Les Evêques réunis au sein de la Conférence Episcopale Nationale du Congo (Cenco) viennent de rompre le silence sur la nomination, depuis le vendredi 07 avril 2017, au poste de Premier ministre, de Bruno Tshibala, ancien porte-parole du Rassemblement des Forces Politiques et Sociales Acquises au Changement.

Sans mettre des gants, les princes de l’Eglise catholique considèrent l’acte posé par le Chef de l’Etat comme une entorse à l’Accord du 31 décembre 2017 ayant sanctionné les négociations directes entre la Majorité Présidentielle, le Rassemblement et les sensibilités de la Société Civile fonctionnant au titre de satellites de l’une et de l’autre.

Au cours d’un point de presse organise le vendredi 21 avril 2017 au Centre Interdiocésain, dans la commune de la Gombe, à Kinshasa, l’Abbé Donatien Nshole, qui faisait la lecture du message des Evêques catholiques, a relayé leur désapprobation contre la manière dont le
Chef de l’Etat a signé l’ordonnance portant nomination de Bruno Tshibala à la tête du gouvernement.

D’après le porte-parole de la CENCO, cette nomination ne cadre ni
avec l’esprit, ni avec la lettre du compromis politique du 31 décembre
2016, obtenu au prix de beaucoup de sacrifices, grâce à sa médiation.
On croit savoir que les propositions faites par les Evêques
catholiques au Chef de l’Etat, lors de leur dernier entretien ayant
précédé la clôture en catastrophe, le lundi 27 mars, des pourparlers
relatifs à l’Arrangement Particulier, dans l’espoir de surmonter les
deux obstacles qui bloquaient la signature de ce document, n’ont pas
été prises en compte par leur illustre interlocuteur.
On signale que le Président de la République, Joseph Kabila, n’a pas
rencontré le nouveau président du Rassemblement, Félix Tshisekedi, tel
que suggéré par les Evêques catholiques.
Avec ce « carton rouge », en cas de passage en force de la part du
pouvoir en place, comme c’était le cas pour le cabinet de Samy
Badibanga, nommé Premier ministre dans le contexte d’un Accord non
inclusif, Bruno Tshibala et son gouvernement en gestation risquent
d’entrer en fonctions sans la bénédiction de la CENCO. Cette position
rejoint celles déjà exprimées par la communauté internationale à
travers les Nations Unies, l’Union Européenne, l’Organisation
Internationale de la Francophonie, les Etats-Unis d’Amérique, la
Belgique, la France, le Canada, la Grande-Bretagne, etc.
Par contre, pour le Rassemblement dirigé par le tandem Félix
Tshisekedi et Pierre Lumbi, le pavé des Evêques catholiques relance
leur combat pour l’application intégrale de l’Accord de la Saint
Sylvestre, particulièrement en son point relatif au mode désignation
du Premier ministre, lequel devrait être présenté par cette méga
plate-forme politique au Chef de l’Etat pour nomination.
E.W.

« Proclame la parole, insiste à temps et à contretemps, réfute, menace,
exhorte, avec une patience inlassable et le souci d’instruire» (2 Tm 4,2)

1, Mue par sa foi et sa sollicitude pastorale, interpellée par les
attentes du Peuple congolais, encouragée par la Résolution 2348 du
Conseil de Sécurité des Nations Unies et par amour de la République
Démocratique du Congo, notre pays, la Conférence Episcopale Nationale
du Congo (CENCO) n’abandonne pas le Peuple congolais et ses
aspirations les plus légitimes, surtout pas en ce temps de crise.

Mission prophétique

2, Bien qu’ayant clôturé sa mission de bons offices auprès des Acteurs
politiques el sociaux, la CENCO réaffirme sa solidarité avec le Peuple
congolais et son souci de contribuer à son bien-être en ce temps
critique. Ainsi, en conformité avec sa mission prophétique, elle est
décidée à accompagner le Peuple congolais dans la mise en oeuvre de
l’Accord de la Saint-Sylvestre, pour avoir assuré la médiation dans
les négociations et engagé sa responsabilité morale.
3. Cet Accord, salué par tout le Peuple congolais, a été en plus
sanctionné par la Résolution 2348 du Conseil de Sécurité des Nations
Unies qui «souligne qu’une mise en oeuvre complète et rapide de
l’Accord du 31 décembre 2016 est essentielle pour appuyer la
légitimité des institutions chargées de la transition, exprime son
plein appui à la médiation conduite par la Conférence Episcopale
Nationale du Congo, demande instamment à toutes les parties prenantes
nationales de poursuivre la concertation de manière transparente et
ouverte et de coopérer avec la Conférence à cet égard, et prie le
Secrétaire Général de fournir un appui politique à ces efforts,
conformément aux dispositions de la présente résolution, notamment en
usant de ses bons offices» (n,7).
4. A cet effet, réuni à Kinshasa, le 20 avril 2017, le « Comité de
Suivi de la CENCO », chargé des négociations politiques directes entre
les Acteurs politiques et sociaux de la République Démocratique du
Congo, s’est penché sur l’état actuel de la mise en application de
l’Accord politique global et inclusif du Centre Interdiocésain.

