*Faute de carburant et lubrifiants, les 18 locomotives neuves de la SNCC, réceptionnées dernièrement par le Président de la République, n’ont pas encore quitté la Gare Voyageurs de Lubumbashi. Qui plus, la voie ferrée est dans un état tel qu’elle nécessite quelques travaux de réhabilitation. Les cheminots demandent à être motivés. Pourtant, on attend une chose du DG de la SNCC : les résultats. Celui-ci a promis de faire de la SNCC, une banque au service de la révolution de la modernité. Gestionnaire d’une expérience éprouvée, Ilunga Ilunkamba connaît, par cœur, les défis qui sont à relever pour que les nouvelles locomotives ne se transforment pas en éléphants blancs. Le risque, en effet, est grand. Il faut à tout prix résoudre la question de la fourniture du gasoil et des lubrifiants. Au même moment, il faudra que le Gouvernement mette les moyens dans la réhabilitation de cette voie ferrée qui, en principe, permet d’atteindre plus ou moins douze provinces sur les vingt-six nouvellement créées. La Banque Mondiale, a-t-on appris, a déjà fait sa part de travail. Depuis 2011, elle finance la fourniture de gasoil et des lubrifiants pour l’exploitation des locomotives de la SNCC, dans le cadre du Projet de Transport Multimodal (PTM). A présent, le Gouvernement est appelé à prendre ses responsabilités. Toutes les contraintes qui minent le fonctionnement de la SNCC sont effectivement connues du Gouvernement de la République. Aussitôt après la réception de nouvelles locomotives, il a été donné aux journalistes d’apprendre que des discussions fructueuses ont eu lieu au niveau du Cabinet du Président de la République avec les Ministres concernés. Si les autorités du pays ont pris le sens de la mesure, une solution urgente devait être trouvée. Depuis Lubumbashi, le DG de la SNCC a répondu à des pertinentes questions d’un fin limier de La Prospérité, le 31 juillet 2015. Dans son interview, le Professeur Ilunga Ilunkamba dresse un bilan à mi-parcours positif de son action à la tête de cette entreprise qui aura, pendant longtemps, servi de vache à lait à certains vautours. D’importantes mesures ont été prises pour redresser la SNCC. Découvrez, en exclusivité, l’interview du sémillant DG de la SNCC.



La Prospérité (LP) : Monsieur le Directeur Général, avec la réception à Lubumbashi, par le Chef de l’Etat, d’un premier lot de 18 locomotives neuves, en attendant l’arrivée d’un autre lot de 20 locomotives, une acquisition jamais réalisée en RDC depuis quarante ans, peut-on affirmer aujourd’hui que le processus de redressement de la SNCC est véritablement lancé ?



Le DG Ilunga Ilunkamba (DG) : Je vous remercie de l’opportunité que vous me donnez de faire le point de la situation de la SNCC à l’occasion de l’inauguration des locomotives neuves par Son Excellence Monsieur le Président de la République, Chef de l’Etat, Joseph KABILA KABANGE. L’acquisition des locomotives neuves par le Gouvernement de la République pour la SNCC est une avancée majeure dans le cadre du redressement de la SNCC. Dans l’exploitation ferroviaire, il y a deux facteurs de production indispensables : la voie ferrée et la locomotive.

L’acquisition des locomotives neuves accroît la capacité de traction de la SNCC.

La dernière acquisition des locomotives neuves par la SNCC remonte à 1976. Il s’agit des locomotives électriques 2600 de marque Hitachi. La plupart de ces locomotives Hitachi sont déjà hors d’usage. Mais quelques-unes circulent encore grâce à l’ingéniosité des cheminots au grand étonnement de leur fabricant. Pour faire la jonction avec l’arrivée des locomotives neuves, le Gouvernement de la République avait acheté des locomotives reconditionnées auprès d’une firme sud-africaine GRINDROD et la Banque Mondiale avait loué, pour la SNCC, des locomotives d’occasion auprès de la même GRINDROD et d’une autre firme sud-africaine SHELTAM. L’acquisition des locomotives neuves est sans conteste la confirmation, par des actes concrets, de la volonté de redressement de la SNCC par le Président de la République, Chef de l’Etat.



LP : Dans votre discours prononcé à l’occasion de l’inauguration des 18 locomotives par le Chef de l’Etat, vous avez énuméré des contraintes qui persistent sur l’exploitation des locomotives neuves inaugurées. A court terme, quelle est la contrainte la plus importante ? Quelle assurance avez-vous reçue du Gouvernement pour que cette contrainte n’annihile pas les efforts déjà entrepris ?



