Samedi 12 mai 2018 ce fut une réunion de famille. Kabila en a profité pour chauffer ses troupes et passer des messages subliminaux…

Il a chauffé ses troupes sans aucun doute. Samedi 12 mai 2018 ce fut une réunion de famille.
Expression prononcée par le Président de la République lui-même d’entrée de jeu. Une «réunion de famille» de la Majorité Présidentielle autour du chef de famille qu’il est Joseph Kabila Kabange. Au moins 300 convives (membres du Bureau Politique de la Majorité Présidentielle et Présidents des partis politiques membres de la Majorité Présidentielle) chacun doté d’un macaron, rassemblés en amont en bordure des eaux en furie de la rivière N’Sele sous une énorme tente de touffe de paille taillée avec classe par un architecte de renom sur le modèle de Port-Louis-Île Maurice. Sur ce chemin goudronné au paysage escarpé qui rappelle des collines du Kivu, on se croirait partout sauf dans ce pays plat de Kin…
Uniquement «Le Soft International».
T. KIN-KIEY M.

Pour des raisons évidentes de parking et de sécurité, c’est à bord de petits véhicules de transport en commun que les chefs des partis politiques accèdent à ce site où le Président de la République s’est installé depuis une vingtaine d’années, explique-t-il, peu avant la fin de son mot.
«Nous nous étions abrités là sous une hutte». Kabila désigne l’endroit du doigt. «Nous y avons préparé le Dialogue de Sun City».
Ce fut au lendemain de l’assassinat de son père, le Mzee Laurent-Désiré Kabila, le 16 janvier 2001. Le fils revenu de Pweto, depuis l’une des lignes de front, choisi à la succession du père, venait de prendre le 17 janvier les rênes de l’État dans la Capitale. Mais le pays ravagé par ses mille guerres, était divisé en trois pays sans espoir de réunification.
Les armées, rwandaise (forte de ses 30.000 soldats au Congo) et ougandaise (comptant le même nombre d’hommes) faisaient régner leur loi chez le voisin de l’Ouest. Sans retenue, elles s’étaient battues six jours durant, du 5 au 10 juin 2000, dans les rues de Kisangani, chacune recherchant le contrôle de la meilleure partie du pays.
Kabila avait dû relancer le dialogue rejeté avec force par le Mzee, donner des gages de la réconciliation nationale, rappeler le médiateur, l’ancien chef de l’État botswanais Sir Ketumile Joni Masire dit Quett Masire mort le 22 juin 2017, redonner sa chance à la paix en repartant à zéro…
Devant l’Histoire, le jeune président âgé de trente ans, assume ses responsabilités.
«Il y avait là Samba Kaputo, Augustin Katumba» (tous disparus).
Le Président parcourt la salle de son regard, s’arrête sur un homme assis à une table devant lui, le dévisage.
Puis: «Oui, lui aussi, était là…». C’est Léonard She Okitundu, ministre des Droits humains sous M’Zee, puis des Affaires étrangères, revenu depuis deux ans aux Affaires étrangères.

NEE EN 2006, LA MP TOTALISE 12 ANS.
Ce Dialogue inter-congolais s’ouvre le 15 octobre 2001 à Addis-Abeba, en Ethiopie après une balade à Gaberone, au Botwana, chez Quett Masire, s’installe le 25 février 2002 à Sun City, en Afrique du Sud, reprend son sillon le 17 décembre 2002 à Pretoria, en Afrique du Sud, ferme ses portes le 2 avril 2003 à Sun City avec le fameux «accord global et inclusif». Le texte qui instaure un régime étrange inconnu de 1+4 (un Président et 4 Vice-Présidents représentant chacun une composante dont trois composantes armées). C’est ce régime avec Kabila à la tête qui conduit le pays à ses premières élections libres et démocratiques d’après-indépendance. C’est d’elles que Joseph Kabila obtient son premier mandat électif grâce à une coalition, l’Alliance de la Majorité Présidentielle, AMP en sigle, devenue Majorité Présidentielle, rappelle avec faste le Président. Née en 2006, la coalition compte 12 ans.