Respect intégral
de l’Accord

5. Il sied de rappeler que l’Accord de la Saint-Sylvestre a été motivé
par la nécessité de trouver un consensus global sur la cogestion du
pays par les parties prenantes après le 19 décembre 2016, date de la
fin du deuxième et dernier mandat de l’actuel Chef de l’Etat. Signé le
31 décembre 2016, cet Accord historique a l’avantage de contenir
plusieurs acquis dont l’application ne nécessite pas un arrangement
particulier, notamment.
a) Le Chef de l’Etat ne briguera pas un troisième mandat (cf. 111.2 1.)
b) Le Président de la République reste cependant en fonction jusqu’à
l’installation du nouveau Président élu (Idem);
c) Les élections présidentielles, législatives et provinciales seront
tenues avant fin décembre 2017 (cf. IV.2.) ;
d) Aucune initiative de révision de la Constitution et de son
changement ne sera consentie ni par voie référendaire ni par voie
parlementaire pendant la période pré-électorale et électorale (cf.
Il.1.).
La mise en oeuvre d’autres points de l’Accord étant liée à la
signature de l’Arrangement particulier qui en fixe les modalités
d’application. il est urgent de hâter la signature dudit Arrangement.
1. Dans son discours sur l’état de la Nation, le 5 avril 2017, le Chef
de l’Etat s’est engagé à trouver une solution aux deux points de
blocage de l’Arrangement particulier, à savoir: le mode de désignation
et nomination du Premier Ministre ainsi que la présidence du Conseil
National de Suivi de l’Accord et du Processus Electoral (CNSA).
2. Ledit Accord stipule que « Le Gouvernement de la République est
dirigé par le Premier Ministre présenté par l’Opposition politique
non-signataire de l’Accord du 18 octobre 2016/Rassemblement et nommé
par le Président de la République conformément à l’article 78 de la
Constitution» (111.3.3). La CENCO déplore que les consultations entre
le Chef de l’Etat et le Chef de délégation du Rassemblement aux
négociations au terme desquelles allait être nommé le Premier Ministre
n’aient pas eu lieu. Malgré tout, un Premier Ministre a été nommé.
Ceci constitue une entorse à l’Accord de la Saint-Sylvestre et
explique la persistance de la crise.
8. Quant à la présidence du CNSA. le Président de la République, dans
son discours susmentionné, « en appelle à l’accélération des
tractations au sein de la classe politique en vue de la désignation (.
.. ) d’une personnalité consensuelle devant présider cette structure
». Force est de rappeler le contenu de l’Accord à ce sujet: « Le CNSA
sera présidé par le Président du Conseil des Sages du Rassemblement»
(V2.2) En vue de surmonter le blocage sur ce point, la médiation de la
CENCO avait proposé de concilier la lettre et l’esprit de l’Accord,
c’est-à-dire que le Président du CNSA provienne du Rassemblement mais
qu’il fasse l’objet d’un consensus.
9. Sur ces deux questions, et sur celles restées pendantes. la CENCO
considère que sortir du compromis politique convenu entre les parties
prenantes serait violer l’Accord de la Saint-Sylvestre. Le consensus
ayant été le mode de prise de décisions lors des négociations
politiques, la CENCO encourage les Acteurs politiques et sociaux à
plus d’efforts et de concessions afin de parvenir à une solution
complète et rapide de la crise.
10. Par conséquent, la CENCO en appelle aux Acteurs politiques et
sociaux à être plus sensibles aux souffrances du Peuple congolais.
Aussi convient-il de souligner avec force que l’Accord du 31 décembre
2016 vise « l’organisation des élections au plus fard en décembre
2017» (IV.2.) en vue de l’alternance démocratique et pacifique.

