Le dernier message du Chef de l’Etat à la Nation, intervenu le samedi 28 novembre 2015 dans la soirée, est l’objet de commentaires divers au sein tant de la classe politique que de l’homme de la rue. Dans plusieurs états-majors politiques, l’on se réjouit du fait que Joseph Kabila vient de confirmer la tenue du Dialogue national, après un grand flou ou suspense – c’est selon- qui aura duré six mois. On peut noter, entre autres motifs d’apaisement, le fait que le Président de la République partage le sentiment général selon lequel les Congolais n’ont plus qu’une alternative pour sauver leur patrie en danger : discuter sans tabou des questions qui fâchent autour d’une même table. L’on se réjouit aussi de l’ébauche du projet d’ordre du jour : fichier électoral, calendrier électoral, sécurisation du processus électoral, financement des élections. L’on doit lui reconnaître aussi le mérite de souhaiter l’inclusivité de ce Dialogue.

Signaux inquiétants

Le premier signal inquiétant envoyé par Joseph Kabila en direction de la Nation se situe au niveau du manque de date, alors qu’il revendique, depuis le mois de mai, le statut d’initiateur du Dialogue. A un mois de la fin de l’année, personne ne sait si ce forum va avoir lieu en 2015 ou va-t-on assister, à cette étape aussi, à un « glissement ».

Le second sujet d’inquiétude concerne le « Comité préparatoire ». Va-t-il décider unilatéralement du choix des « experts » chargés de déblayer le terrain du Dialogue ou consulter de nouveau les forces politiques et sociales sur le choix de leurs délégués ? Dans l’hypothèse d’une désignation d’autorité, l’opinion nationale pourrait le soupçonner de vouloir instrumentaliser ce forum. Mais s’il faille aussi que chaque formation politique ou organisation de la société civile y soit représentée, il y a lieu de craindre la mise en place d’une structure éléphantesque qui risquer de tirer les choses en longueur et de se montrer budgétivore.

Aussi, d’aucuns pensent qu’après avoir bouclé ses « consultations », le Chef de l’Etat aurait pu déjà suggérer un quota de participation pour chacune des trois parties prenantes traditionnelles, à savoir la Majorité présidentielle, l’Opposition et la Société Civile, avec comme points de repères le format réduit et un délai court d’organisation. Par ailleurs, les termes de référence étant suffisamment clairs, un « Comité préparatoire » parait sans objet, d’autant que les participants eux-mêmes auraient le loisir d’amender l’ordre du jour, avec le concours de la « médiation ».

La classe politique, surtout l’Opposition, a particulièrement tiqué en entendant Joseph Kabila suggérer une réflexion autour d’un mode de scrutin moins coûteux pour le trésor public congolais. D’aucuns se demandent s’il ne s’agit pas d’une exhortation implicite à une révision constitutionnelle devant porter sur la substitution du suffrage direct par le suffrage indirect. Si la RDC adoptait un système électoral conforme à ses moyens financiers, le souverain primaire accepterait-il que le Président de la République soit élu au « second degré », comme le Sénateur ou le Gouverneur de province ? Quant on pense à la facilité avec laquelle se monnaient les voix des députés provinciaux, qui constituent l’électoral de l’un et de l’autre, on ne peut que s’inquiéter de l’avenir de la démocratie au pays. Quand on se rappelle aussi comment les « motions de défiance ou de censure » sont étouffées à l’Assemblée nationale, avec des députés prêts à signer des pétitions et renier leurs signatures sur base des espèces sonnantes et trébuchantes, peut-on vraiment faire confiance au Parlement pour l’élection du président de la République au second degré, comme cela passe ailleurs et comme c’était le cas avec Joseph Kasa-Vubu contre Jean Bolikango en 1960 ?

On retient que des « experts » en questions électorales ont déjà démontré qu’avec 500 millions de dollars (prévision budgétaire 2016), il est possible d’organiser les élections présidentielle et législatives nationales, les plus urgentes et constitutionnellement verrouillées, en 2016, et même dégager un reliquat pour les provinciales. D’où, s’il n’y a pas un agenda caché de « glissement », les Congolais peuvent aller aux urnes en 2016 pour voter leurs futurs Président de la République et députés nationaux.

Autre raison de s’inquiéter : Joseph Kabila, qui a saisi dernièrement le Secrétaire général de l’ONU pour lui proposer une liste de quatre personnalités ( Kofi Annan, Dos Santos, Moustapha Niasse et Saïd Djinnit) sur laquelle le haut fonctionnaire onusien pourrait dégager un médiateur, martèle qu’ au nom de la souveraineté nationale, il ne veut pas d’ingérence ou interférence étrangère dans les affaires congolo-congolaises. Dans son entendement, une facilitation internationale ne serait possible qu’en cas de blocage du Dialogue. Pourtant, il sait autant que des millions de Congolais que la médiation internationale est la condition sine qua non posée par plusieurs forces politiques et sociales pour leur participation à ce forum. Chacun peut imaginer les conséquences de la remise en question de ce préalable.

Enfin, l’annonce de mesures de grâce individuelles sonnent faux, s’il y a réellement, dans le chef du Président de la République, une volonté d’apaisement général des esprits, dans ce pays où les prisonniers politiques et d’opinions peuplent les prisons, à la suite des procès hautement politisés ou des dossiers volontairement gelés devant les cours et tribunaux. Des mesures générales de grâce, comme ce fut le cas pour l’amnistie des belligérants au Dialogue inter congolais, seraient les bienvenues.

Ce que Joseph Kabila devrait éviter, c’est de laisser de nouveau, au bord de la route, des forces politiques et sociales qui comptent, à l’image des « Concertations nationales » de triste mémoire organisées en septembre-octobre 2013.

Kimp
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