«En 12 ans, notre majorité a connu des hauts et des bas», note Kabila. «À l’origine, en 2006, ce fut la victoire obtenue sur le programme des Cinq Chantiers. En 2011, une nouvelle victoire avec la suite des Cinq Chantiers, la Révolution de la modernité».
Voilà pour les hauts. Les bas? «Depuis 2006, il y a eu des failles; il y a eu des faiblesses! Des départs physiquement et politiquement. Mais la MP est là, la MP est toujours là. Elle est la plus grande force politique du pays. Avec désormais de nombreux défis à relever».
Au nombre desquels l’unité nationale, l’indépendance du pays.
Seul face à une table rectangulaire placée en plein milieu des tables rondes couvertes de nappes blanches et dressées présageant un buffet à venir, le Président jette, de temps en temps, un œil sur une feuille de papier posée sur sa table.
«Quant à moi, je suis de la MP, je reste de la MP. Et il en sera toujours ainsi». Des pétarades résonnent dans la salle. Puis: «Sauf cas de force majeure… ».
Un homme hurle: «Il n’y en aura pas…». Kabila a entendu sans faire un commentaire…
La réunion a débuté à 12 heures tapantes. Accueillis et salués un à un à leur descente des véhicules par Me John Mbuyu Luyongola, Conseiller spécial du Président de la République en matière de sécurité, présidents et membres du Bureau Politique dévorent thé, café, soft drinks et s’assoient sur de petites chaises matelassées de couleur rouge avant d’être invités à prendre place en contrebas sous cette géante paillote quand peu avant midi, le convoi du Président de la République parque à l’entrée. Au volant de sa toute récente camionnette de marque asiatique et de type militaire, Kabila vêtu d’habit kaki de couleur verte tel un gentleman-farmer, est accueilli debout avec une ovation par ses camarades comme le désignera plus tard Modeste Bahati dans une allocution de circonstance donnée au nom de ses collègues présidents des regroupements politiques.

QUAND BAHATI FAIT EVENEMENT.
Ministre d’État et du Plan, Modeste Bahati Lukwebo fait en lui-même un événement ce jour sur ce site de Kingakati dont nombreux font la découverte. Absent aux trois dernières réunions du Bureau Politique de la Majorité Présidentielle, le président de l’AFDC, Alliance des forces démocratiques du Congo, semblait ces dernières semaines avoir pris des libertés avec sa famille, la Majorité Présidentielle. Ses phrases fin avril étaient tout sauf du goût de tout le monde.
Ainsi, «nous sommes dans la Majorité Présidentielle. Nous voulons que cela soit clair: «nous n’accepterons aucune décision qui sera prise sans nous par un groupe de gens au sein de la Majorité Présidentielle. L’AFDC doit être associée à toutes les décisions stratégiques de la MP. Au cas contraire, nous n’accepterons aucune décision qui sortirait de ces réunions». Des mots qui firent du bruit dans nombre de salons de la ville haute. Ou ceux-ci: «On doit veiller aux prochaines élections parce qu’il y a des gens qui préparent la tricherie».
Dans son parti, certains commençaient à prendre position. Son président national Placide Tshisumpa Tshiakatumba s’est annoncé à la tête d’une ADPEC. Le ministre de l’Urbanisme et de l’Habitat, Joseph Kokonyangi à l’initiative de l’Asbl COJECOP, le Collectif des jeunes consciencieux et patriotes, était à l’offensive. Sa campagne anti-drapelet aurait visé Bahati qui a bâti sa réputation sur la com’ visuelle «drapelet visible même dans la brousse, dans des coins inhabités».
«Il n’est pas acceptable, fulmine Kokonyangi, invoquant sa charge en matière d’urbanisme, qu’en dehors de la période de campagne électorale, la Capitale puisse être enlaidie par des drapeaux accrochés sur des poteaux d’éclairage public». Si le ministre a lancé un ultimatum de 48 heures menaçant de faire décrocher ces drapelets, une semaine plus tard, samedi 12 mai, dans les rues de la Capitale, ces bouts d’habit étaient toujours visibles.