DG : La contrainte majeure sur l’exploitation des locomotives est sans doute la fourniture du gasoil et lubrifiants. Depuis septembre 2011 jusque fin mars 2015, la Banque Mondiale par le biais du Projet de Transport Multimodal (PTM), a financé la fourniture de gasoil et les lubrifiants pour son exploitation. Le Gouvernement de la République doit prendre le relais de la Banque Mondiale dans le financement du gasoil et lubrifiants afin d’éviter que ces locomotives neuves ne soient condamnées à être immobilisées en Gare Voyageurs de Lubumbashi, ce qui est le cas à ce jour. Une telle situation ne serait tolérable pour personne. Des discussions fructueuses ont eu lieu au niveau du Cabinet du Président de la République avec les Ministres concernés. Il est urgent qu’une solution soit choisie et appliquée sans délais.



LP : Quels sont, Monsieur le Directeur Général, des résultats déjà obtenus dans le cadre du Pacte de Paix Sociale signé en juillet 2014 à Kinshasa avec la délégation Syndicale Nationale ?



DG : Après la signature du Pacte de Paix Sociale pour la relance de production en juillet 2014, la situation sociale est calme sur l’ensemble du réseau.



Le personnel a repris le travail et dans sa grande majorité a compris que seul le travail est générateur, pour la société, des recettes qui lui permettent de faire face à ses engagements, dont le paiement régulier des salaires dans des délais raisonnables. Ainsi, après le paiement des mois de mars, avril et mai 2014 avec l’appui du Gouvernement de la République, la SNCC a pu financer par ses propres ressources, cinq paies sur les huit paies organisées durant l’exercice 2014. En ce qui concerne la paie, le problème auquel la SNCC est confrontée est celui de la durée. A cause du faible niveau des recettes, il n’est pas possible de payer les salaires en même temps sur tout le réseau, de telle sorte que la paie dure longtemps. Notre objectif est de raccourcir la durée de la paie à quinze jours, ce qui est une durée normale étant donné la dispersion géographique de nos activités. C’est pourquoi la SNCC sollicite un appui à la trésorerie, périodique, permanent et non sporadique du Gouvernement de la République conformément à son engagement dans le Pacte de paix sociale et l’Accord du don relatif au Projet de Transport Multimodal. Il s’agit là d’une nécessité pour consolider la paix sociale.

A ce titre, je voudrais remercier le Gouvernement de la République et spécialement Monsieur le Premier Ministre, pour avoir mis à la disposition de la SNCC, 1,5 million de dollars américains et 2,8 milliards de francs congolais dans le cadre de l’appui à la trésorerie pour l’exercice 2015.



LP : Dans votre discours, lors de l’inauguration de 18 locomotives neuves, vous avez déclaré que 1.231 km de 3.641 km du réseau SNCC nécessitent le renouvellement complet à court terme et long terme.

Quelles sont les priorités ?



DG : Dans le cadre du Projet de Transport Multimodal (PTM), il est prévu la réhabilitation de 791 km, soit 21% du réseau de la SNCC. Donc, dans ce cadre, la grande partie de la voie ferrée ne sera pas réhabilitée. Toutefois, deux bémols à ce sujet. Il faut reconnaître qu’il s’agit là de l’effort de réhabilitation le plus important depuis des décennies à la SNCC. En outre, grâce à l’ingéniosité des ingénieurs de la Direction des Installations Ferroviaires (DIF) de la SNCC, les travaux de réhabilitation, notamment de sécurisation et confortement, vont s’étendre sur plus de 1.000 km. Mais dans tous les cas, il est nécessaire que l’effort de réhabilitation de la voie soit poursuivi par le Gouvernement de la République.

Dans ce cas, deux axes sont prioritaires :

-L’axe Kolwezi-Dilolo pour faire jonction avec le chemin de fer angolais afin de ramener les miniers au rail ;

-L’axe Kamina-Kabongo pour évacuer les produits agricoles afin d’approvisionner les centres urbains pour donner aux producteurs paysans riverains du rail l’opportunité de tirer profit de la croissance économique que connaît notre pays.



LP : Comment envisagez-vous, Monsieur le Directeur Général, la répartition des locomotives neuves sur l’ensemble du réseau ferroviaire de la SNCC ?