11. Dans l’Accord du 31 décembre 2016, un chapitre a été consacré à la
décrispation du climat politique, notamment par la libération des
prisonniers politiques et d’opinion, le respect des droits humains et
la réouverture des médias. Plusieurs prisonniers politiques et
d’opinion ont bénéficié des mesures de relaxe, dont quatre dits « cas
emblématiques ». D’autres cas, en particulier ceux de Jean-Claude
MUYAMBO et de Moïse KATUMBI, n’ont pas encore été résolus. Quelques
radios et télévisions ont été rouvertes; d’autres devraient l’être
aussi si les concernés adressent des demandes quant à ce. Tout en
saluant les résultats déjà obtenus sur ce chapitre, la CENCO déplore
cependant une certaine léthargie dans l’application de ces mesures de
décrispation. Elle demande de mettre tout en oeuvre en vue de
favoriser un climat de quiétude et d’inclusion propice à la tenue
d’élections.

Situation sécuritaire et respect des droits humains

12. La CENCO suit avec beaucoup d’inquiétude la situation
socio-sécuritaire et humanitaire à travers le territoire national.
Récemment, dans le Grand-Kasaï et plus particulièrement dans
l’Archidiocèse de Kananga et dans les Diocèses de Mbujimayi, de Luebo
et de Luiza, des affrontements sanglants ont opposé les Forces de
l’ordre aux milices se réclamant du Chef coutumier KAMUINA NSAPU. Des
violences d’une rare cruauté ont causé de nombreuses pertes en vies
humaines et des destructions des Infrastructures publiques et
ecclésiastiques. La CENCO dénonce et condamne fermement ces actes
ignobles. Elle en appelle à la retenue et à l’apaisement. En même
temps, elle réitère sa demande d’enquête indépendante et objective
afin d’établir les responsabilités.
La CENCO salue les efforts de réconciliation déployés par le
Gouvernement central avec l’appui de la MONUSCO afin de ramener la
paix dans le Grand-Kasaï. Elle rappelle que tout problème social ne
nécessite pas une solution par la voie des armes. Comme le dit le Pape
François dans son Message Ubi et Orbi le Dimanche de Pâques, le 16
avril 2017. « Qu’on puisse construire des ponts de dialogue, (. .. )
dans la recherche de solutions valables et pacifiques aux
controverses ( … ) ».
14. La CENCO recommande vivement que ce processus de pacification
prenne également en compte l’aspect humanitaire et s’étende sur
l’ensemble de cette contrée sinistrée afin de favoriser l’accès aux
populations meurtries. Bien entendu, il appartient au Gouvernement
congolais d’apporter l’assistance humanitaire nécessaire aux victimes
de cette tragédie. En outre, la CENCO sollicite l’appui multiforme de
la MONUSCO, de la Communauté internationale, des Organisations
humanitaires, ainsi que des hommes et des femmes de bonne volonté pour
résorber cette crise socio-sécuritaire.

Situation économique
15. La crise socio-politique et sécuritaire décrite ci-haut a des
conséquences néfastes sur le plan social et économique. En effet, le
manque de consensus sur la gestion du pays pendant la période
préélectorale et électorale sème la peur, éloigne les investisseurs et
affecte sérieusement le climat des affaires. Dans ces conditions, il
n’est pas étonnant que les sources principales de la trésorerie de
notre pays connaissent une baisse sensible des recettes.
16. Cette crise économique se manifeste également par la dépréciation
inquiétante du franc congolais et la diminution croissante du pouvoir
d’achat de la population. La situation est encore plus déplorable dans
les provinces directement concernées par l’insécurité. La CENCO
exhorte les Acteurs politiques et sociaux à adopter des comportements
responsables dans la gestion de la « res publica », afin d’améliorer
le social de la population.
17. En ce temps de Pâques, que le Christ vainqueur du mal et de la
mort fasse de nous des hommes et des femmes nouveaux, artisans de
justice et de paix. Que la Vierge Marie, Notre Mère, intercède pour
notre pays, la République Démocratique du Congo.

Fait à Kinshasa, le 20 avril 2017

Archevêques et Evêques présents à la réunion du Comité de Suivi du 20 avril 2017

1. Son Exc. Mgr Marcel Utembi, Archevêque de Kisangani, Président de la CENCO
2. Son Em. Laurent Cardinal Monsengwo, Archevêque de Kinshasa
3. Son Exc. Mgr Jean-Pierre TAFUNGA, Archevêque de Lubumbashi
4. Son Exc. Mgr Marcel Madila, Archevêque de Kananga
5. Son Exc. Mgr François-Xavier Maroy, Archevêque de Bukavu
6. Son Exc. Mgr Joseph Mokobe, Evêque de Basankusu
7. Son Exc. Mgr Fidèle Nsielele, Evêque de Kisantu
8. Son Exc. Mgr Nicolas Djomo, Evêque de Tshumbe
9. Son Exc. Mgr Fulgence Muteba, Evêque de Kibwa-Kasenga
10. Son Exc. Mgr Félicien Mwanama, Evêque de Luiza
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