Cette phrase du Président de la République - «on a connu quelques problèmes mais tout est revenu dans l’ordre …» - suggère-t-elle que désormais, à la Majorité, on est à fumer le calumet de la paix?
Quand avant de remettre en mains propres au Président de la République copie du «Protocole fixant les directives ainsi que les principes de constitution et de fonctionnement des Regroupements électoraux mis en vigueur entre partis politiques de la Majorité Présidentielle» signé le 22 mars par les 288 présidents des partis politiques, lors d’une cérémonie protocolaire dans une salle à la Gombe, Bahati donne lecture de ce texte clé et insiste sur ses deux articles - «tout signataire du présent Protocole réaffirme son attachement et sa loyauté à Joseph Kabila Kabange, Autorité Morale de la Majorité Présidentielle» (art. 1), puis, «tout signataire du présent Protocole soutient le candidat Président de la République présenté par la Majorité Présidentielle et s’abstient de le combattre de quelque manière que ce soit, en toutes circonstances de temps et de lieu» (art. 2), on imagine qu’un recadrage est passé et qu’il y a un retour dans les rangs.
Là «où la rivière N’Sele effectue une virgule» (les mots sont du Secrétaire général de la Majorité Présidentielle, le Président de l’Assemblée Nationale Aubin Minaku N’Djalandjoku qui a pris la parole en premier pour décliner le programme de la journée), samedi 12 mai 2018, pas un homme n’aurait souhaité manquer d’immortaliser ce moment. Si aucune caméra n’est en vue, il y a gros à parier que plusieurs s’en sont inventés des moyens, de quelque manière que ce soit… Afin que nul n’en ignore rien!
Kabila aurait bien voulu faire le point de la situation du pays - aborder les questions sociales, économiques, macro-économiques, la reconstruction du Congo. Si, dehors, le soleil frappe sur la tête, que certains sous cette immense paillote, ont la chemise mouillée au point de l’avoir ôtée, geste encouragé par le Chef de l’État qui constate de voir des «hommes arrivés en cravate», même si le climat est adouci par ces eaux de la N’Sele, le Président de la République renvoie tout à plus tard. En juin. «Pourquoi pas le 4 juin», son jour anniversaire, suggère-t-il. «On aura tout le temps, ce jour-là…». Ce jour-là, Kabila aura 47 ans.
Pour aujourd’hui, le Président veut expédier son sujet en se concentrant sur trois points.
Questions «sécuritaires» d’abord. La menace réelle qui pèse sur le pays. Menace sur la paix, la sécurité, la stabilité, l’unité. Le Congo Bashing a refait surface. Il suffit de prendre un journal à Kin, d’écouter telle radio (périphérique), de regarder telle télé (périphérique).
«Ils font tout pour noircir le pays. Ils trouvent que rien ne marche afin de donner des arguments à nos voisins voire aux enfants du pays. Vous pouvez chanter matin et soir «élections!, élections!», que nul n’oublie cette menace sur le pays», prévient-il. Trop fort Kabila!
«Il arrive qu’on entende: «ils vous menacent mais donnez leur ce qu’ils veulent»! Le problème est de savoir ce qu’ils veulent! «Il faut partager, partager» mais partager quoi? Nos richesses, semble-t-il. On l’a entendu de la bouche de l’ancien président français, Nicolas Sarkozy de passage à Kin. Le problème est qu’ils ne veulent pas partager nos richesses. Ils veulent prendre le Congo pour eux et nous laisser des miettes!»
Kabila en veut pour preuve sa guerre récente pour le nouveau code minier promulgué le 9 mars dernier qui a fait déplacer dans la Capitale trois jours durant sept patrons miniers multi-milliardaires (Randgold Resources, Glencore, Ivanhoe Mines, Gold Mountain International, etc.).
Reçus au Palais de la Nation, chacun d’eux use de la menace. Un autre suggère de laisser se déployer des groupes armés formés de ses employés jetés au chômage. «Réveillez-vous car l’heure est grave! La menace est là…», insiste Kabila.
