cette zone majoritairement hutu, le Rwanda n'a pas bonne presse.
On se souvient de l'intervention des troupes de Kigali lors des deux guerres du Congo (1996-1997 et 1998-2003) et des difficultés de la vie quotidienne sous la coupe des milices congolaises à dominante tutsi, soutenues par le Rwanda, qui se sont succédé dans la région jusqu'à la chute de la dernière d'entre elles, le Mouvement du 23 Mars (M23), en novembre 2013.
Depuis cette date, pour la première fois depuis bien longtemps, l'armée congolaise s'est déployée le long de la frontière dans le groupement de Buhumba, dont dépend Kanyesheza.
Et donc, explique Deo Makombe, le chef du groupement, en recevant sous une petite hutte, il n'est pas rare que des patrouilles des deux camps se rencontrent. Jusqu'à l'accès de violence de mercredi, la frontière avait été plutôt calme, ajoute-t-il, notant néanmoins quelques "provocations", comme l'"enlèvement d'un capitaine congolais" en mars, détenu pendant quelques heures avant d'être rendu aux Forces armées de la RDC (FARDC).
Kigali et Kinshasa se sont mutuellement renvoyé la responsabilité des affrontements - fusillade et armes lourdes - de mercredi et jeudi, qui ont fait cinq morts dans les rangs de l'armée congolaise. Vendredi, le calme était revenu.
- Pénurie d'eau -
Parlant fièrement au milieu d'un groupe d'habitants qu'il amuse de ses fanfaronnades, un soldat affirme sérieusement que les FARDC envoient de temps en temps des éclaireurs du côté rwandais pour s'assurer que le remuant voisin ne prépare rien contre Kanyesheza.
"Les Rwandais ne sont pas habitués à ce que cette colline ne soit plus sous leur contrôle", dit Augustin Tahurugiye, directeur d'école et secrétaire de la société civile locale. Depuis novembre, dit-il, les FARDC occupent les positions abandonnées par le M23.
Mais "Kanyesheza est au Congo", rappelle M. Makombe: c'est un fait acquis depuis le traité de 1910 entre la Belgique et l'Allemagne, qui a fixé la frontière à cet endroit entre le Congo belge et le protectorat allemand du Rwanda-Urundi, qui allait être privé à cette occasion de territoires jusque-là sous son contrôle.
"A l'époque, la frontière a été bornée", ajoute-t-il, précisant que les bornes sont toujours là, même si souvent cachées sous la végétation ou enterrées. "Mais si les gens de Kigali ne savent pas où passe la frontière, ils n'ont qu'à nous demander. C'est nous, les autochtones d'ici, qui trancheront avec les autochtones d'en face".
Ceux d'"en face", on les connaît bien au village, puisqu'il faut aller leur acheter de l'eau.
"Nous sommes sur le seul territoire du Congo dépourvu de source et de rivière", déplore M. Makombe.
Alors, plutôt que de s'approvisionner aux robinets publics congolais à plus de 10 kilomètres, on préfère marcher deux kilomètres jusqu'à la frontière où un bidon coûte l'équivalent de deux cents de dollar.
Mais depuis les affrontements à Kanyesheza, il n'est plus possible d'aller chercher de l'eau au Rwanda et la situation devient critique. "On se débrouille pour récolter l'eau de pluie en creusant des trous que l'on recouvre d'une bâche", explique un habitant.
Sans route goudronnée, sans électricité, les Congolais de la frontière, qui vivent dans le dénuement, dans de modestes maisons de bois au toit de tôle, demandent une réouverture rapide du passage. Nul ne peut vivre longtemps sans eau.
mj/mba AFP 14/06/14)
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