DG : Sur les 38 locomotives, 24 locomotives vont desservir les régions de Copperbelt et le Nord, 10 l’Est (la région des Grands Lacs et la région Fleuve-rail) et 4 desserviront la section Kisangani-Ubundu.



LP : Dites-nous, M. le Directeur Général, sous votre direction, la SNCC, avec l’appui du Gouvernement, a entrepris des actions concrètes pour résoudre ses difficultés. Mais celles-ci ne peuvent être absorbées que s’il y a une bonne gouvernance. Quels sont les efforts entrepris dans ce sens pour instaurer une meilleure gestion dans la SNCC ?



DG : Le chantier de la gouvernance est le chantier le plus important du programme de redressement de la SNCC initié par le Gouvernement de la République depuis 2008. Pendant longtemps, la SNCC a fonctionné comme un bien sans maître, comme « nyamayatembo » (en swahili), « viande d’éléphant » où chacun vient puiser sans que la viande ne se termine, ce qui est une illusion, la viande quelle que soit son abondance finit toujours par se terminer. La SNCC, une grande entreprise structurante, a fini par être à genoux, à bout de souffle !

Ce chantier de la gouvernance s’articule autour des actions suivantes :

- l’intensification de la restauration de la discipline, en faisant appliquer les dispositifs légaux, réglementaires, conventionnels et déontologiques pour encadrer le fonctionnement de l’entreprise et opérer un changement de comportement à tous les niveaux par sanctions positives ou négatives ;

- l’identification et répression des réseaux mafieux de fraude sur le poids, la nature de la marchandise, entraînant une dilution importante des recettes au détriment de la SNCC et révocation des agents ;

- la lutte contre les comités des trafiquants qui écument les trains courriers et leur mise à la disposition de la justice ;

- la transparence dans la gestion financière par le rattrapage des retards dans la clôture des états financiers 2012, 2013 et 2014 avec basculement en SYSCOHADA et tenue des livres en SYSCOHADA pour l’exercice 2015 ;

- l’élimination des goulots d’étranglement dans l’exécution des projets sur financement PTM en accélérant leur mise en œuvre ;

- l’optimisation et la rationalisation de l’utilisation des moyens de production (locomotives, wagons, voie ferrée) ;

- la maîtrise des surconsommations du gasoil et lubrifiants ;

- l’amélioration de la productivité par agent (maintien du programme de départ en retraite financé par le PTM, recyclage des agents et formation des nouvelles recrues).

Bref, il s’agit d’une bataille de longue haleine qui fait peur aux agents véreux et réseaux mafieux. D’où, la diabolisation des gestionnaires. Mais, il y va de la survie de la SNCC. Il faut donc maintenir le cap.

LP : Que souhaitez-vous, Monsieur le Directeur Général, qu’on vous pose comme autre question, mais qui ne l’a pas été ?



DG : Pour terminer, je voudrais insister sur l’importance de l’activité ferroviaire de la SNCC dans l’émergence de notre pays.

Dans le cadre des réformes économiques profondes initiées par le Président de la République, Chef de l’Etat Joseph KABILA KABANGE, depuis 2001, le Gouvernement de la République a entrepris en 2008 la mission de stabilisation des activités ferroviaires de la SNCC dont l’objectif est d’abord d’arrêter la descente aux enfers de la SNCC, en évitant la cessation des activités et, dans la suite, d’entreprendre un programme vigoureux de redressement de la SNCC avec comme objectif la restauration de la rentabilité opérationnelle en 2017 et la rentabilité financière à partir de 2018.

Au niveau macroéconomique, l’acquisition des locomotives neuves va redonner aux 7.342 cheminots et à la SNCC la capacité de traction en vue d’un accroissement substantiel des unités de trafic vendues afin d’améliorer les conditions de vie des cheminots, faire face à ses engagements et restaurer sa rentabilité opérationnelle et financière.

Au niveau macroéconomique, la restauration de la capacité de traction de la SNCC va lui permettre de jouer son rôle de vecteur de la croissance inclusive dans la mesure où le train permet au producteur des coins les plus reculés et isolés de la République de vendre, en grande quantité, sa production dans les grands centres urbains à meilleurs prix.

Le train permet ainsi l’amélioration des conditions de vie pour le plus grand nombre de citoyens de la République Démocratique du Congo indépendamment de leur lieu de résidence sur le territoire national.

Au niveau sociologique, la SNCC permet l’intégration de différentes provinces de notre pays, et par ce fait, contribue à la cohésion nationale.

Je vous remercie.

Propos recueillis par LPM
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