«J’avais compris que la solution ce sont les élections. Mais voici que le discours commence à changer un tout petit peu (...) «Elections, élections mais sans machine à voter! S’ils veulent cette machine à voter, on leur fait la guerre»»».
Les élections, autre sujet abordé. Le processus électoral précisément. Puisque tous, on veut les élections, il n’y a plus désormais d’obstacles puisque le fichier électoral a été promulgué (le calendrier électoral officiel de la CÉNI prévoyait précisément au 8 mai 2018 la promulgation de l’annexe à la loi portant répartition des sièges pour les élections législatives, provinciales, urbaines, municipales et locales).

«ILS AURONT PEUT-ETRE UN PEU PEUR».
«Mais voilà déjà qu’on réclame son audit. Pourquoi l’audit du fichier alors que la loi est déjà promulguée (le 8 mai 2018), que les élections ont lieu le 23 décembre si tout se passe bien, que le dépôt des candidatures est prévu au mois de juin» (du 24 juin au 8 juillet 2018 pour la députation provinciale, selon le calendrier électoral officiel et un mois plus tard du 25 juillet au 8 août 2018 pour la présidentielle et la députation nationale)?
Il rappelle l’option levée: financer ces élections «nous-mêmes afin d’éviter à tout prix les ingérences». Les moyens? «Le problème ne se pose même pas». Puis d’appeler ces hommes et ces femmes à relever les défis».
Il y va des élections comme de toute compétition. On n’y va jamais pour perdre. Si c’est pour perdre, autant ne pas y aller. On y va pour gagner.
Son message en clair: il appelle ses troupes à disposer du mental de gagnant. D’où cohésion et discipline dans les rangs. Et de procéder au réarmement moral.
«N’ayez plus aucun doute. Soyez détendus. Allez de l’avant. Persévérez. Tel que je vous vois là, assis devant moi, je ne vois pas une autre famille gagner ces élections…».
Kabila rappelle son initiative de grande coalition qui l’a amené à aller au contact de la plupart de partis politiques représentés au Gouvernement Tshibala. Objectif? «Les amener à avancer avec nous avant, pendant et après, dans une très grande coalition».
Il s’agit de gagner ces élections par un large rassemblement de forces et avant d’y aller. C’est le ratisser large, le rassembler tout le monde qu’il déploie depuis 2006. Il veut sur le terrain «réduire le nombre d’adversaires politiques». Si le feu vert a été donné, l’accord de cette Grande Coalition en discussion dans une cellule, doit encore être conclu et signé. Cela est une question de jours.
Avant de passer à la séance photo, Kabila rappelle que 600 partis politiques vont concourir aux prochains scrutins - plus précisément 599 partis politiques, selon le Journal Officiel daté du 30 avril 2018 - sous leur identité propre ou dans le cadre de 77 regroupements politiques, selon le Journal Officiel. Sur ces 77 regroupements politiques, pour l’heure, 12 s’inscrivent à la Majorité Présidentielle, le PPRD (Parti du peuple pour la reconstruction et le développement) de Emmanuel Ramazani Shadari et l’ACO (Avenir du Congo) de Patrick Bologna Rafiki ayant estimé devoir y aller chacun seul.
«Ne restez plus à Kin. S’il existe des gens qui se distraient à Kinshasa, à vous de descendre sur le terrain, dans le pays profond et sans délai. Eux n’ont pas mobilisé pour l’enrôlement. Vous, si! Alors, n’attendez pas. Allez vite». Kabila parle aux siens en chef de famille.
À ceux des présidents des partis politiques qui, après le repas, disposeraient d’un moment, qu’ils fassent un petit tour dans ce qui n’est «qu’un parc» (animalier), souligne le Président.
Cet homme qui manie à la perfection l’humour poursuit: «Contrairement à ce qu’on écrit, ce n’est pas un camp militaire. Il n’y a pas de militaires ici. Il n’y a que des animaux. Mais bientôt, il y aura des lions. Ils auront peut-être un peu peur…»! De venir jusqu’ici…
TRYPHON KIN-KIEY MULUMBA.
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